Nécessité de renforcer la coopération entre les Etats membres et d'intensifier le soutien pour atteindre les objectifs    La réunion consacrée aux exportations présidée par le président de la République "importante et fructueuse"    Ligue 1 Mobilis: le CS Constantine bat l'USM Alger (1-0) et prend la tête du classement    Timimoun : commémoration du 67è anniversaire de la bataille de Hassi-Ghambou dans le Grand erg occidental    Accidents de la circulation en zones urbaines: 11 morts et 418 blessés en une semaine    Entrée prochaine de la première startup à la Bourse d'Alger    Le ministre de la Santé met en avant les progrès accomplis par l'Algérie dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens    Le Conseil de la nation prend part à Montréal à la 70e session de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN    Touggourt : une quinzaine de participants à l'exposition de dattes à Témacine    La CPI émet des mandats d'arrêt contre Netanyahu et son ancien "ministre" de la Défense    Khenchela: 175 foyers de la commune d'El Mahmal raccordés au réseau du gaz naturel    Le Général d'Armée Chanegriha préside la cérémonie d'installation officielle du Commandant de la 3ème Région militaire    Meilleur arbitre du monde 2024: l'Algérien Mustapha Ghorbal nominé    Une action en justice intentée contre l'écrivain Kamel Daoud    Le recteur de Djamaâ El-Djazaïr reçoit le recteur de l'Université russe du Caucase du Nord    Attaf reçoit l'envoyé spécial du président de la République fédérale de Somalie    Foot féminin: maintenir la dynamique du travail effectué pour bien préparer la CAN-2025    Palestine: des dizaines de colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade de la mosquée Al-Aqsa    La liste des présents se complète    Combat de la spécialité muay thai : victoire de l'Algérien Mohamed Younes Rabah    Ouassa Younes et Aribi Karim suspendus deux matchs    Poutine a approuvé la doctrine nucléaire actualisée de la Russie    L'entité sioniste «commet un génocide» à Ghaza    Liban : L'Italie dénonce une nouvelle attaque «intolérable» de l'entité sioniste contre la Finul    Un nourrisson fait une chute mortelle à Oued Rhiou    Sonatrach s'engage à planter 45 millions d'arbres fruitiers rustiques    Campagne de sensibilisation au profit des élèves de la direction de l'environnement de Sidi Ali    Sonatrach examine les opportunités de coopération algéro-allemande    Semaine internationale de l'entrepreneuriat    La 3e édition du salon «Algeria WoodTech», prévue du 23 au 26 novembre    Il y a 70 ans, Badji Mokhtar tombait au champ d'honneur    L'irrésistible tentation de la «carotte-hameçon» fixée au bout de la langue perche de la Francophonie (III)    La femme algérienne est libre et épanouie    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    «Dynamiser les investissements pour un développement global»    Le point de départ d'une nouvelle étape    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'Entretien du Mois
Entretien avec Lakhdar BRAHIMI, men� par Mohamed Chafik MESBAH Deuxi�me partie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 01 - 07 - 2007

� De mon exp�rience internationale, je tire l�enseignement que les Am�ricains �crasent ceux qui font des courbettes et respectent beaucoup plus ceux qui font preuve de dignit�, sans jouer les matadors, naturellement �
III .Les enseignements tir�s de l�exp�rience diplomatique :
MCM : Votre exp�rience diplomatique international le vous autorise, sans doute, � �mettre des appr�ciations sur certaines grandes dates de l��volution du monde, particuli�rement, celles qui concernent les processus de d�nouement de crises internationales. Nous allons entamer la question , si vous le permettez , en �voquant les accords de Taef qui portent , indubitablement , votre empreinte. Ces accords qui tenaient compte , pourtant , de la diversit� du peuple libanais n�ont pas r�sist� , apparemment , � l�usage et au temps. La raison , selon vous , en revient � l�influence syrienne sur le cours de la vie politique libanaise ou � une incapacit� chronique des composantes du peuple libanais � s�entendre ? Dans la persistance de la crise interne au Liban, quelle est la part de l�histoire et de la sociologie et celle de la g�ostrat�gie ?
LB : Le Liban est un pays remarquable � plussieurs �gards. Un peuple attachant, extr�mement cr�atif, riche d�une diversit� absolument sans pareil. Naturellement il a eu une histoire houleuse, la cohabitation entre ses communaut�s n�ayant pas toujours �t� sans probl�mes. L�environnement g�opolitique lui-m�me n�est ni simple ni facile. La guerre civile qui, pr�s de 17 ans durant, y a fait rage est pleine de questions dont plusieurs n�ont toujours pas de r�ponse. Les libanais � beaucoup d�entre eux en tous les cas � aiment dire que cette guerre civile fut en fait �la guerre des autres�, c�est �-dire une guerre que les Palestiniens, les Syriens, les Irakiens, Isra�l, d�autres encore, se livraient les uns aux autres sur le territoire libanais. C�est � peine s�ils conc�dent que des groupes libanais ont tout de m�me pris part � cette guerre et que la plupart des libanais morts dans ces guerres ont �t� tu�s par d�autres libanais. Laissez-moi dire, dans ce contexte que j�ai entendu la m�me chose � peu pr�s partout dans les situations de crise o� je me suis trouv� .Au Y�men lors de la tentative de s�cession du Sud en 1994, en Afghanistan et en Irak. C�est tr�s difficile � tout un chacun d�accepter que ses parents, ses amis, ses voisins, ses compatriotes s�entretuent de cette mani�re pour des raisons qui, finalement n�en valaient pas vraiment la peine. Et c�est un fait que la guerre civile avait une dimension r�gionale et m�me internationale tr�s forte. Quoi qu�il en soit, il y a eu un accord � Taef et c�est sur la base de cet accord que le Liban a essay� de panser ses plaies et de se reconstruire. Sur le plan mat�riel, l�effort de reconstruction a �t� remarquable, spectaculaire m�me. Sur le plan politique, les progr�s ont �t� laborieux. La Syrie porte certainement de lourdes responsabilit�s. Mais son r�le n�a pas �t� toujours n�gatif. Aujourd�hui, il n�est pas politiquement correct de dire du bien de la Syrie au Liban. M�me certains de ceux qui pendant trente ann�es ont coop�r� intimement avec les syriens vous diront d�sormais que leur pr�sence a �t� totalement n�gative. Mais il n�y a pas de doute que les Syriens n�ont pas permis une application franche et loyale de tous les aspects de Taef. En particulier, ils ont simplement ignor� l�obligation qui leur �tait faite de commencer � retirer les troupes une ann�e ou deux apr�s l�entr�e en vigueur des accords de Taef. Ils ont, de plus, pratiqu� une politique d�intervention dans tous les aspects de la vie politique et �conomique du pays. Je crois que je ne d�voilerai aucun secret en disant que plusieurs officiers syriens qui ont fait carri�re au Liban se sont scandaleusement enrichis et que la corruption fut, de mani�re g�n�rale, largement encourag�e par eux. Certains n�h�sitent pas � dire, aujourd�hui que les responsables syriens ont fini par se convaincre eux-m�mes qu�ils �taient au Liban pour toujours et qu�ils pourraient continuer � s�y conduire comme en pays conquis pour l��ternit�. On vous dira aussi que la Syrie a �t� encourag�e � se comporter de la sorte par les �tats-Unis � la suite de la d�cision du Pr�sident Hafez El ASSAD de participer � leurs cot�s � la guerre contre l�Irak, en 1991, � la suite de l�occupation du Kowe�t par le Pr�sident SADDAM Hussein. J�ajouterai pour ma part que les Syriens se sont conduits au Liban un peu comme les �gyptiens au Y�men apr�s la chute du r�gime de l�Imam Ahmed et la proclamation de la R�publique par Abdallah SALLAL, en 1962. Comme l��gypte en Syrie, aussi, pendant la courte vie de la R�publique Arabe Unie, de 1958 � 1961. En fait, il est toujours difficile de jouer correctement le r�le du grand fr�re dans de tels cas. Et je suis sur que beaucoup de syriens reconnaissent aujourd�hui que leurs responsables en g�n�ral, et leurs repr�sentants sur place en particulier, ont eu � la main particuli�rement lourde � au Liban. Je dirais enfin que les Syriens doivent comprendre aujourd�hui qu�ils ne reviendront plus jamais au Liban, que �le Liban de Papa est mort�. Et ils doivent rassurer les Libanais, sur ce point, afin que les deux pays puissent commencer � reb�tir des relations de bon voisinage dont ils ne peuvent absolument pas se passer, les uns comme les autres. Sur le plan int�rieur, l�application des Accords de Taef laisse, s�rieusement, � d�sirer sur un point fondamental. Taef devait conduire petit � petit vers la fin du syst�me confessionnel. Nous avons assist�, paradoxalement, � un confessionnalisme de plus en plus excessif, de plus en plus �tendu, plus rigide que jamais il ne le fut. Cependant, les Libanais acceptent aujourd�hui qu�ils n�ont pas d�autre base que les Accords de Taef pour maintenir l�unit� de leur pays et restaurer sa stabilit�. A ma connaissance, c�est l� l�attitude de tous, m�me du G�n�ral Michel AOUN qui, en son temps, s��tait farouchement oppos� � ces accords. �videmment, la situation r�gionale influe puissamment sur les �v�nements au Liban. On peut dire que les Isra�liens ont favoris� la naissance du mouvement chiite du � Hizbollah � qui a vu le jour � la suite de l�occupation Isra�lienne du sud Liban, � compter de l978 qui est, pr�cis�ment, l�ann�e o� la r�volution khomeyniste a triomph� en Iran. C�est encore Isra�l qui a donn� un second souffle � ce mouvement en 2006, en lui offrant l�occasion de la r�sistance farouche dont nous f�mes tous les t�moins l��t� dernier. L�Iran, de son c�t�, exerce une influence ind�niable sur le Hizbollah et cela pose probl�me au Liban comme � l�ensemble de la r�gion, en raison, notamment, de la grave crise dont l�Irak est actuellement le th��tre .Des amis bien en place � Beyrouth me disent que la guerre civile qui fait rage en Irak a failli s��tendre au Liban et mettre aux prises, pour la premi�re fois, les communaut�s sunnite et chiite dans un pays qui n�avait pas besoin de cela. On me dit aussi que, fort heureusement, ce risque est �loign�, du moins pour le moment. Il y aurait encore beaucoup, beaucoup � dire au susl jet du Liban et des cons�quences que la crise int�sl rieure et les probl�mes r�gionaux peuvent avoir r�l ciproquement. Je crains d�avoir d�j� �t� trop long. J�esp�re que ces �l�ments apportent un aper�u sur la complexit� des probl�mes qui se posent dans ce pays et dans la r�gion dans son ensemble.
