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ENTRETIEN DU MOIS WILLIAM QUANDT A PROPOS DES PROCESSUS POLITIQUES EN COURS DANS LE MONDE ARABE :
� Je ne suis pas si sur qu�il existe une exception alg�rienne��
Entretien r�alis� par Mohamed Chafik Mesbah Pourquoi une exception alg�rienne ne peut exister� Apr�s une interruption de plus d�une ann�e durant laquelle je n�ai cess� d��tre interpell� par de nombreux lecteurs, je reprends, non sans �motion, la publication du suppl�ment �l�Entretien du Mois�. Un suppl�ment lequel m�a procur�, il est vrai, la possibilit� de rencontrer des personnalit�s nationales et internationales de premier plan pour d�battre de probl�matiques des plus captivantes. Je remercie mes amis du �Soir d�Alg�rie�, � commencer par Fouad Boughanem, �gal � lui-m�me dans la constance de son comportement tout empreint de bonhomie, ces amis qui m�ont toujours ouvert les colonnes de leur journal, sans jamais interf�rer sur la substance ou la forme de mes interventions. Ce geste de solidarit� ne peut �tre oubli�. J�avais cess� la publication de ce suppl�ment dans le souci de prendre du recul par rapport � l�actualit� imm�diate. Le silence observ�- pourquoi le nier ? - �tait du, aussi, � un certain sentiment de lassitude. Le monde, dans son ensemble, �voluait � une vitesse presque fr�n�tique tandis que l��tat des choses dans mon cher pays demeurait, invariablement, le m�me, si tant est qu�il ne s�aggravait pas chaque jour davantage. Comment, dans ces conditions, ne pas c�der � une dose, m�me infime, de d�sesp�rance ? Contre toute attente, c�est le �printemps arabe�, volontiers raill� par certains de nos responsables institutionnels et autres de leurs thurif�raires qui m�a redonn� la force de retourner � cette revivifiant activit� intellectuelle. Ce �printemps arabe� a r�veill� en moi l�espoir de voir mon pays renouer, finalement, avec le mouvement imp�tueux de l�histoire et de prendre pied, avantageusement, dans le nouveau contexte de la mondialisation. Se peut-il, en effet, que le peuple alg�rien continue de rester en marge de l�histoire alors que renouent avec elle des peuples consid�r�s comme dociles et soumis -quelle appr�ciation erron�e ! � du peuple y�m�nite souvent m�connu jusqu�au grand peuple �gyptien qui, selon le belle formule du Pr�sident Djamel Abdenasser, a d�cid� de �relever la t�te�. Voil�, donc, que la volont� populaire afflue comme un torrent intr�pide pour chasser, les uns apr�s les autres, ces dictateurs arabes patent�s qui ont cru pouvoir braver la volont� de Dieu et les lois de la nature� C�est en ce moment pr�cis que nos responsables officiels imaginent que le peuple alg�rien pourrait assister, impassible et sans fr�mir, � ces moments intenses de l�histoire du monde ! N�y allons pas par quatre chemins ! La conviction est, d�sormais, solidement ancr�e en moi que le peuple alg�rien - qui n�est pas le �tube digestif� que se plaisent � d�crire d�obscurs commis de l�Etat propuls�s par accident aux avant-postes de la R�publique- finira par imposer ses choix palpitants qui se rapportent � la prosp�rit� sociale et �conomique mais, surtout, � la justice et � la dignit�, bref � la d�mocratie. Le choix du syst�me d�mocratique comme alternative au r�gime autoritariste et d�brid� actuel, en somme. Laissons, donc, des responsables publics d�connect�s de la r�alit� sociale ergoter sur l�exception alg�rienne ! C�est bien pour m�assurer que cette exception ne pouvait exister que je me suis engag� � conduire, avec le professeur am�ricain William Quandt, cet entretien pointilleux, destin� � convaincre ceux qui refusent de l��tre, que l�Alg�rie n�est pas amarr�e � la plan�te Mars mais � l�Univers vivant. Cet entretien est sens� pouvoir d�gager une appr�ciation plus objective, car plus distanci�e, de la situation en Alg�rie tout en offrant la possibilit� d�acc�der � la compr�hension r�elle par les Etats-Unis du cours des choses dans le monde arabe en g�n�ral, en Alg�rie singuli�rement. Le professeur William Quandt, r�torqueront d�aucuns, n�est pas la voix officielle des Etats-Unis. Sans doute. Comment, cependant, ne pas avoir pr�sent � l�esprit les caract�ristiques du processus de prise de d�cision strat�gique aux Etats-Unis qui se fonde, en premier ressort, sur l�expertise acad�mique disponible � profusion dans ce pays. Au niveau th�orique, par cons�quent, les traits saillants de la d�marche am�ricaine se retrouvent, parfaitement, dans le corps des r�ponses du Professeur William Quandt, par ailleurs, personnalit� �minente