L�histoire qui suit est celle d�un intellectuel seul et d�sesp�r�. Son parcours indique pourtant un temp�rament tremp� dans des �tudes avanc�es, une sp�cialit� pointue, des r�alisations nombreuses. L�homme est enti�rement poss�d� par la lutte contre la d�tention frauduleuse de sources radioactives entre des mains malveillantes. Une situation qui peut mener au pire ou � ce qu�il appelle la d�tention d�une �bombe sale�. Au d�part, on ne lui pr�te qu�une oreille distraite. Il y a, a priori, deux bonnes premi�res raisons � ne pas le croire. La premi�re est que l�Alg�rie n��tant pas une puissance nucl�aire et n�ambitionnant pas de le devenir, elle reste un sanctuaire de paix non concern� par le danger qu�il �voque. La seconde est qu�elle ne dispose pas non plus de centrales nucl�aires civiles pour produire de l��lectricit�. L�expert balaie d�un revers de main ce qu�il qualifie de �fausse impression� : nous ne serions pas � l�abri de frappes nucl�aires adverses, pr�ventives ou a posteriori, ainsi qu�� l�abri de �retomb�es apocalyptiques � du fait de notre position g�opolitique. Nos voisins de la rive nord sont touch�s ou impliqu�s dans le d�ploiement des armes nucl�aires en transit l�gal ou occulte sur leur territoire. Par ailleurs, au large de nos c�tes sillonnent des navires de surface, sous-marins et des avions porteurs de charges nucl�aires am�ricains, britanniques, fran�ais, isra�liens ou russes. Notre interlocuteur revient sur une menace moins apparente : nous ferions un large usage de sources radioactives dans des domaines tr�s vari�s (dans l�industrie, la m�decine, la recherche scientifique, etc.) et ces sources sont stock�es, exploit�es, manipul�es et d�plac�es non sans risques d�un site vers d�autres. L�incident qui reste dans toutes les m�moires est celui de A�n Tagrout en 1978. Il s�agissait d�une source radioactive appartenant � Altra (GTP aujourd�hui), une grande soci�t� du secteur p�trolier, et servant � la radiographie pour des contr�les industriels. La source radioactive a �t� laiss�e, un court instant, sans surveillance, dans un v�hicule charg� de la transporter vers un autre site sans marquer d�arr�t. Des enfants parviennent � l�extraire de son conteneur blind� � l�uranium et � l�emporter � leur domicile. La famille et des voisins sont d�cim�s et d�autres personnes, plus �loign�es, subissent des dommages corporels irr�versibles. Nombre d�entre elles sont �vacu�es en urgence vers des h�pitaux sp�cialis�s en Europe. Pendant qu�on r�pare les d�g�ts, au prix fort, l�anc�tre de l�actuel Comena, le Commissariat � l��nergie atomique, est charg� de retrouver, de r�cup�rer et de mettre en s�curit� la source radioactive et d�expliquer l�origine d�une catastrophe qui, m�me dans un pays qui n�est ni militairement ni industriellement nucl�aire, a provoqu� tant de pertes humaines et de maladies irr�versibles avec, pour certaines, une issue fatale � terme. Saisie, la justice prononce de lourdes peines d�emprisonnement, sur la base du seul code p�nal. Il faut dire qu�� l��poque, les magistrats ne pouvaient pas faire autrement : ils ne disposaient pas de textes sp�cifiques couvrant l�ensemble des aspects m�dicaux, techniques et r�glementaires du crime. Pourtant, deux ann�es auparavant, une commission de scientifiques, dont un expert mandat� par l�AIEA (l�Agence internationale de l��nergie atomique) et de repr�sentants des minist�res et institutions sp�cialis�es, avait �labor� un projet de r�glementation conforme aux normes internationales en vigueur. Il faudra n�anmoins attendre huit ans apr�s la catastrophe de A�n Tagrout pour que les premiers textes r�glementaires soient sign�s sous forme de d�crets : n� 86-132 du 27 mai 1986 et 