MCM : Le Conseil de S�curit� des Nations Unies vient d�approuver la cr�ation d�un Tribunal Intersl national pour juger les auteurs de l�assassinat de Rafik EL HARIRI. Ce Tribunal vastsil pouvoir exercer son mandat ? Ce mandat estlil de nature � compliquer ou � d�nouer la crise du Liban ?
LB : L�instauration de ce tribunal est au c�ur de la crise. Beaucoup de Libanais vous diront que la tr�s forte opposition � ce tribunal par les sysl riens et ceux qui les soutiennent est la meilleure preuve de leur culpabilit� dans l�assassinat de Hariri comme dans les autres assassinats qui, p�riodiquement endeuillent tout un peuple. Il y a malheureusement une absence totale de confiance et m�me de toute communication enstre Beyrouth et Damas et m�me entre les parties libanaises. Le d�saccord au Liban ne porte pas seulement sur ce tribunal. Vous avez maintenant l��ch�ance pr�sidentielle qui avance � grands pas : le Mandat du Pr�sident �mile LAHOUD tire � sa fin et le parlement libanais doit �lire son successeur au plus tard en Octobre. Une tr�s grande partie des positions, des man�uvres, des alliances ne perdent pas de vue cette �ch�ance. Taef fut passible parce que nous avions r�ussi � aligner derri�re l�action du Haut Comit� Tril partite (Alg�riesArabie SaouditesMaroc) tous les pays arabes et toute la communaut� internatiosl nale. Nous n�en sommes pas l� pour le moment.
MCM : La fin de l�apartheid en Afrique du Sud a constitu� un moment intense dans l�histoire de l�humanit� .Selon vous, le d�nouement exeml plaire de la situation qui pr�valait en Afrique du Sud est plus la r�sultante d�une prise de conscience des � colons blancs � de l�impossil bilit� pour l�apartheid de se perp�tuer ou plus la r�sultante du combat de l�ANC appuy� par un fort courant de sympathie internationale ?
LB : La situation en Afrique du Sud en 1994 �tait tout simplement magique. Ce fut, permetl tezlmoi de le dire, un des moments � la fois les plus forts et les plus heureux de ma carri�re. Le tout dernier bastion de l�entreprise coloniale europ�enne en Afrique �tait en train de tomber sous nos regards. Et c��tait l�une des manifesl tations les plus pernicieuses du colonialisme, un mod�le qui, par bien des �gards, ressemblait � ce que nous avions connu dans notre pays et qui �tait encore mieux ancr� que chez nous. Nelson Mandela est certainement l�un des g�ants du vingti�me si�cle : quel destin ! Arr�t� � l��ge de 48 ans, il sort d�une d�tention souvent tr�s inhumaine � l��ge de 75 ans et surprend le monde entier avec sa gentillesse, sa patience, sa tol�rance, son humour et son charisme. En face de lui, il y a Frederik De KLERK qui, quelsl ques ann�es plus t�t, appartenait encore � l�aile dure du r�gime raciste et qui subit luilm�me une transformation inattendue puisqu�il accepte, loyalement, la fin de l�apartheid et veut partisl ciper � construire la nouvelle Afrique du Sud. Permettezlmoi une petite digression pour illustrer un peu les qualit�s de MANDELA. Lorsque j��tais all� lui dire au revoir, il m�a gentiment amen� d�l jeuner chez lui � la maison en t�te � t�te. L�, il m�a tout d�abord pr�sent� sa cuisini�re, une ancienne militante. Pendant le d�jeuner il me parla de sa visl site au Maroc juste avant la signature des accords d��vian. Sa m�moire des noms et des lieux est prol digieuse. Il me demanda des nouvelles de Nouredsl dine DJOUDI qui l�avait accompagn� lors de son passage dans un camp de l�ALN. Il me parla aussi du � repr�sentant du FLN � Rabat, le Dr. Mustasl pha, Je crois � disaitsil. (�videmment il s�agissait du Dr. Chaouki MOSTEFAI) Il me racontera, alors, que le Dr. MOSTEFAI lui avait dit quelque chose qu�il n�avait jamais oubli� : � Il est naturellement essentiel de combattre l�occupation par tous les moyens, m�me par les armes, avait dit le Dr. Mossl tefai. Mais avaitsil ajoute, il arrive un moment o� il faut accepter de parler, donc, de n�gocier � � Cette r�f�rence au fr�re Chawki MOSTEFAI figusl re, explicitement, dans l�autobiographie de MANsl DELA, mais il l�appelle toujours � Dr. Mustapha � ! Alors, comment est arriv�e la fin de l�apartheid ? La lutte de l�ANC a certainement �t� d�terminante, bien sur. Mais il n�y a pas de doute que le soutien ext�rieur et le rejet presqu�universel de l�apartheid ont fini par avoir de l�effet : pendant longtemps, l�ocsl cident officiel � je veux dire les gouvernements de ces pays � a soutenu le r�gime blanc dans le cadre de la guerre froide .Il fallait s�opposer � l�ANC consisl d�r�e comme communiste et aux mouvements de lib�ration dans la r�gion car susceptibles de s�allier � l�URSS. Cependant, la politique de Gorbatchev rassurait de plus en plus Washington, Londres et leurs alli�s. De plus l�audience de l�ANC augmensl tait au sein de l�opinion et le mouvement en faveur du boycott du r�gime raciste faisait des progr�s. La communaut� noire en Am�rique, notamment, �tait de plus en plus mobilis�e en faveur de l�ANC. L�Occident change, alors, de politique et retire progressivement son soutien � Pretoria. C�est dans ces conditions qu�un groupe d�hommes d�affaires blancs commence � envisager le chanl gement. De KLERK h�site, mais finit par accepsl ter que des pourparlers s�engagent avec Manl dela dans sa prison. Vous connaissez la suite �
MCM : Vous consid�rez que le processus de r�conciliation qui est intervenu en Afrisl que du Sud constitue un exemple dont il faut s�inspirer ou qu�il faut au moins m�diter ?
LB : Il y a beaucoup de le�ons � apprendre dans l�exp�rience Sud Africaine. Mais j�ai l�impression qu�� l�ONU, comme ailleurs, on a parfois essay� de � transplanter � purement et simplement ce qui fut pratiqu� en Afrique du Sud dans des contextes qui �taient totalement diff�rents. Ce fut en particulier le cas de la fameuse � Commission pour la v�rit� et la r�conciliation �. De nombreuses commissions simil laires ont �t� cr��es un peu partout. A ma connaissl sance, seule celle qui fut cr��e au Guatemala a donn� des r�sultats. Je sais notamment que celle qui fut cr��e en Ha�ti n�a pas servi � grandlchose. L�un des enseignements que je retire de mon exp�rience personnelle en Afrique du Sud et ailleurs c�est qu�aucune crise ne ressemble � l�autre. Il n�existe pas, par cons�quent, de solution toute faite qu�on irait appliquer de mani�re m�canique partout.