s�il en fut et t�moin autoris� d��pisodes historiques d�terminants de l�histoire des Etats-Unis. Quel est, alors, le premier enseignement qui se d�gage de la lecture attentive de l�entretien que j�ai eu le plaisir de conduire avec le Professeur William Quandt? Evoquant les processus politiques en cours au Maghreb et dans le monde arabe, il affirme sans d�tours qu� �il ne saurait exister une exception alg�rienne�. Sur quoi se fonde l�affirmation du Professeur William Quandt ? Sur le tableau commun � tous les pays maghr�bins, d�abord, mauvaise gouvernance publique et r�gimes autoritaristes. Evoquant, plus particuli�rement, l��tat des lieux en Alg�rie, il livre un diagnostic sans complaisance : �mauvaise gouvernance publique, corruption et syst�me �ducatif m�diocre�. Il admet que l�Alg�rie dispose de ressources financi�res imposantes mais, aussit�t, usant de m�taphore, il r�duit la port�e de ce qui a pu apparaitre comme un atout indiscutable. Il cite, en effet, un ami �gyptien, parfait connaisseur de la r�alit� alg�rienne, qui lui aurait assur� qu�il fallait �travailler, vraiment, dur� pour arriver � dilapider un potentiel aussi important que celui de l�Alg�rie ! De m�me lorsqu�il constate que l�exasp�ration populaire en Alg�rie ne s�est pas, encore cristallis�e et qu�elle n�est pas dirig�e contre la seule personne du Pr�sident de la R�publique mais contre l�ensemble du �r�gime�,il n�en pr�cise pas moins que notre pays est confront�e � une obligation imp�rieuse de passage de relais entre g�n�rations, celle en place �tant en d�calage manifeste par rapport � la moyenne d��ge de la population alg�rienne mais en d�phasage, surtout, par rapport aux dispositions d�ouverture d�esprit qu�exige la bonne gouvernance, selon les canons du monde moderne. Lorsqu�il envisage les contraintes au d�fi d�mocratique en Alg�rie, le Professeur William Quandt �num�re la qualit� de la gouvernance - qu�il �value, pour l�heure, d�plorable-, le r�le de l�arm�e-affirmant, clairement, que les militaires se sont trop ,longtemps, accapar�s du pouvoir-, le comportement du mouvement islamiste -estimant que le mod�le c�est l�AKP turc qui accepte de se soumettre aux r�gles d�mocratiques et la capacit� d�agir de la soci�t� civilesoulignant que son influence serait majeures si elle pouvait mieux s�organiser- . Son pronostic sur les chances d�une transition pacifique, sans heurts, en Alg�rie, parait, au total, r�serv� du moins mesur�. Le Professeur William Quandt semble se d�rober, toutefois, lorsqu�il en vient � l�importance de l�influence am�ricaine sur la conjoncture politique actuelle dans le monde arabe. Le projet de d�mocratisation du Grand Moyen Orient du Pr�sident Bush lui semble avoir constitu� une man�uvre dilatoire pour d�tourner l�attention de l��chec du processus de paix isra�lo-arabe. Il �lude, totalement, l�aspect op�rationnel de cette influence am�ricaine, jugeant, notamment, insignifiante l�action de la constellation d�ONG qui constituent, pourtant, le bras arm� la diplomatie. C�est � peine s�il conc�de que sur les militaires �gyptiens l Etas Unis ont pu exercer une influence directe relative. Il souligne, avec une forme de contrari�t� face � l�insistance, que les peuples arabes se sont rendus � l��vidence, ce sont moins les Etats Unis et le Pr�sident Obama qui leur posent probl�me que leurs propres dirigeants. D�ailleurs, conclut-il, si la conjonction des deux, le potentiel de mobilisation populaire et le support ext�rieur, peuvent se combiner, c�est, indubitablement, le rapport de forces en situation interne qui reste d�terminant. Au demeurant, le Professeur William Quandt recadre bien le contexte de l�analyse en pr�cisant que l�Alg�rie qui n�est pas un Etat-pivot de la strat�gie am�ricaine, ne rev�t pas pour les Etats Unis la m�me importance que l�Egypte ou l�Arabie Saoudite. Peut-�tre notre �minent acad�micien est-il l� dans son r�le. Ce fut, au total, un moment de grande satisfaction que le d�roulement de cet entretien avec le Professeur William Quandt. Je suis envieux pourquoi le cacher ?