05-117 du 11 avril 2005. Ces textes disposent essentiellement que nul ne peut d�tenir, utiliser, se dessaisir, transf�rer, pr�ter, transporter des mati�res radioactives, sous toutes formes, natures ou pour tout usage, sans autorisation pr�alable du Comena. Ils pr�voient �galement des inspections du Comena et des sanctions civiles et p�nales. Notre interlocuteur m�ne aujourd�hui un autre combat, toujours solitaire mais ferme � au scanner et au scalpel � pour dire qu�une soci�t� de droit alg�rien charg�e des prestations dans le domaine du contr�le industriel pour le compte de Sonelgaz a d�tourn� et continue d�utiliser des sources radioactives de m�me nature et dangerosit� que celle qui a provoqu� le �petit Tchernobyl alg�rien� � A�n Tagrout. L�entreprise incrimin�e a utilis� ill�galement depuis 2002, utilise encore, stocke et transporte, sans aucune autorisation, ces sources radioactives. Bien mieux, elle sous-traite pour des entreprises locales et �trang�res de renom, abusant de leur confiance et les pla�ant en infraction avec les lois. Alert� par le propri�taire l�gal, le Comena aurait mis la main sur certains �quipements d�tourn�s, tandis que la Gendarmerie nationale aurait r�ussi � identifier une des sources radioactives et � en effectuer la saisie dans son habitacle sp�cial, non pas dans un bunker comme l�exige la r�glementation, mais, tenez-vous bien, dans un simple appartement habit� au c�ur de la ville de Azzaba, dans la wilaya de Skikda. Dans l�attente de suites judiciaires, l�objet du d�lit est confi� � la garde de l�entreprise incrimin�e. Seulement voil� : le r�cipient sp�cial contenant la source radioactive serait vide ; les coupables ayant eu le temps de transvaser la source radioactive et de la cacher dans un autre site. Une situation qui dure de d�cembre 2005 � ce jour. Le fait �tabli est qu�il y a reconnaissance de d�tention d�un r�cipient destin� � un produit radioactif tr�s dangereux, dans un appartement habit� dans un immeuble o� logent de nombreux voisins avec leurs familles. M�me vide, le r�cipient sp�cial est blind� � l�uranium, un mat�riau qui fait l�objet d�une comptabilit� et d�un suivi national et international. Nous sommes ici devant une situation sans pr�c�dent : une entreprise travaille avec des sources radioactives d�tourn�es, sans jamais avoir obtenu l�autorisation du Commissariat � l��nergie atomique. Ce grave d�lit est aggrav� par les engagements internationaux de notre pays (toute disparition ou simple �clipse d�une mati�re radioactive est source de complications avec l�AIEA) et, surtout, le caract�re pernicieux de l�exposition des personnes � la radioactivit� ou par son utilisation malveillante. A pr�sent, le probl�me revient � retrouver cette myst�rieuse source radioactive, o� qu�elle soit, et � la neutraliser en proc�dant � sa saisie par l�autorit� concern�e et comp�tente. En effet, malgr� une injonction du tribunal notifi�e par huissier, la soci�t� incrimin�e refuse de livrer la source. Brief�s par une avocate de la d�fense, nos confr�res d� Ech Chourouk jettent le pav� dans la mare. Le minist�re de l�Energie r�agit. Il diligente une enqu�te qui conclut au caract�re fantaisiste des faits rapport�s mais interdit tout de m�me � l�entreprise en cause toute nouvelle importation de sources radioactives. Faudra-t-il attendre l�irr�parable pour r�agir ? Laisser planer le doute sur la d�tention et la circulation d�une source aussi sensible, dans un pays o� il est d�j� difficile d��tablir la tra�abilit� des t�l�phones portables, dans un contexte de recrudescence des actes terroristes, commis par des commandes � distance d�engins explosifs, rel�ve d�une n�gligence impardonnable. Il y a p�ril en la demeure.