MCM : Il est �tabli que les Nations Unies disposl sent, d�sormais, d�un mod�le pr��tabli de r�tal blissement de la paix avec mise en place d�un dispositif international de gestion administrative, s�curitaire et militaire des situations pr�valant dans les pays concern�s. En vous inspirant des exemples de Ha�ti et de l�Afghanistan, vous porsl teriez quelle appr�ciation sur l�efficacit� et du r�le de l�ONU et de l�efficacit� du dispositif �voqu� ?
LB : Il faut d�abord clarifier un point .En parlant de � dispositif international de gestion adminisl trative, s�curitaire et militaire � je me demande si vous ne faites pas allusion tr�s sp�cifiquement aux cas du Kossovo et de Timor de l�Est. Dans ces deux territoires, l�ONU a en effet assum� la gestion directe de ces territoires. A Timor, Leste, comme on l�appelle maintenant, cette gestion dil recte a pris fin, mais pas au Kosovo o� l�on peine � trouver une solution qui permette � l�ONU de passer la main. Permettezsmoi de dire que j��tais � je suis toujours � tout � fait oppos� � cette prasl tique et que, pour cette raison j�ai refus� de dirisl ger la mission des Nations Unies dans chacun de ces deux territoires. Dans le � Rapport Brahimi �, que nous aurons, peutl�tre, l�occasion d��voquer, nous disions que si l�ONU devait g�n�raliser cette pratique, pour ainsi dire d�terrer le syst�me de � tutelle �, il faudrait d�abord le dire ouvertement et obtenir ensuite un mandat clair de l�Assembl�e G�n�rale. De plus, les �tats membres devraient doter leur organisation d�outils indispensables qu�elle ne poss�de pas. Timor et le Kossovo sont de tous petits territoires et pourtant l�ONU a eu toutes les peines du monde � les administrer corl rectement. Qu�en seraitsil alors si l�ONU devait assl sumer de telles responsabilit�s dans un territoire plus vaste et une population plus importante ? L� o� l�ONU poss�de un outil � peu pr�s convesl nable stout juste en faits avec une exp�rience qui commence � compter, c�est dans le domaine des � op�rations de paix � pour employer un terme un peu moins restrictif que celui g�n�ralement utilis� � op�ration de maintien de la paix �. L�ONU disl rige aujourd�hui pas moins de 18 de ces op�rasl tions et ses missions r�unissent environ 100.000 hommes dont environ 80.000 soldats et 8 � 10.000 policiers, le reste �tant des civils. Pour cela elle dispose d�un budget total de pr�s de 6 milliards de dollars, soit plus du double du budget du reste du Secr�tariat G�n�ral des Nations Unies. Dans ces missions, l�ONU ne g�re pas le territoire. Elle apporte un soutien aux autorit�s locales qui, elles, sont n�es d�un processus de paix que l�ONU aura souvent mais pas toujours facilit�. Il s�agit, pour l�essentiel d�accompagner les nouvelles autorit�s locales pendant qu�elles s�installent dans un pays qui, le plus souvent aura �t� largement d�truit par des ann�es et des ann�es de conflits int�rieurs. Ces op�rations de paix des Nations Unies sont � peu pr�s toujours utiles. Dans certains cas, elles auront �t� de grands succ�s : regardez le Mozaml bique ou la Namibie, par exemple. Dans d�autres cas, elles auront pein� laborieusement, commis des erreurs, mais finalement, le succ�s, m�me modeste, est au rendezsvous. Regardez l�Angola, le Sierra Leone et m�me le Liberia et le Cambodl ge. Beaucoup trop souvent, l�ONU et ses membres s�empressent de d�clarer victoire, se retirent mais l quelques ann�es, g�n�ralement de deux � cinq ans plus tard s le conflit reprend. C�est le cas en Ha�ti. Cela risque d��tre le cas en Afghanistan. Dans une autre cat�gorie de cas, l�ONU aura �t� passible de fautes tr�s graves. La Bosnie et le Rwanda sont les exemples les plus embarrassants pour l�Organisation, en raison des massacres de Srebrenica en Bosnie et du g�nocide au Rwanda. Enfin la Somalie est l�exemple � heureusesl ment pas trop r�pandu � d�un �chec scanl daleux des Nations Unies et de la Commul naut� internationale dans son ensemble. De tr�s nombreux ouvrages existent dans toutes les langues au sujet de ces probl�mes d� � �tats d�faillants � (si c�est bien ainsi que l�on traduit � Failed States �), de � maintien de la paix �, d� � op�sl rations de paix � etc. Il y aurait donc �norm�ment � dire encore sur le sujet. Mais pour nous r�sumer, disons, tout de m�me, que l�ONU fait �uvre utile dans ce domaine m�me s�il existe de nombreuses insuffisances, de nombreuses lacunes � combler. Et il ne faut jamais oublier que, dans ce contexte � comme en tout autre, d�ailleurs � l�ONU ce n�est pas le Secr�taire G�n�ral et ceux qui, comme moi ou le fr�re Mohammed SAHNOUN, ont particip� parfois � son action. Ce sont les �tats membres euxsm�mes, notamment les plus influents d�entre eux et encore plus particuli�rement les Membres Permanents du Conseil de S�curit�, qui font les d�cisions. C�est leur volont� politique qui m�ne � la d�cision de monter une op�ration de paix, de la poursuivre ou d�y mettre fin, voire, de la refuser d�s le d�part. Ce sont les pays membres qui foursl nissent soldats, �quipement, policiers, et personl nel civil ainsi naturellement que le financement. �videmment, ces �tats ne manqueront pas de s�attribuer les m�rites du succ�s et ils s�empresl seront de rejeter sur � l�ONU � tous les �checs, l�ONU �tant d�finie alors, p�jorativement, par l��vocation des � bureaucrates � qui servent dans le cadre du Secr�tariat. Je disais � mes coll�gues que l�une des fonctions de cette parl tie de l�ONU consistait pr�cis�ment � accepter d��tre bl�m�e pour les fautes des �tats membres.
MCM : En Irak, justement, l�ONU a �t�, au total, mise � l��cart dans la gestion de la crise interne de ce pays .Les USA se sont comport�s comme puissance conqu�rante avec les r�sultats qui sont chaque jour enregistr�s. Nonobstant cette marginalisation de l�ONU dans le conflit interne de l�Irak, quelles sont les principales anomalies qui, de votre point de vue, caract�risent la d�l marche actuelle des USA viss�svis de l�Irak ?