-du cadre de travail de cet �minent acad�micien am�ricain et jaloux de la consid�ration que lui t�moignent les autorit�s de son pays. Tous ces facteurs lui permettent de produire des r�flexions de haute qualit� qui font r�f�rence, aux Etats-Unis comme au plan international. C�est � dessein que j�ai cit� le cadre de travail du Professeur William Quandt et de l�int�r�t que porte � ses travaux l�administration am�ricaine. Par comparaison, comment ne pas d�plorer le d�dain dans lequel experts et universitaires alg�riens sont tenus par les pouvoirs publics dans notre pas, les institutions suppos�es produire de la r�flexion strat�gique �tant elles m�mes condamn�es � dormir de leur belle mort. Ce n�est pas l� une offre de services comme pourraient l�imaginer des esprits malveillants. Je suis trop regardant � ma libert� et � mon amour propre. Ce n�est pas non plus une digression par rapport � la probl�matique centrale de cet entretien. Comment imaginer, en effet, une exception alg�rienne alors que le r�gime actuel veut se mettre � l�abri du mouvement de l�histoire tandis qu�il confine � une vie d�risoire, marginale, les meilleurs parmi l��lite nationale? Ce r�gime, croit-il pouvoir affronter le cours inexorable de l�histoire, croit-il pouvoir �chapper au sort commun de tous les r�gimes arabes autoritaristes et obsolescents, en d�tournant le regard de la foi et l�intelligence qui animent l��lite du pays pour s�arque bouter, sans peur du ridicule, sur �diseuses de bonne aventure� et autres �joueurs de fl�te� ?! Dieu, Grand Dieu qui �tes aux cieux, jetez votre voile protecteur sur notre patrie bless�e, notre patrie si malmen�e �D�ici l�, attelons nous, sans trop tarder, � prendre connaissance des r�ponses concises mais percutantes du Professeur William Quandt. Ces r�ponses sont les bienvenues car elles agissent comme un signal d�alarme qui nous renvoie � une r�alit� que nous nous �chinons � vouloir m�conna�tre. Alger, le 13 mars 2011 Mohamed Chafik Mesbah Bio-express du ProfesseurWilliam Quandt Le Professeur William Quandt est n� en 1941 � Los Angeles, en Californie. Mari� � l��crivaine Helena Cobban, avec qui il a une fille et deux petits enfants, il vit � Charlottesville, en Virginie. Le Professeur William Quandt a obtenu son BA en Relations Internationales � l'Universit� de Stanford en 1963 et son doctorat de Sciences Politiques du MIT (Massachusetts Institute of Technology) en 1968. Le Professeur William Quandt qui a travaill� dans le D�partement de Sciences Humaines de la Rand Corporation de 1968 � 1972 a enseign�, successivement, � l�UCLA de 1970 � 1971, au MIT (Massachusetts Institute of Technology) de 1973 � 1974 et de Ma�tre Assistant en Sciences Politiques � l'Universit� de Pennsylvanie de 1974 � 1976. Le Professeur William Quandt a rejoint, de nouveau, en 1994, l'Universit� de Virginie, o� il dirige, � ce jour, la chaire Edward R. Stettinius au D�partement de Politique. Le Professeur William Quandt a b�n�fici� de nombreuses bourses de recherche, notamment aupr�s du National Defense Education Act Fellowship, de 1963 � 1965, du Social Science Research Council International Fellowship, de 1966 � 1968 et du Council on Foreign Relations International Affairs Fellowship de 1972 � 1973. � deux reprises, de 1972 �1974 puis de 1977 � 1979, le Professeur William Quandt a �t� membre du Conseil de S�curit� Nationale et s�est, activement, impliqu� dans les n�gociations qui ont d�bouch� sur, respectivement, les accords de Camp David et le trait� de paix �gypto-isra�lien. De 2000 � 2003, le Professeur William Quandt a occup� la charge de Vice Provost for International Affairs � l�Universit� de Virginie et celle de Senior Fellow au titre du Programme d�Etude des Politiques �trang�res au sein de la Brooking Institution ou il a conduit, notamment, une �tude sur la politique am�ricaine au Moyen-Orient. Le Professeur William Quandt qui a pr�sid�, de 1987� 1988, the Middle East Studies Association (Association pour les Etudes sur le Moyen-Orient) a �t�, aussi, membre du Council on Foreign Relations (Conseil de Relations Etrang�res), membre du Conseil d'Administration de l'Universit� Am�ricaine du Caire et de la Foundation for Middle East Peace (Fondation pour la Paix au Moyen-Orient). Elu membre de l'Acad�mie am�ricaine des Arts et des Sciences, en 2004, le Professeur William Quandt a re�u, en 2005, la distinction dite � All-University Teaching Award � de l'Universit� de Virginie. Le Professeur William Quandt a �crit de nombreux livres ,en particulier, Peace Process: American Diplomacy and the Arab-Israeli Conflict Since 1967, (Brookings, 2005) ; : Between Ballots and Bullets: Algeria's Transition from Authoritarianism, (Brookings,1998); Camp David: Peacemaking and Politics, (Brookings, 1986); Decade of Decisions: American Foreign Policy Toward the Arab-Israeli Conflict, 1967-1976 ; The Middle East: Ten Years After Camp David, (Brookings, 1988) et,enfin, Revolution and Political Leadership: Algeria, 1954-1968, (MIT Press, 1969).
