L'année 2007 a été incontestablement marquée par la propulsion sur la scène médiatico-judiciaire d'une jeune magistrate à laquelle 150 avocats et de nombreux journalistes ont rendu hommage pour son professionnalisme et sa rigueur dans la gestion d'un des procès du siècle, celui de Khalifa. Il s'agit bien évidemment de Mme Fatiha Brahimi que maître Khaled Bourayou a superbement assimilé à la procureur Carla Del Ponté et au juge d'instruction Eva Joly. Ironie du sort, Mme Fatiha Brahimi, comme pour fermer la boucle, est magistrate du siècle. Dès le début du procès, qu'elle dirige en tant que présidente du tribunal criminel, cette juge a forcé le destin pour s'imposer dans un milieu d'hommes, objet de tirs croisés de tous bords, de par ses défaillances, ses bourdes, ses dysfonctionnements et surtout son contrôle par les dirigeants. En l'espace de 60 jours, la magistrate a donné l'espoir à beaucoup de voir un jour son engagement et sa rigueur dans l'application de la loi et le respect de la présomption d'innocence contaminer ses nombreux collègues, encore entre les mains des uns et des autres. Qui est cette femme ? Comment est-elle arrivée à ce niveau ? Algéroise, âgée de 47 ans, mère de 5 enfants, licenciée de la faculté de droit de Ben Aknoun en 1985, elle opte pour la magistrature, où elle obtient avec succès le concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature de Dar El Beïda. Elle entame sa carrière professionnelle en tant que stagiaire au tribunal de Hussein Dey, avant de rejoindre celui de Boudouaou au plus fort de la période du terrorisme. C'est dans ce fief intégriste qu'elle apprend le métier de magistrat, dans la douleur et la souffrance. C'est également dans cette juridiction qu'elle approfondit ses connaissances et se forge les qualités de probité et d'intégrité. En 1999, elle est mutée au tribunal de Bir Mourad Raïs où apparaissent au grand jour son savoir-faire et ses compétences. Elle prend goût aux affaires agaçantes. Toutes ces qualités, rares chez ses collègues, l'ont prédestinée à la lourde tâche de gérer un dossier aussi épineux que complexe. Le dossier du siècle. Dès le 8 janvier dernier, le premier jour de l'audience, tout le monde avait ressenti sa maîtrise de l'affaire et cet ascendant sur une pléthore d'avocats, parmi lesquels des ténors connus. Mais derrière cette fonction, tout particulièrement ce procès, se lotit une femme très sensible sans doute parce qu'elle est mère de famille dont les obligations ne semblent pas l'empêcher non seulement d'essayer de faire correctement son métier, mais aussi de lire et pas n'importe quelle lecture : Albert Camus qui a su parler de la mère et de la patrie et de leur dilemme. La preuve, à l'adresse des journalistes, elle a eu ces mots : « Vous m'avez ruinée, je dépense chaque jour 200 dinars pour acheter 20 journaux. Et si vous me voyez pleurer à la fin du procès, ne vous étonnez pas. C'est parce que je me suis habituée à vous. »