LB : L�Irak est une immense trag�die. En Am�risl que seulement, le nombre d�ouvrages � de qualit� tr�s in�gale, naturellement � qui lui sont consacr�s se comptent d�j� par milliers. Comment �tre sucsl cinct au sujet de tant d�injustice, de tant de soufsl frances, de tant de destructions, et aussi, h�las, de tant d�incertitudes et de dangers pour l�avenir ? Tout d�abord quelques mots indispensables au sul jet du r�le de l�ONU. L�Organisation est marginalisl s�e, ditessvous ? Franchement j�aurai voulu qu�elle le fut encore plus. Je m�explique. Ayant envahi l�Irak dans la plus totale ill�galit�, les �tatssUnis sont revenus au Conseil de S�curit� et obtenu (�taitsce des le mois de Mai 2003 ?) que leur stasl tut d�occupant soit reconnu. Ils ont aussi demand� que l�ONU ouvre une mission � Baghdad pour y jouer, disaientsils, �un r�le important�. J�avais plaid�, pour ma part en faveur d�un refus pur et simple d�envoyer qui que ce soit � Baghdad : les �tatssUnis ont ignor� l�ONU et l�opinion internatiosl nale qui, dans son immense majorit�, �tait opposl s�e � cette guerre. M�me des pays qui ont parsl ticip� � l�aventure comme l�Angleterre, l�Espagne et l�Italie �taient d�savou�s par leurs populations. Que pourrait faire l�ONU dans un pays occup� par son membre le plus puissant ? Rien du tout. Alors, laissons les occupants faire. Je disais aussi qu�il �tait certain que toute � hyperspuissance � qu�elle �tait, l�Am�rique n�allait pas s�en sortir. Il arrivera bien un moment o� Washington viendra demander de l�aide pour mettre fin � l�occupasl tion, c�est alors, que l�ONU aura un r�le � jouer� Mais le Secr�taire G�n�ral a c�d� aux pressions et le pauvre Sergio VIEIRA DI MELO accepta avec beaucoup de r�ticence d�aller � Baghdad. On sait comment il trouva la mort dans cet attentat inqualifiable qui a cout� la vie � vingt autres de ses compagnons. A la fin de son mandat, le Sesl cr�taire G�n�ral de l�ONU Kofi ANNAN dira que la d�cision qu�il regrettait le plus, durant ses dix ann�es � la t�te de l�ONU, �tait, pr�cis�ment, d�avoir accept� d�envoyer Sergio � Baghdad. En Janvier 2004, je venais juste de rentrer d�Afghanistan lorsque l�Administrateur am�ricain en Irak, Paul BREMER III et une grosse d�l�gation du Conseil du Gouvernement vinrent � New York demander le retour de l�ONU � Baghdad. Mais cette foislci, ils tenaient un tout autre langage. � Nous voulons mettre fin � l�occupation, affirsl maientsils, restaurer l�Irak dans sa souverainet� et nous ne pouvons pas le faire seuls, nous avons besoin de l�aide des Nations Unies �. Dans de telles conditions, le Secr�taire G�n�ral ne pouvait pas dire non : comment peutlil refuser d�aider � mettre fin � une occupation �trang�re et � la ressl tauration de la souverainet� d�un �tat membre ? Les Am�ricains ont aussi demand� avec l�insissl tance dont eux seuls sont capables que cette resl ponsabilit� me soit confi�e. Ma premi�re r�action avait �t� un refus cat�gorique .Je comprenais, parsl faitement, que l�ONU revienne dans cette nouvelle donne, mais j�avais, personnellement, �t� publiquesl ment oppos� � la guerre impos�e � l�Irak. Du fait de mon statut de fonctionnaire international, j��tais tenu � un droit de r�serve mais je m��tais exprim� publiquement � ce sujet � plusieurs reprises. Le Secr�taire G�n�ral insista, n�anmoins tandis que les pressions am�ricaines, bient�t relay�es par des appels pressants de Londres, ne l�chaient pas prise. Apr�s avoir consult� tr�s largement autour de moi, j�ai fini par dire oui. Regardant en arri�re, j�admets, en toute humilit�, avoir commis trois fausl tes : la premi�re c�est d�avoir accept� cette misl sion. La seconde c�est de ne pas l�avoir abandonn� lorsque ma premi�re proposition de former un goul vernement provisoire de technocrates ait �t� rejesl t�e par la nouvelle classe politique irakienne. Une classe form�e, essentiellement, de gens revenus d�exil derri�re les tanks am�ricains. La troisi�me c�est que, ayant accept� de rester apr�s ce rejet, j�aurais du rester plus longtemps, prendre une part active � la pr�paration et la tenue de la Conf�rence Nationale de r�conciliation que j�avais sugg�r� et dont tout le monde convenait, apparemment. Cela ne sert pas � grandlchose de se lamenter maintenant. Mais puisque dans cette interview, il s�agit de mon itin�raire personnel, je tenais � me livrer � en toute franchise, en toute simplicit� et en toute humilit� � � cette autocritique devant vos lecl teurs et l�ensemble de mes compatriotes. Autant pour l�ONU� et pour mon humble personne. Quelles erreurs ont �t� commises par les Am�risl cains ? Tout d�abord, le p�ch� originel, la guerre ellesm�me, si totalement inutile, injuste et insensl s�e. Ce mal premier �tant fait, beaucoup de fautes doivent �tre mises sur le compte de l�arrogance et de l�ignorance qui sont, souvent, les deux faces de la m�me pi�ce de monnaie. Le fait d�arriver � Baghdad alors qu�� Washington on continuait � d�battre de ce qu�il fallait faire du pays �tait d�j� la marque de l�ind�cision. Mettre le �Chouchou� Ahmed CHALABI � la place de SADDAM tout simsl plement ? Substituer un Gouvernement Provisoire d�Unit� Nationale ? Instaurer un r�gime d�occusl pation ? Les Am�ricains ont finalement opt� pour cette derni�re solution mais sans aucune pr�paral tion. BREMER ne connaissait rien de l�Irak et les maitres de Washington insistaient pour qu�il s�enl toure de jeunes n�osconservateurs purs et durs qui �taient plus �cout�s que les ambassadeurs, les universitaires et les agents de la CIA m�me qui connaissaient le pays et la r�gion � fond. Qui ne se souvient du pillage que les occupants avaient laiss� faire et des envol�es lyriques du Secr�taire d��tat � la D�fense Rumsfeld sur la � libert� qui est souvent anarchique au d�l but � ! La dissolution de l�arm�e, la dissolution du Baath, et la corruption qui atteint des somsl mets jamais �gal�s, que saissje encore ?� Mais o� en estson aujourd�hui ? L�Irak astsil resl trouve sa souverainet� comme les Am�ricains l�avaient promis ? Formellement oui. Effectivement, en aucune mani�re ! Quelle souverainet� avec la pr�sence de 150.000 soldats US, plus quelques autres dont le statut n�a jamais �t� d�fini par aucun accord avec les autorit�s irakiennes � aussi peu repr�sentatives qu�elles soient ? Mais il y a plus. Outre les forces arm�es am�ricaines et alli�es, il faut se rendre compte qu�il existe aussi des dizail nes de milliers (Haykel parle de 120.000) agents de s�curit� qui appartiennent � des � compagnies priv�es de s�curit�. En fait il s�agit tout simplement de mercenaires � un pas de plus vers la privatil sation tous azimuts qui nous rapproche donc de la privatisation m�me de la guerre. Les arm�es r�guli�res r�pondent � leurs Gouvernements respectifs. Les mercenaires ne r�pondent qu�aux compagnies qui les emploient. Les exc�s commis par les militaires finissent toujours par �tre connus et leurs Gouvernements ne peuvent pas �viter d�y regarder de plus pr�s, de s�excuser, et parfois de condamner ceux de leurs soldats qui commettent des fautes graves. Mais les mercenaires ? Perl sonne ne sait ce qu�ils font exactement, ou plut�t, on sait parfaitement qu�ils font des d�g�ts �norsl mes ; le plus souvent dans l�impunit� la plus totale.
MCM : Vous pensez que les �tatssUnis d�Am�rique pourraient aboutir, rapidement, � une solution qui leur permettrait de se retirer du bourbier irakien ?
