Pourquoi avoir consacr� cet ouvrage au po�te andalou du XIe si�cle Ibn Khafadja ? Cet ouvrage a �t� une th�se de doctorat de 3e cycle que j�ai pr�par�e � la Sorbonne sous la direction du professeur R�gis Blach�re et que j�ai publi�e par la suite en fran�ais puis en arabe � Alger. Cette pr�cision faite, j�en viens aux motivations de ce choix ; j�ai d�couvert l�Andalousie � travers la musique andalouse qui a berc� mon enfance par la voix inoubliable de Dahmane Ben Achour � que Dieu lui accorde sa mis�ricorde � qui venait assez souvent � Miliana, ma ville natale, o� il �tait tr�s appr�ci� et en particulier � l�occasion de la f�te des cerises. Son �uvre int�grale est en cours de r�impression. En second lieu, j�avais remarqu� que l�Andalousie avec toutes ses richesses culturelles et artistiques occupait une place tr�s r�duite ; la plupart de nos chercheurs lui ont pr�f�r� l�Orient ; on regardait Damas puis Baghdad surtout plut�t que Cordoue, et pourtant ! ne fallaitil pas essayer de r�tablir l��quilibre ? Et maintenant pourquoi Ibn Khafadja ? J�avais remarqu� l� aussi qu�il n�avait fait l�objet d�aucune �tude en dehors de quelques articles dispers�s dans des revues alors que son divv�n, l�un des rares qui nous soit parvenu dans son int�gralit�, avait fait l�objet de plusieurs �ditions ; enfin une raison subjective et sans doute inconsciente se rapporte aux th�mes de la nature qu�il a privil�gi�s dans sa po�sie. Or, � Miliana, la nature ne manquait pas de charme ; n�y avait-il pas l� une ressemblance, peut-�tre rassurante pour moi, d��tre dans un environnement familier ? C�est possible. Par son cheminement, que nous enseigne-t-il aujourd�hui ? Ibn Khafadja a �t� un admirateur de la beaut� ! Que chacun la d�couvre dans sa vie ; si pour lui ce fut la nature verdoyante, les jardins fleuris, le murmure des ruisseaux ; mais aussi une nature paisible, consolatrice ; une confidente intime comme peut l��tre une belle femme qu�on aime ; pour d�autres la beaut� serait dans l�art, dans la musique, dans la peinture ; chacun peut trouver sa source de jouissance dans son monde r�el ou imaginaire. Il nous invite � profiter de la vie, de tout ce qu�elle rec�le de beau, de plaisant pour s��loigner, autant que faire se peut, du mal �tre ; � nous d�sint�resser des honneurs et des biens mat�riels p�rissables ; de veiller � pr�server notre dignit� et notre libert� � l��cart des cercles du pouvoir et des puissants du jour. La po�sie a toujours occup� une place importante dans la vie culturelle et intellectuelle arabe, Ibn Khafadja proc�de-t-il de cette d�marche ? Rappelons que les po�tes, en ces temps-l�, �taient pour la plupart des po�tes courtisans d�pendant du bon vouloir du Prince pour vivre car la majorit� �tait d�origine tr�s modeste et la po�sie �tait la voie royale pour changer de statut et am�liorer leurs conditions de vie ; Ibn Khafadja n��tait pas du tout dans cette d�marche, on peut dire qu�il �tait atypique pour deux raisons : �tre n� dans une famille ais�e qui lui laissa des biens, ce qui le dispensa des soucis mat�riels,aussi n�a-t-il � exercer aucun m�tier, il pouvait se livrer � la po�sie � longueur de temps, une po�sie donc toute personnelle, il cultivait l�art pour l�art, d�ailleurs la plupart de ses compositions � du moins avant l�arriv�e des Almoravides � se limitaient � quelques vers, 5 � 10 au gr� de l�inspiration du moment, ce qui nous a valu des tableaux pleins de vie et de fra�cheur ; Ibn Khafadja ne d�crit pas la nature, il la transfigure en lui pr�tant des sentiments humains, ce qui a fait son originalit�. Pensez-vous que de nos jours la po�sie ait autant d�importance dans le monde arabe ? Il est difficile de r�pondre � cette question car les temps ont chang� ; dans le temps, les po�tes �taient des courtisans au service d�un protecteur, ils �taient charg�s de mettre en valeur ses exploits car il fallait plaire pour m�riter une r�tribution ; mais aujourd�hui ce n�est plus le cas ; la po�sie a encore sa place dans notre soci�t� mais sa fonction a chang�, elle est un moyen de communication particulier, le po�te n�a pas perdu son aura, il continue � occuper une place privil�gi�e parmi les siens car, par son engagement au service d�une cause politique, sociale ou �conomique, il est � m�me de r�pondre � l�attente de ceux qui l��coutent et dire po�tiquement ce qu�ils ressentent et ne peuvent verbaliser. Propos recueillis par Meriem Nour et Bachir Agour Bio Hamdane Hadjadji Hamdane Hadjadji est un universitaire alg�rien, docteur �s lettres en langue et litt�rature arabes, sp�cialiste de la po�sie andalouse et de la didactique de l�arabe moderne. Il a longtemps enseign� en France et en Alg�rie. Il est l�auteur de monographies en arabe et en fran�ais, et de plusieurs anthologies bilingues arabe-fran�ais dont Ibn Khaf�dja, l�amant de la nature et Les Arabes et l�amour avec Andr� Miquel. Il a con�u avec Houaria Kadra, une M�thode d�arabe moderne, bilingue, pour adultes, accompagn�e d�un CD paru chez IbisPress en 2004.