Itin�raire personnel : Mohamed Chafik Mesbah: Merci, Professeur, d�avoir accept� cet entretien malgr� une conjoncture particuli�re ou il peut �tre difficile, en effet, pour une personnalit� am�ricaine- m�me impliqu�e, seulement, dans la recherche acad�mique- de s�exprimer librement� William Quandt : Je n�ai aucune appr�hension � parler ouvertement� MCM : C�est par choix fortuit ou par vocation que vous avez embrass� la carri�re acad�mique ? WQ : J'ai voulu �tudier les affaires internationales et j�ai obtenu mon dipl�me de doctorat dans cette discipline au Massachussetts Institute of Technology en 1968. J'ai pass� environ la moiti� de ma carri�re d�enseignant � faire de la recherche universitaire, et l�autre moiti� au sein de "think tank". J�ai consacr� environ cinq ans de ma vie au service public, au sein de structures gouvernementales. MCM : C�est, donc, une vocation ? C�est bien par passion pour le m�tier d�enseignant et celui de chercheur que vous avez emprunt� ce chemin professionnel? WQ : Mes parents �taient, tous deux, des enseignants. Je pense avoir grandi avec l'id�e que l'enseignement �tait important. Je me suis int�ress� aux affaires internationales apr�s mon premier voyage au Japon alors que j��tais �g� de 16 ans. MCM : Comment se pr�sente, en r�gle g�n�rale, aux USA, le parcours d�un universitaire qui se consacre � la recherche dans les sciences politiques et sociales ? WQ : Ce qui distingue le syst�me universitaire am�ricain, c�est sa flexibilit�. J�ai pu passer de l�universit� aux "think tank" aux structures gouvernementales de mani�re ais�e. MCM: Comment, vous personnellement, en �tes-vous venu � vous int�resser au Maghreb. C�est un choix accidentel ou un choix �motionnel? WQ : J��tudiais, en 1960-61, en France lorsque je me suis int�ress� � la guerre de lib�ration alg�rienne. Je suivais les �v�nements quotidiennement. Plusieurs ann�es plus tard, j�ai d�cid� de retourner en Alg�rie pour �tudier ce qui s��tait pass� dans ce pays apr�s son ind�pendance. J�ai pass� l�ann�e 1966-67 a Alger pour les recherches n�cessaires � ma th�se de doctorat. MCM : Quelle est, actuellement, la place du Maghreb dans l�enseignement acad�mique au niveau des universit�s dans la r�flexion appliqu�e au niveau des think thanks ? Quelles sont les principales universit�s ou think thanks de notori�t� qui s�int�ressent au Maghreb ? WQ : L�universit� du Michigan, UCLA et, dans une certaine mesure, l�universit� de Virginie, montrent un certain int�r�t pour le Maghreb. Il existe une association d�nomm�e IAEM � l�Institut Am�ricain pour les Etudes sur le Maghreb- il existe �galement de petits centres de recherches am�ricain a Tunis, Oran et Tanger. Au titre des �think tank� connus, il existe Carnegie qui d�veloppe le meilleur programme � propos des r�formes dans le monde arabe, Maghreb inclus. Le Groupe de Crise International �CRISIS group� est �galement tr�s bon par sa production. MCM : Quelle influence exerce l�expertise fran�aise sur les recherches acad�miques am�ricaines ? Quelle importance occupe cette expertise dans le processus de d�cision officiel aux Etats-Unis ? WQ : Je dirais que la majorit� des experts am�ricains ne sont pas r�ellement influenc�s par l�expertise fran�aise. Ceux, n�anmoins, qui travaillant sur l�Afrique du Nord � un petit nombre- d�pendent, grandement, de l�expertise fran�aise. MCM : Il semblerait, cependant, que les Etats Unis veulent, d�sormais, disposer, � propos du Maghreb, de leur propre expertise � WQ : Oui, jusqu�a un certain point. Mais la question n�est pas de grande importance. Il est, vraiment, difficile de trouver des fonds de recherche pour travailler au Maghreb. Il y, relativement, peu d��tudiants maghr�bins dans les universit�s am�ricaines. Peu d��tudiants am�ricains, par ailleurs, �tudient au Maghreb, � l�exception du Maroc. MCM : Comment s�imbrique la production intellectuelle des universit�s et des think thanks dans les processus de prise de d�cision aux Etats Unis ? WQ : Parfois cette production produit un certain impact, mais la plupart du temps l�effet reste marginal dans le processus de d�cision gouvernemental. Mais beaucoup de personnes passent des �think thank� au gouvernement et, en ce sens, ils peuvent exercer une influence directe. MCM : Pardonnez-moi cette impertinence mais je ne pouvais �luder la question. Est-il exact que les services de renseignement am�ricains s�appuient sur l�expertise des universitaires pour une exploitation optimale des informations accumul�es ? Cela peut constituer, en effet, un gage de rigueur m�thodologique mais n�y a-t-il pas un risque de confusion des genres ? WQ : Selon mon exp�rience, cela n�est pas une chose commune. Cela arrive de temps en temps. Il y a un risque minime de confusion des r�les entre les analystes acad�miciens et les analystes du renseignement. Je pense qu�il est pr�f�rable de maintenir s�par�es les deux activit�s.