LB : C�est la grande question qui occupe et pr�ocl cupe tous les Am�ricains. Que faire ? Mais il est essentiel de comprendre, tout d�abord, que leurs pr�occupations ne tournent pas autour de la quesl tion de savoir ce qu�il faut faire pour l�Irak et les Irakiens, pour mettre fin � cette guerre et pour persl mettre � ce pauvre pays de retrouver la qui�tude et la stabilit�. La question centrale qui les tracasse c�est celle de savoir comment sortir l�Am�rique ellelm�me de ce bourbier, comment r�gler les inl nombrables probl�mes qui assaillent l�Administrasl tion et la soci�t� am�ricaines de tous les c�t�s en cons�quence directe de cette guerre. Dans cette logique, ce qui peut arriver � l�Irak, proprement dit, devient tout � fait secondaire. Or, si, en v�sl rit�, ce n�est pas � l�Irak que l�on s�int�resse, il y a naturellement peu de chance que l�on parvienne � r�gler ses probl�mes. N�estlce pas la logique �l�mentaire ? Premi�re condition donc, si l�on veut vraiment r�gler les probl�mes de l�Irak : concensl trer toute l�attention sur l�Irak et sur la recherche de solutions aux probl�mes de l�Irak, non sur les blessures que l�Am�rique s�est inflig�e � elles m�me. L�Administration am�ricaine actuelle en est elle capable ? Beaucoup en Am�rique en doutent. Par ailleurs, la fi�vre �lectorale s�est d�j� saisl sie de la classe politique am�ricaine, bien que l��lection pr�sidentielle ne doive avoir lieu qu�en Novembre 2008, c�ests�sdire dans un an et demi, une �ternit� pour le peuple irakien. Or, dans ce contexte �lectoral, chaque mot que l�on dit, chal que initiative, chaque suggestion doivent d�abord et avant tout servir l�int�r�t du candidat favori. Mais, naturellement, on enrobera cela, bien soil gneusement, sous le label du sacrossaint INTEsl RET NATIONAL. Souvenezsvous de ce que nous disions au sujet des puissants pour qui la politisl que int�rieure tient lieu de politique �trang�re� Que faire alors ? Tout d�abord, il est indispensal ble que les pays de la r�gion, (en premier lieu les pays limitrophes de l�Irak et ensuite tous les autres) comprennent que l�Irak est d�j� ou desl viendra bient�t LEUR probl�me aussi. Pour �tre brutalement franc et direct : � les Am�ricains ont cass� l�Irak ; les pays de la r�gion en h�ritent �. Une guerre civile se d�roule dans ce malheureux pays, si on n�arrive pas � y mettre fin bien vite, elle va d�abord s��tendre � l�ensemble de l�Irak ; puis inexorablement, cette guerre et toutes ses cons�quences d�borderont n�cessairement pour contaminer � de proche en proche � toute la r�l gion. Pour le moment, la guerre civile se d�roule essentiellement dans Baghdad et trois ou quatre provinces. Cela repr�sente tout de m�me 40% de la population ! Et la guerre est pour l�essentiel aussi, entre Sunna et Chiaa. Mais la logique implal cable de la guerre civile va faire, sans doute, que les Kurdes vont bient�t se trouver plus impliqu�s qu�ils ne le sont d�j� (car ils le sont !) ; ensuite on verra des groupes sunna se battent entre eux, des milices Chiaa qui s�empoignent et, probablel ment, des combats opposeront aussi les partil sans de Barzani � ceux de Talabani au Kurdistan. Au niveau de la r�gion, l�Iran jouit, pour le mosl ment, d�un ind�niable avantage. Son influence en Irak est � la fois r�elle et �tendue. Ce pays devrait, pourtant, m�diter l�exemple tout r�cent de la Syrie au Liban et celui de l��gypte au Y�men que nous �voquions il y a peu. Il faut garder � l�esprit le sensl timent d�animosit� que les persans et leurs voisins arabes nourrissent les uns visl�lvis des autres, avec son lot de tr�s nombreux pr�judices et de malentendus, pour ne pas dire plus. Les Irakiens lm�me les chiaa parmi eux l ne tol�reront m�me pas, en effet, un semblant de domination iranienne. Aussi, Iraniens, Turcs et Arabes devraient unir leurs efforts pour porter secours, sans arri�rel pens�e, aux Irakiens. Je crois que ce sera le plus s�r moyen de mettre fin au cauchemar irasl kien actuel. Les Am�ricains ne devraient pas craindre une telle approche. Et les voisins de l�Irak ne devraient pas refuser de coop�rer avec l�Am�rique si cette derni�re reconnait ses erresl ments et s�engage enfin � travailler pour aider au r�glement des probl�mes de l�Irak au lieu de ne penser qu�a s�extraire ellelm�me du bourbier dont elle doit assumer seule l�enti�re responsabilit�.
MCM : Depuis votre retrait de la m�diation enl treprise par les Nations Unies en Irak, vos d�clarations paraissent plus critiques visl�l vis, tant des USA que d�Isra�l. Il s�agit d�un �tat d��me ou d�une position conceptuelle ?
LB : Je dirai plut�t que mes critiques sont devenues plus aigues depuis que j�ai quitt� l�ONU, pas depuis que j�ai quitt� l�Irak. Je suis plus libre maintenant bien entendu. Pendant que j��tais � l�ONU, avant comme apr�s mon bref passage en Irak, j�avais fait des d�clarations qui ont irrit� les Isra�liens. Je m��tais expliqu�, en d�montrant que je n�avais pas exprim� une opinion mais des faits concernant le comportement de l�occupant isra�lien. J�avais bien insist� que mes d�clarations �taient en parfaite harmonie avec les r�solutions des Nations Unies.
MCM : C�est uniquement l�appr�hension de l��chec de la politique am�ricaine qui vous a conduit � vous d�mettre de votre mandat onusien pour l�Irak ?
LB : Je crois que je me suis expliqu� suffisamsl ment sur cette question, il y a un moment.
IV. La r�forme du fonctionnement de l�ONU :
MCM : � Tout le monde, affirmezsvous, s�acsl corde pour dire que les Nations Unies doivent se r�former �.Pour pr�ciser, aussit�t, qu� � il est difficile � une organisation de 192 �tats memsl bres de se r�former ellelm�me �.Le d�clin du r�le des Nations Unies, parfaitement perceptible, c�est l�impossibilit� pour cette multitude d��tats membres � s�accorder ou bien le blocage est d�lib�r� provenant , sinon des puissances monl diales, du moins, des �tats Unis d�Am�rique cette � hyperspuissance � que nous �voquions ?
LB : C�est la grande mode de parler de � r�l formes � partout � au sein des organisations, des �tats, des universit�s et des banques. A l�ONU on ne fait que cela, depuis la fin de la guerre froide, surtout. Et l�on continue d�ailleurs... Aucun pays n�est plus persistant dans son exisl gence de r�formes aux Nations Unies que les USA. Mais de quelles r�formes s�agitsil ? Clarifions d�abord, un peu plus, la position de cette � hyperspuissance � au sein de l�Organisation. Washington exerce, en effet, une influence � nulle autre pareille. Il est, souvent, fait le reproche au Secr�taire G�n�ral, quel qu�il soit, � de se soul mettre en toutes circonstances � la volont� des Am�ricains �. La r�alit� est que, dans le monde d�aujourd�hui, ce n�est pas le Secr�taire G�n�ral mais les �tatslmembres eux-m�mes qui, la plupart du temps, se soumettent � la volont� des USA. C�est ainsi qu�il se raconte que Boutros GHALI, essayant une fois de dire � Madeleine Albright, alors Ambassadrice aupr�s de l�ONU, qu�il ne pouvait faire ce qu�elle voulait parce que certains �tatsl membres pourraient protester, se vit verl tement r�pliquer : � Ne vous en faites pas, nous nous sommes assur�s qu�ils seront tous d�acl cord�. Il n�y a pas lieu de s��tonner que ce soit, pr�cis�ment, Madeleine Albright qui disait, � nous voulons que le Secr�taire G�n�ral soit surtout sel cr�taire et tr�s peu g�n�ral �. Il est vrai qu�aucun Secr�taire G�n�ral n�a d�fendu ses pr�rogatives et celles de ses collaborateurs autant que Dag HAMMARSKJ�LD. Ajoutons que les deux Secr�sl taires G�n�raux africains, Boutros GHALI et Kofi ANNAN, ont essay�, chacun selon sa personnasl lit�, son style et ses circonstances, de limiter les d�g�ts. Boutros GHALI en a pay� le prix, les �tats Unis ne lui ayant pas permis de faire un second mandat. Kofi ANAN a �t� puni et r�duit � l�imsl puissance avec le soitl disant scandale du prol gramme � p�trole contre nourriture � pour l�Irak. Mais l�important ici est de souligner que l�ONU, c�est d�abord et avant tout, les �tats Membres en ajoutant que les �tatssUnis exercent cette influence �norme sur l�organisation gr�ce � l�influence directe qu�ils exercent sur la quasiltotalit� des �tats membres. Mais il serait injuste de dire que les �tatssmemsl bres se plient toujours � toutes les volont�s de Washington. Dans le domaine des r�formes, en particulier, puisque c�est de cela que nous parl lons en ce moment. Les �tatslUnis n�arrivent pas � faire exactement ce qu�ils veulent. Les travaux pr�paratoires pour le grand Sommet de 2006 qui a discut� et adopt� le rapport du � Panel de Haut Niveau � au sujet des reformes furent tr�s labosl rieux et les Am�ricains n�ont pas r�ussi � imposer leurs vues. En fait, les r�formes annonc�es par le Secr�taire G�n�ral Kofi ANNAN en grande fansl fare furent tr�s modestes parce que les 192 �tatss membres ont du se replier sur leur plus petit d�l nominateur commun. Les r�formes ont concern�, tr�s modestement, le changement de nom de la commission des droits de l�homme avec des r�l visions tr�s cosm�tiques du mode d��lection de ses membres ainsi que la cr�ation d�une � Coml mission pour la construction de la paix � (Peace Building Commission).Une commission qui, � mon humble avis, n�apportera pas grandlchose de nouveau au travail de l�Organisation en mati�re de maintien de la paix et de soutien aux pays qui sortent d�une situation de crise. Il y a eu, aussi, l�adoption de la fameuse � responsabilit� de prot�l ger � mais en soumettant son exercice � de telles conditions que l�on ne s�est gu�re �loign�, en fait, des dispositions de la Charte en ce qui concerne l�intervention militaire et l�usage de la force. De mani�re plus significative, il n�y a eu aucun progr�s au sujet de l��largissement du Conseil de S�curit�, la r�forme la plus importante que l�Organisation attend depuis au moins quasl rante ans. Il n�a m�me pas �t� pos� de regard sur les agences sp�cialis�es de l�Organisation lesquelles, � mon humble avis, sont beaucoup trop nombreuses, faisant souvent double eml ploi et n�ayant pas toujours une efficacit� qui corresponde � leur budget de fonctionnement. Une autre r�forme dont on parle de temps a autre sans parvenir � une d�cision concerne les contril butions respectives des �tats au fonctionnement de l�Organisation. Les �tatssUnis contribuent ensl core environ � 25% de ce budget. La Chine, l�Inde, le Br�sil, l�Afrique du Sud et m�me la Russie contrisl buent tr�s peu. Ces pays pourraient, devraient �lesl ver leur quotespart, afin de diminuer, substantielsl lement, la part des USA et se mettre ainsi � l�abri de leur chantage permanent qui consiste � exhiber la menace de ne pas verser leurs contributions si l�organisation ne se pliait pas � leurs exigences. Vous voyez, en tous les cas, que je n�avais pas tort de dire qu�il n�est pas possible � 192 �tats souverains de b�tir un consensus sur chaque question qui leur est soumise, encore moins au sujet de r�formes, tant soit peu importantes.
MCM : De mani�re graduelle mais d�termil n�e, les missions des Nations Unies ont �vol lu� dans le sens d�une adaptation aux imp�l ratifs de la politique �trang�re am�ricaine, plut�t que de la paix dans le monde ? Cette vil sion des choses vous parait fid�le � la r�alit� ?
LB : Le probl�me central est que le Conseil de S�curit� est seul habilit� � prendre les d�cisions n�cessaires quand la paix est menac�e quelque part. Or les cinq membres permanents du Conseil ont chacun un droit de veto. Et dans les circonsl tances pr�sentes, les �tatssUnis sont le pays qui n�h�site jamais � en faire usage. Les autres pays n�y ont recours, la plupart du temps, que lorsque leurs int�r�ts les plus directs sont en jeu. Mais pour le reste de l�Humanit�, cette situation n�est pas satisfaisante : pourquoi cinq �tats sont seuls � disposer de ce droit ? Comme nous vel nons de le dire, aucun consensus n�a �t� atteint au sujet de l��largissement du Conseil de S�cusl rit�. Mais il faudrait peutl�tre dire qu�il ne faut s�attendre � des changements fondamentaux le jour o� le Conseil sera �largi : L�Inde et le Japon, par exemple, se comporteront comme la Chine et les autres. Ils penseront toujours � leurs int�r�ts propres, rarement � ceux de l�humanit� enti�re.
MCM : De mani�re sch�matique, le Tiers Monde contr�le l�Assembl�e G�n�rale des Nations Unies tandis que les grandes puissances d�tiennent un pouvoir h�g�monique au sein du Conseil de S�curit�. Malgr� les tentatives d�ploy�es par les pays en voie de d�veloppement en vue d�imsl poser leur pr�sence � travers cette Assembl�e G�n�rale et au sein des autres institutions en relevant, le Conseil de S�curit� continue d��tre le seul maitre � bord au sein des Nations Unies, le Secr�taire G�n�ral lui m�me �tant rel�gu� � un r�le presque de figuration. A quoi servent, en d�finitive, les structures des Nations Unies ?
LB : C�est vrai que les �tats du Tiers Monde ont l�influence du nombre au sein de l�Assembl�e G�sl n�rale. Encore fautlil que leurs int�r�ts co�ncident, ce qui n�est pas toujours le cas. Personnellement, je r�ve d�une situation ou un r�glement int�rieur serait adopt� qui �tablirait un lien organique entre l�Assembl�e G�n�rale et le Conseil de S�curit�. Apr�s tout, les membres du Conseil, permanents ou pas, sont cens�s repr�senter l�ensemble des �tats membres et agir en leur nom. La logique voudrait que les membres du Conseil viennent rendre compte p�riodiquement � l�Assembl�e G�sl n�rale. Un peu comme un Gouvernement national le fait devant le Parlement. Mais l� encore, de ces questions fondamentales on ne discute m�me pas. Quant au Secr�taire G�n�ral, c�est vrai que perl sonne n�a eu la stature de Dag HAMMARSKJ�LD. Lorsque KROUTCHEV s en l960, je crois s avait pris la parole devant l�Assembl�e G�n�rale pour exiger la d�mission du Secr�taire G�n�ral, HAMsl MARSJOLD avait demand� d�exercer un droit de r�ponse et d�clara que l�ONU n��tait pas imsl portante pour les grandes puissances mais pour les petits pays et que, par cons�quent, il ne d�missionnerait que si ces petits pays le lui desl mandaient. Bien �videmment, sa d�claration fut accueillie par un tonnerre d�applaudissements et KROUTCHEV, bon sportif, fit marche arri�re. Le Secr�taire G�n�ral peut � et devrait � jouer un r�le beaucoup plus actif, plus ind�pendant qu�il ne l�a fait tout au long de ces ann�es. Je crois que Kofi ANNAN aurait pu essayer d�arr�sl ter la marche inexorable vers la guerre en Irak s�il avait exerce ses pr�rogatives, passant outre aux limites que Washington pr�tendait imposer � son action. La Charte donne au Secr�taire G�l n�ral le droit d�attirer l�attention du Conseil de S�curit� sur des situations ou des �v�nements qui menaceraient la paix. Kofi ANNAN aurait �t� dans son droit s�il avait, solennellement, dit au Conseil que l�invasion de l�Irak n��tait pas justifi�e et qu�elle risquait de d�stabiliser toute la r�gion. Malgr� toutes ses faiblesses, l�ONU reste, cepensl dant, un outil extr�mement valable pour la commul naut� internationale. C�est un lieu de rencontres et de dialogue sans pareil. C�est dans son cadre que des accords internationaux indispensables � la vie de tous ont �t� adopt�s et fonctionnent. En fait, nous ne nous rendons m�me pas compte de l�existence de ces accords qui rendent notre vie plus facile et � moins dangereuse. Du fonctionl nement des services internationaux du bureau de poste de notre quartier et des aiguilleurs qui guil dent nos avions � travers les cieux dans le monde entier jusqu�aux pr�visions m�t�orologiques, tout cela fonctionne dans le cadre des Nations Unies. La variole est vaincue, la polio est en train de l��tre et je pense que le paludisme ne tardera pas, lui aussi, � �tre �radiqu�, cela aussi se fait dans le cadre de l�ONU. Dix millions de r�fugi�s, quatorze si l�on ajoute les refugies palestiniens, qui ont fui leur pays pour raisons de conflit se nourrissent, ont au moins une tente pour se prot�ger et un m�l decin pour se soigner, gr�ce aux Nations Unies. Convenez que ce n�est pas n�gligeable. Mais je suis avec vous, l�ONU peut faire plus et mieux.
MCM :Parmi la panoplie d�anomalies recens�es dans l�accomplissement harmonieux des missions de l�ONU, particuli�rement par le Conseil de S�sl curit� qui est l�organe essentiel, figure l�incapacit� pour cette institution internationale d�accomplir � la mission de gestion, d�anticipation, de surl veillance et de pr�vention des crises � selon la formule heureuse utilis�e par Alexandra NOVOSsl SELOFF dont vous avez pr�fac� la th�se. Sur cet aspect particulier du mode de fonctionnement des Nations Unies, quel commentaire faiteslvous ?
LB : Alexandra NOVOSSELOF a fait un travail int�ressant sur la mani�re dont le Conseil de s�curit� se d�charge de sa t�che pour faire face aux conflits lesquels se multiplient depuis la fin de la Guerre froide, se d�roulant le plus souvent, d�ailleurs, � l�int�rieur d�un seul �tat. C�est vrai que le syst�me ne manque pas d�insuffisances. La pr�vention des conflits, est quelque chose dont on peut parler facilement. Mais arriver � pr�venir un conflit, c�est autrement plus difficile. La gestion d�un conflit et sa r�solution ne sont pas simples non plus. Mais l�ONU a fait du bon travail dans beaucoup de cas. Comme nous l�avions dit aupal ravant, beaucoup de le�ons qui ont �t� apprises � la faveur de toutes les missions accomplies. Une �tude publi�e par une Universit� canadienne souligne que, gr�ce en grande partie � l�action de l�ONU, moins de gens sont victimes de guerres de toutes sortes � travers le monde. Une autre �tude, r�alis�e par la � Rand Corporation � reconnait que les op�rations de paix de l�ONU aboutissent � des r�sultats positifs plus souvent que les inl terventions am�ricaines avec, en plus, un co�t tellement moins �lev�. L� encore, disons l�ONU fait �uvre utile, mais peut beaucoup mieux faire.