Le Maghreb, nouvel espace strat�gique : MCM : La situation actuelle au Maghreb ne peut �tre examin�e hors son contexte m�diterran�en. A propos de d�mocratisation justement, dans ce contexte g�opolitique m�diterran�en, le partenariat euro-m�diterran�en entam� par l�Union Europ�enne � la faveur de la r�union de Barcelone en 1995 �tait sens� �uvrer � l��mergence des soci�t�s civiles dans le Sud de la M�diterran�e. Cet objectif vous semble avoir �t� atteint? WQ : Il n�est pas ais� pour moi de juger de cet aspect. Il existe des �l�ments de la soci�t� civile dans tous les pays du Maghreb. Mais ils semblent, relativement, de faible importance. Ce ne sont pas ces groupes qui on men� la protestation en Tunisie, m�me s�ils s�y sont ralli�s. Les r�gimes semblent continuer a essayer d�emp�cher l��mergence de groupes r�ellement ind�pendants et issus de la soci�t� civile. MCM : Toujours dans cet environnement g�opolitique, le dialogue m�diterran�en initi�, en 1994, par l�OTAN, par del� les aspects op�rationnels de la coop�ration militaire, se proposait de contribuer � �civiliser� le positionnement institutionnel de l�arm�e. C�est un objectif qui vous semble atteint ? WQ : Je n�ai pas beaucoup d�information, de premier ordre, sur ce sujet. Mais il me semble que la coop�ration anti-terroriste se met, efficacement, en place. MCM: Les Etats Unis, ont lanc�, en 1988, l�initiative Eisenstadt qui visait � la cr�ation d�un march� commun maghr�bin. Dans ce contexte, l�unit� maghr�bine est apparue comme une n�cessit�. Cet objectif vous semble �tre un pr�alable pour le d�veloppement �conomique harmonieux des pays concern�s ? WQ : L�unit� maghr�bine est loin d��tre r�alis�e. Elle est n�cessaire, cependant, et elle doit commencer par une am�lioration des relations entre l�Alg�rie et le Maroc. Ce pr�alable ne semble pas pr�t d��tre satisfait � moins qu�un accord ne soit conclu � propos du conflit du Sahara Occidental. La politique entrave, en effet, des projets qui pourraient apporter une certaine efficacit� �conomique. MCM : Le conflit du Sahara Occidental constituerait le principal obstacle � la r�alisation de l�unit� maghr�bine. Ce conflit r�gional repr�sente une cause majeure de d�colonisation ou refl�te-t-il, simplement, d�une rivalit� accessoire entre l�Alg�rie et le Maroc ? WQ : Les origines du conflit sont li�es au processus de d�colonisation. Ce conflit est aggrav�, cependant, par des rivalit�s entre les r�gimes des deux pays. MCM : La zone sah�lienne, importante pour le monde occidental, serait appel�e � �tre �rig�e en �espace-tampon�, un mur de protection pour le vieux continent contre les incursions des populations de l�Afrique profonde. C�est l� que r�side l�int�r�t des Etats Unis pour cette r�gion particuli�re ? WQ : Je pense que l�Europe a plus int�r�t que les Etats Unis � limiter l�immigration. L�int�r�t des Etats-Unis semble �tre, plut�t, d�emp�cher l�AQMI de se fortifier. MCM : Globalement, les Etats-Unis sont-ils en comp�tition avec l�Union Europ�enne et, plus particuli�rement la France, dans les deux espaces m�diterran�en et maghr�bin? WQ : A mon avis, ce n�est pas le cas. Je pense que les Etats Unis acceptent, en r�gle g�n�rale, que l�Europe et la France exercent un r�le majeur dans la r�gion.