MCM : Vous �tes l�auteur d�un rapport qui a fait grand bruit et qui porte sur l��valuation des op�l rations de paix engag�es par l�ONU. Il s�agit l� de l�autre aspect du mode de fonctionnement des Nations Unies. De nombreuses anomalies caract�risent le mode d�accomplissement des op�rations de paix. Notons, simplement, cette dichotomie entre le Conseil de S�curit�, un v�l ritable organe politique et le Comit� d��tat Mal jor sens� �tre une projection op�rationnelle sur le terrain, en r�alit� un organe technique sans pr�rogatives r�elles. Mais le tableau des anomal lies est bien plus large .De mani�re succincte, quelles insuffisances aviezsvous relev� et quelsl les am�liorations ont �t� enregistr�es depuis ?
LB : Le rapport qui porte mon nom a �t� r�dig� dans des circonstances pr�cises. Je crois avoir signal� auparavant que notre Panel fut constitu� pour tirer les le�ons des deux catastrophes de Srebrenica en Bosnie et du G�nocide du Rwanda afin d��viter que de telles horreurs puissent se r�p�ter. Oui, le Conseil de S�curit� est un orsl gane politique : il ne peut pas en �tre autrement, s�agissant d�un organisme o� sont repr�sent�s des �tats souverains. Le Comit� d��tat Major est bien mentionn� dans la Charte si je ne m�abuse. Mais il n�a jamais vu le jour, tout simplement. Fransl chement, dans les missions auxquelles j�ai partisl cip�, je n�ai pas beaucoup ressenti son absence. Le Secr�tariat G�n�ral dispose, en fait, surtout depuis le Rapport Brahimi, d�ailleurs, du personsl nel militaire qualifi� qui permet au D�partement de maintien de la paix de faire son travail techl nique de planification et de soutien logistique�. Les probl�mes se posent � d�autres niveaux. Si, par exemple, le Conseil de S�curit� (c�estl�ldire en fait ses membres permanents), accepte de donner un mandat pour une op�ration de paix sans enthoul siasme, c�estl�ldire sans volont� politique r�elle, le mandat sera trop restrictif et les moyens inad�sl quats. L�, le Secr�taire G�n�ral dispose d�un r�le important � exercer. Notre Rapport lui recommansl de tr�s clairement de � dire au Conseil ce dont il a besoin de savoir, pas ce que ses membres veulent entendre �. A savoir que les moyens doivent �tre en rapport avec les besoins de la mission. En ces situations, le Secr�taire G�n�ral et ses principaux conseillers ne devraient pas h�siter � dire non au Conseil. Je lai fait plus d�une fois, pour ma part.
MCM : �voquant, dans l�un de vos �crits, les perspectives d��volution de l�ONU, vous dites, de mani�re explicite, que cette �volution sera fortement influenc�e par les rapports que les grandes puissances entretiendront entre elles. Pour les projections futures les plus visibles, vous excluez, par cons�quent, que le monde dans sa diversit� soit �quitablement repr�sent� dans les diff�rentes instances de cette organisation et, enl core moins, capable de peser sur leurs d�cisions.
LB : Il me semble en effet que les rapports entre les grandes puissances �actuelles et � venir � auront une influence importante, voire d�cisive sur l��volution des Nations Unies. Je crois que nous en avons d�j� parl�. Le poids sp�cifique d�un pays compte. L��galit� th�orique entre tous les �tats, grands et petits ne change rien au fait que les pays les plus riches, les plus puissants militairement, les plus peupl�s se feront mieux entendre qu�un pays, pauvre, faible et peu peupl�. C�est dans la nature des choses. L�objectif de la diplomatie n�est pas d�ignorer cette r�alit�, mais de faire en sorte que les int�r�ts des plus petits soient pris en compte, que tous soient trait�s avec respect et dignit� et que chacun participe, selon ses moyens, � la prise des d�cisions qui affecteront le devenir de l�ensemble. Il appartient aussi aux pays � surtout ce que l�on appelle je crois les pays de puissance moyenne comme l�Alg�rie � d�accro�tre leur poids sp�cifique, c�estl�ldire de faire de sorte que leur voix soit plus forte que leurs moyens mat�riels. Cela se fait par une activit� soutenue et des alliances qui se nouent. Le nonlalignement �tait un levier qui avait permis � un pays comme la Tanzanie de se faire entendre plus fort que certains pays bien plus riches et bien plus peupl�s. C�est l�organisation de cette solidal rit� qui nous manque cruellement aujourd�hui�
V .L�Alg�rie dans le monde :
MCM : Vous qui avez �t� un membre �mil nent de cette g�n�ration de diplomates milil tants que la R�volution alg�rienne a impos� sur la sc�ne internationale, consid�rez-vous que la diplomatie militante n�a plus cours ?
LB : Je serai tent� de dire que la diplomatie misl litante a toujours sa place. Mais elle ne s�exerce pas aujourd�hui de la m�me mani�re qu�hier. Nos diplomates d�aujourd�hui sont mieux form�s que nous ne l��tions au d�part. Ils disposent d�un autre avantage, car ils arrivent dans une administration qui existe d�j� et qui fonctionne, m�me si tout n�est pas parfait. Il existe plus de moyens, surtout maintenant que notre situation financi�re s�est assainie. Notre g�n�ration avait acc�d� � des responsabilit�s auxquelles nous n��tions pas pr�l par�s. Nos moyens �taient tr�s modestes. Nous avons fait des erreurs, s�rement. Mais je crois que l�aspect militant dont vous parlez consistait justement � �tre conscient de ces faiblesses, � �tre humble et � essayer de se surpasser. Jussl tement parce que nous n��tions pas bien outill�s. On parle, quelque fois, de volontarisme, c�est vrai qu�il y en avait beaucoup�Le militantisme de nos diplomates aujourd�hui consiste pour eux � se convaincre que la diplomatie n�est pas un travail qui s�effectue au bureau seulement. C�est une vigilance de tous les instants, partout o� l�on se trouve. Cela consiste aussi � rester toujours conscient de l�honneur et de la responsabilit� de repr�senter son pays, son peuple et son Pr�sident. En outre, il faut �galement souligner que le monde a change. Et l�Alg�rie elle-m�me n�est plus ce qu�elle �tait il y a 30 ou 40 ans. La guerre froide n�est plus. Le socialisme est discr�dit�. Le capitalisme le plus cruel est triomphant. La globalisation prend des formes multiples, le plus souvent d�favorables aux plus faibles entre les pays comme � l�int�rieur des pays. L�islamisme dans ses formes les plus pernicieuses doit �tre combattu mais il doit �tre tout d�abord compris. Ce que les Am�ricains � et le reste du monde avec eux � appellent � guerre glol bale contre le terrorisme � a le plus souvent favol ris� le terrorisme en pr�tendant le combattre, etc. Au plan r�gional, les probl�matiques maghr�bine, arabe, africaine et m�diterran�enne ne se posent plus dans les m�mes termes que par le passe. Autant d��l�ments qui composent l�environnement dans lequel nos diplomates � tout comme leurs coll�gues du monde entier � doivent fonctionner.
MCM : Justement, avec la fin de la guerre froide, l��puisement du nonlalignement et l�omnipr�sence des USA comme hyperspuissance, peutson consid�sl rer que la doctrine diplomatique de l�Alg�rie h�rit�e d�une �poque, somme toute r�volue, est d�su�te ?
LB : L� encore, je ne sais pas si nous avions une doctrine aussi claire et aussi �labor�e que cela. Il y avait surtout, il me semble, une conscience prosl fonde de la n�cessit� de servir au mieux de ses moyens. Et nous avons b�n�fici� de l�indulgence des gens, partout � travers le monde ou presque, car nous faisions notre apprentissage et nous le faisions, justement, de notre mieux. Je crois que nous avons eu un autre atout, la solidarit� qui nous liait entre nous. Oh, il y a eu bien des probl�mes, des divergences, des jalousies. Peut �tre quelques fr�res n��taient pas � leur place. J�oserai dire, aussi que l�esprit UGEMA, pr�domisl nant chez beaucoup d�entre nous, a �t� un atout. L�Am�rique est toute puissante aujourd�hui ? Et alors ? J�ai d�j� indiqu� au cours de cet entretien, que l�Am�rique a toujours �t� puissante. Je ne vois absolument pas de raisons de cesser d��tre soil m�me ou de plier le genou devant qui que ce soit. Vous l�aviez dit voussm�me, l�Am�rique ne conna�t que son int�r�t national, pourquoi avoir peur ou se sentir g�n� de parler, nous aussi, de l�int�r�t de nol tre pays, de notre r�gion, de nos fr�res et voisins ? De mon exp�rience, je tire l�enseignement que les Am�ricains �crasent ceux qui font des courbettes. Ils respectent beaucoup plus ceux qui font preuve de dignit�, ceux qui sont francs et sinc�res, sans jouer les matadors, naturellement. Je dis souvent que ceux qui se transforment en � carpette � devant les puissants ne devraient pas se plaindre si ces puissants s�essuient les souliers sur leurs ventres.