Etat des lieux dans les pays du Maghreb : MCM: Comment les Etats Unis observent-ils les pays du Maghreb ? WQ : Globalement, le gouvernement am�ricain est satisfait de ses relations avec les pays du Maghreb. Avec le Maroc, les relations son bonnes. Les r�cents d�veloppements en Tunisie ont �t� accueillis avec beaucoup d�enthousiasme. L�Alg�rie est toujours une sorte d��nigme, elle semble avoir un �norme potentiel inaccompli, mais, les relations entre Etats am�ricain et alg�rien sont bonnes. MCM : Examinons, par exemple, le poids de la croissance d�mographique dans les pays du Maghreb. S�agit-il d�un handicap ou d�un atout ? WQ : Un handicap, �tant donn� le niveau �lev� de ch�mage et l�exode migratoire. MCM : Finalement, ces pays du Maghrebpris s�par�ment ou ensemble- disposent-ils de ressources naturelles suffisantes pour sortir du sous-d�veloppement ? WQ : Assur�ment. MCM : La pr�carit� sociale s�vit, de mani�re plus ou moins marqu�e, dans chacun des pays du Maghreb. C�est un obstacle infranchissable pour sortir du sous-d�veloppement ? WQ : Si vous acc�dez � vos droits politiques, vous pouvez r�gler vos probl�mes sociaux. MCM : Quel est le terreau dont se nourrit, dans les soci�t�s maghr�bines, l�extr�misme politique, tous les extr�mismes pas seulement l�extr�misme radical islamiste ? WQ : La trop grande concentration du pouvoir chez un nombre r�duit de personnes avec une corruption ,excessivement, r�pandue. MCM : C�est dans la mauvaise gouvernance publique qu�il faut rechercher, par cons�quent, les causes de cet �tat des lieux des plus d�grad�s ? WQ : Certainement. MCM : Vous �tes connu, tout particuli�rement, pour vos travaux sur les �lites maghr�bines. Alors qu�un profond mouvement de transformation des syst�mes politiques maghr�bins se profile, que diriez-vous de la pertinence du r�le de ces �lites aujourd�hui ? WQ : C�est l�heure du changement, comme nous pouvons le voir en ce moment en Tunisie. MCM : Ce renouvellement des �lites, vous l�envisagez par rapport � l��ge, � la qualification intellectuelle ou � l�efficacit� politique ? WQ : Les trois facteurs, en m�me temps r�unis, ce serait parfait. MCM : Les processus en cours dans le monde arabe ont mis en relief le r�le d�terminant jou� par la jeunesse non embrigad�e dans les partis classiques, non encadr�s par les leaders politiques traditionnels, c�est un enseignement important � m�diter? WQ : La g�n�ration �Faceook� a montr� une remarquable habilit� � pouvoir se mobiliser et � faire descendre les gens dans la rue ; mais pour devenir une r�elle force sur le long terme, cette g�n�ration doit affronter le d�fi qui consiste � organiser des partis politiques avec des programmes coh�rents. Sinon le r�gime d�chu r�ussira � diviser cette g�n�ration et � incorporer certains de ses repr�sentants sinon d�en marginaliser d�autres. MCM: Les moyens d�action politique ont chang� eux aussi. Le recours aux r�seaux sociaux (face book, twitter�), par rapport aux soci�t�s arabes, c�est, d�sormais, un fait de civilisation indiscutable, un mode de vie incontournable ou cela aura �t� un simple effet de mode ? WQ : Ce qui a clairement chang� dans les moyens d�action, c�est la possibilit� qui s�offre aux peuples des diff�rentes parties du monde arabe -et au-del�- de suivre, en direct, les �v�nements ext�rieurs � leur propre pays. Ils sont, forc�ment, inspir�s par ces �v�nements. Quand la situation en Tunisie � explos�, un ami alg�rien qui �tait a Duba� m�a envoy� ce message on ne peut plus symbolique : �aujourd�hui nous sommes tous tunisiens�. Il convient de relever qu��Al Jazeera�, sur ce plan, a le m�me m�rite que facebook.