MCM : Vous avez �t� Ministre des Affaires �transl g�res de l�Alg�rie mais, m�me dans l�exercice de vos charges onusiennes, vous �tes rest�s en contact �troit avec la diplomatie de votre pays. En toute objectivit�, vous diriez que les faiblessl ses de l�appareil diplomatique alg�rien c�est plus le fait des hommes qui le composent ou celui des structures et des r�gles de fonctionnement ?
LB : S�agissant de notre action diplomatique, je ne pense pas �tre qualifi� pour parler � des faiblesses de l�appareil diplomatique ou des insuffisances au niveau des hommes ou des structures�. A l��visl dence, notre diplomatie a beaucoup souffert des faiblesses, des h�sitations et des improvisations de tout ordre que le pays a connu tant en ce qui concerne la situation politique que dans le domaine �conomique, apr�s la mort de BOUMEDIENE, tout au long des ann�es 80. Notre action diplomatique a souffert encore plus lors des ann�es noires de la d�cennie suivante. Il y a des limites � ce que l�action diplomatique peut faire pour limiter les d�g�ts que l�on subit ou que l�on s�inflige � l�int�rieur. Regarsl dez les gesticulations path�tiques de la diplomatie am�ricaine pour tenter d�expliquer, de justifier ou d�excuser les bourdes de l�administration actuelle. Ceci dit, il n�y a pas de doute qu�il faut toujours se remettre en cause, analyser son action sans complaisance et corriger le tir quand il le faut. Ceci est valable pour l�action diplomatique aussi. Je me souviens de la Conf�rence des Ambassadeurs que nous avions tenue au printemps de l�ann�e 1964 � l�initiative de notre Ministre d�alors, Abdelaziz Bouteflika. C�est au regrett� Mohammed Benyahia et � moism�me qu�il avait confi� la responsabilit� de la pr�parer. Tout le monde y a contribu�, les ambassadeurs aussi bien que les cadres en poste � l�int�rieur. Je ne me souviens plus des d�tails, mais je sais que nous avions tous �norm�ment b�sl n�fici� des informations que chacun avait ramen�, des analyses faites par les uns et les autres. Nous avions �galement beaucoup gagn� � �couter les rapports faits devant nous par les responsables des diff�rents secteurs d�activit� � l�int�rieur du pays : �conomie, �ducation, culture et s�curit�. Je reconnais volontiers que notre trasl vail avait un caract�re artisanal si je puis dire. Notre exp�rience �tait encore limil t�e � l��poque comme l��taient nos moyens. Je ne veux pas flatter la g�n�ration actuelle: je pense tr�s sinc�rement qu�ils sont mieux form�s que nous l��tions, qu�ils ont maintel nant plus d�exp�rience et le pays a nettement plus de moyens aujourd�hui qu�il n�en avait hier. �tionslnous plus optimistes et plus motil v�s, plus volontaristes aussi ? C�est possible. Quoi qu�il en soit, la diplomatie ne fonctionne pas dans le vide. Elle fait partie de l�activit� nal tionale ; elle est compl�mentaire de tout le reste de l�agenda national � l�action du gouvernement comme celle, multiforme, de toute la soci�t�. Toul tes les parties de cette grande machine nationale se soutiennent mutuellement et se renforcent r�cil proquement ou, au contraire, se g�nent mutuellel ment. Il est l�gitime que l�on attende beaucoup de l�action diplomatique et notamment qu�elle projette une image favorable du pays et qu�elle facilite la r�alisation de ses objectifs politiques et �conomisl ques. Mais il est aussi important de se rappeler que la diplomatie ne peut pas � peindre � cette image en toute libert� et sans aucun lien avec la r�alit� objective qui pr�vaut dans le pays. La diplosl matie peut am�liorer un petit peu l�image r�elle ; elle ne peut pas la masquer et en faire une autre. A ceux qui critiquaient la Ligue des �tats Arabes j�avais coutume de dire que cette organisation est une photo de famille, ou si vous pr�f�rez, elle est un miroir qui vous renvoie votre image collective. Si vous n��tes pas satisfaits du r�l sultat, ne bl�mez ni le photographe ni le miroir.
MCM : Vous avez d�missionn� de vos charges de Ministre des Affaires �trang�res sous le r�sl gne du Haut Comit� d��tat en 1993.Estsil encore t�t de conna�tre des motifs de cette d�mission ?
LB : Cela m��tonnerait beaucoup que cette p�l rip�tie passionne vos lecteurs. Disons que juin 1991 n��tait pas le meilleur moment pour devenir Ministre des Affaires �trang�res d�Alg�rie. Mais dans la culture de ma g�n�ration, il est difficile, voire impossible de dire non quand on est appel l� pour servir. Et puis j�avais envie de rentrer au pays. Ce n�est pas un secret je crois que j�avais mis tout le monde en garde contre la tenue des �lections en D�cembre de cette ann�esla. Il semsl ble que personne n�avait envisage la possibilit� que le FIS pouvait l�emporter. J�aurai d� peuts�tre d�missionner au moment de l�arr�t du processus �lectoral. Mais comment le faire au moment o� Boudiaf revenait au pays ? L�autre opportunit� pour d�missionner c�est quand Boudiaf a �t� assl sassin�. Mais comment le faire au moment o� Belaid Abdesselam devenait Premier Ministre ? Alors, pourquoi en F�vrier 1993 ? Disons que je ne croyais plus que je faisais �uvre utile l� o� je me trouvais. Et dans ces conditions, il vaut mieux se retirer dans la dignit�. Et dans la discr�tion aussi. Je ne savais pas que j�allais avoir l�opportunit� de commencer presqu�imm�diatement une nouvelle carri�re : dans le cadre des Nations Unies cettel fois. C�est � l�amiti� du Dr Boutros Ghali que je le dois. Je lui en serai toujours reconnaissant.
MCM : Mais convenez que l�exercice d�une mission diplomatique c�est aussi de la convicl tion qui r�sulte d�une adh�sion. Peutlon dire que les diplomates alg�riens actuels sont mus par la m�me passion que celle qui animait les diplomates militants que nous �voquions ?
LB : Je crois que j�ai d�j� �nonc� pas mal de chosl ses pour r�pondre au souci que vous �voquez ici. A l�ONU, je disais souvent � mes jeunes coll�gues que travailler dans le cadre du maintien de la paix n��tait ni une fonction ni un emploi, mais une misl sion. Je crois que la diplomatie, m�me dans un �tat ind�pendant, doit �tre aussi per�ue comme une mission. Pour nous, � diplomatesl militants � servir pendant la guerre de lib�ration n��tait que cela, une mission au sens absolu. Mais apr�s l�inl d�pendance, m�me pour nous, l�action ext�rieure �tait devenue aussi une carri�re : nous avions des pr�occupations d�avancement, de retraite. Il fallait penser � sa famille, � ses enfants, � son logement. Aucune raison pour que les diplomates d�aujourd�hui n�aient pas eux aussi, comme nous et plus que nous, de tels soucis. Je me souviens que lorsque le Gouvernement s�employait � mettre au point les profils de carri�re dans l�administration, le Pr�sisl dent BOUMEDIENE insistait sur la n�cessit� que chaque cadre soit compl�tement rassur� au sujet de sa carri�re et de la situation de sa famille pour qu�il puisse se consacrer, pleinement, � son travail.
MCM : Cela a �t� une question r�currente tout au long de notre entretien .La mondialisation en cours se poursuit avec une logique et un rythme implacables .Dans ce grand bouleversement du monde, beaucoup de pays vont laisser soit leur �me, soit leur existence. L�Alg�rie peutselle pr�sl tendre � une place dans cet univers chamboul� ?
LB : La mondialisation n�est ni un choix ni une catastrophe, tout au moins pas n�cessairement ! C�est une r�alit�. Le monde a chang�. Rien ne sert de se lamenter sur le temps pass� comme le font les po�tes dans les chants andalous. N�estlce pas notre proph�te qui nous recommande d��lel ver nos enfants d�une mani�re diff�rente de celle que nous avons connu, parce qu�ils auront � vivre dans une �poque qui n�est plus notre �poque ? Ceci dit, la mondialisation, bien �videmment, a des effets pervers. Profond�ment pervers. Les riches deviennent de plus en plus riches et, dans bien des cas, les plus pauvres deviennent encore plus pauvres. Jugezsen : 1% de la population mondiale poss�de 50% des avoi


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.