La d�mocratie, une panac�e ? MCM : Au plan th�orique, sous quel angle pourrait-on, envisager la probl�matique de la d�mocratisation du Maghreb ? WQ : Ce n�est pas une panac�e mais une garantie contre les r�gimes autoritaristes comme ceux de Ben Ali et d�El-Kadhafi. MCM : Attardons-nous sur le lien �ventuel entre d�mocratie et d�veloppement �conomique. Amartya Sen, le prix Nobel d��conomie indien, avait estim�, s�appuyant, en particulier, sur le cas de l�Inde, que le syst�me d�mocratique favorisait le d�veloppement �conomique. Ce lien de causalit� vous parait �vident ? WQ : Pas n�cessairement. Mais cela � d�autre vertes, et, comme le d�montre la Turquie aujourd�hui, les deux peuvent tr�s bien aller ensemble. MCM : Comme en t�moignent, les discours respectifs des Pr�sidents Bush et Obama, la doctrine diplomatique des Etats-Unis stipule, explicitement, que la d�mocratie constitue le meilleur rempart contre la violence. Ce principe vous semble v�rifi� ? WQ : Sur le long terme, oui ce principe est fond�. Mais le processus de d�mocratisation prend du temps et peut produire un certain niveau de tension sociale. Mais une fois �tabli, le syst�me d�mocratique est, relativement, paisible. MCM : Les contraintes li�es au comportement des forces arm�es et � celui du mouvement islamiste sont �voqu�es, dans certaines analyses, comme un obstacle potentiel � un �ventuel processus de d�mocratisation. Commen�ons par le mouvement islamiste, c�est un simple �pouvantail brandi par les pouvoirs publics ou une menace s�rieuse pour le processus d�mocratique ? WQ : Cela d�pend beaucoup de la nature du mouvement Islamiste. Ali Belhadj, le leader du FIS, ne croyait pas en la d�mocratie .Le probl�me r�sidait l�. Par contre, l�AKP en Turquie a foi en la d�mocratie et permet de v�rifier, que les deux, parti islamiste et d�mocratie, peuvent coexister. MCM : Dans le m�me esprit, quid du statut et du r�le de l�institution militaire ? La propension des militaires � vouloir s�ing�rer dans la vie politique vous parait une donn�e persistante ou une r�alit� d�pass�e? WQ : Le r�le des militaires peut constituer un grave probl�me. Habitu�s � dominer la sc�ne politique en en tirant dividendes �conomiques, il ne sera pas ais� de les pousser dehors comme nous avons � le voir en Egypte. MCM: Les Etats Unis seraient int�ress�es � favoriser un processus politique ou le mouvement islamiste et l�arm�e, cote � cote, constitueraient le socle d�un processus d�mocratique pragmatique et assimilable par les soci�t�s concern�es. Une d�marche inspir�e par le mod�le turc. Cela vous parait une approche v�rifi�e ? WQ : C�est un mod�le possible, pas l�unique mod�le. Si les la�cs �tait mieux encadr�s et mieux organis�s, ils pourraient jouer un r�le national majeur.
La politique am�ricaine face aux d�fis de la d�mocratisation dans les pays du Maghreb : MCM: L�annonce, en 2003, du projet de d�mocratisation du monde arabe "Great Middle East Initiative" -�tendu, aussit�t, � l�Afrique du Nord- a constitu�, de toute �vidence, un tournant dans la politique �trang�re am�ricaine. Bri�vement, quels sont les fondements th�oriques et pratiques de cette initiative ? WQ : Un questionnement sans importance. C�est, pour l�essentiel, un effet de propagande destin� � d�tourner l�attention de l�impasse arabo-isra�lienne. MCM: Le discours du Caire que le Pr�sident Obama a prononc� en 2009 semble �tre, pourtant, une reprise, en plus adapt�, du projet r�publicain (the "Great Middle East Initiative") � WQ : Le but principal du discours du Caire �tait de pr�senter une nouvelle image sur la mani�re dont les Etats Unis s�engageaient vis-�-vis du monde arabe et musulman, un engagement bas� sur �les int�r�ts communs et le respect mutuel�. Un engagement envisag� en termes diplomatiques pas militaires. Le principe est de procurer un support aux reformes, mais sans intervention ext�rieure directe sur le processus. L�objectif pour le Pr�sident Obama consistait � d�livrer un message pour signifier une nouvelle attitude apr�s celle connue durant les ann�es Bush. J��tais a Damas quand le Pr�sident Obama a prononc� son discours ; j�avais rencontr�, alors, un ami syrien et des officiels du Hamas qui m�avaient, tous, affirm� : �ce sont de bons mots mais nous attendrons de voir ce qu�il en adviendra�. ils attendent toujours, me semble-t-il� MCM: Il est remarquable que les Etats Unis, habituellement, vilipend�s par l�opinion publique arabe en des moments d�intense �motion comme ceux que vit la r�gion soient ainsi �pargn�s. C�est le r�sultat de l�mage personnelle du Pr�sident Obama -noir, ayant une ascendance musulmane-ou le r�sultat d�une adaptation de la politique am�ricaine ? WQ : Je pense que beaucoup de personnes dans le monde arabe restent frustr�s par rapport � la politique am�ricaine en g�n�ral et par rapport a Obama lui-m�me. Mais ils ont compris que leur probl�me principal , aujourd�hui, n�est pas en Am�rique mais, plut�t, au niveau de leurs propres dirigeants. MCM: Quels sont les objectifs cach�s, je dis bien cach�s, de cette politique volontariste des Etats-Unis ? Par del� la d�mocratisation, quels objectifs visent-ils en rapport avec leurs int�r�ts strat�giques ? WQ : Si les objectifs sont cach�s, je n�en sais donc rien. Il peut effectivement y avoir des tensions entre int�r�ts strat�giques et d�mocratie, comme au Bahre�n et en Arabie Saoudite. Mais, ailleurs, en Tunisie, et en Egypte, c�est au vrai sens que la d�mocratie apportera aux deux peuples des am�liorations-substantielles. MCM : Les Etats-Unis disposeraient d�un mod�le th�orique qu�ils appliqueraient, chaque fois que de besoin, pour faire d�loger les dictateurs. Un mod�le d�j� exp�riment� avec succ�s en Serbie, en G�orgie et en Ukraine et qui reposerait sur un br�viaire, le livre d�tonnant de Gene Sharpe, "From dictatorship to democracy". Quel cr�dit accorder � cette version des faits? WQ : C�est, vraiment, sans importance. MCM: Vous voulez dire que c�est la volont� des peuples qui fa�onne l�histoire nationale, pas les interf�rences �trang�res ? WQ : Les deux, influence �trang�re et volont� populaire, sont importants. Mais je suis frapp� par la propensions des r�gimes impopulaires, comme ceux de Moubarak, de Ben Ali et d�El Kadhafi � bl�mer les interventions �trang�res dans les troubles intervenus, alors que le vrai probl�me c�est qu�ils ont perdu le soutien de leurs peuples. MCM: Quels rapports entretiennent avec les instances officielles am�ricaines, la constellation d�organisations non gouvernementales qui �voluent dans le sillage de ce projet de d�mocratisation de l�univers du monde ? C�est, comme il est souvent affirm�, le bras arm� de la diplomatie am�ricaine ? WQ : un r�le infime. MCM: Rappelez- vous, cependant, que c�est en s�inspirant de ce mod�le de �R�volution pacifique� et en s�appuyant sur la constellation d�ONG �voluant autour de la probl�matique de la d�mocratie, que les Etats Unis ont jou� un r�le essentiel dans la destitution du dictateur serbe Milosevic. L�opinion publique arabe n�en croira pas un mot si vous voulez affirmer que les Etats Unis suivent en spectateurs les processus politiques en cours au Maghreb� WQ : Je ne dis pas qu�il n�y a aucun int�r�t pour les Etats Unis par rapport aux processus qui se d�roulent, mais je ne pense pas que les Etats Unis soient en train de jouer un r�le majeur. En Egypte, l�implication a �t� plus significative particuli�rement avec les militaires Egyptiens sur lesquels les Am�ricains disposaient, dans une certaine mesure, d�une influence directe. MCM: Quels enseignements tirer des r�cents processus d�mocratiques de Tunisie et d�Egypte. Faut-il s�attendre, pour tout le monde arabe, � un rapide �effet domino� ? WQ : Une question bien trop vaste pour qu�il y soit r�pondu bri�vement. J�esp�re que la Lybie suivra, et il pourrait y avoir des pressions pour des reformes ailleurs. Le message d�livr� par les pr�c�dents tunisien et �gyptien c�est que les peuples en ont marre de la mauvaise gouvernance ! MCM : La situation en Libye semble, n�anmoins, �voluer, diff�remment, des sc�narios tunisien et �gyptien. Cela tient plus aux particularit�s de la soci�t� libyenne ou � la nature du r�gime libyen que personnalise Mouammar El Kadhafi ? WQ : Soci�t� diff�rente, leader diff�rent et rentes p�troli�res� MCM: Avec ce souffle d�mocratique puissant qui, l�un apr�s l�autre, fait tomber les dictateurs arabes, quelle sera, demain, la physionomie g�opolitique de cette r�gion du monde ? Quelles incidences sur la paix et la s�curit� dans le monde ? WQ : Question trop large, qui fait appel � trop de sp�culation. Il n�en reste pas moins, tout compte fait, que la r�gion du Maghreb et le monde gagneront � l�enracinement de la d�mocratie au Moyen Orient. MCM: Les changements substantiels qui affectent les r�gimes du monde arabe ne vont-ils pas contraindre Isra�l � revoir sa doctrine de s�curit� pour s'adapter � ce nouveau contexte qui peut autant faciliter que compromettre la paix ? WQ : Face aux changements spectaculaires qui se se d�roulent autour d�Isra�l, les leaders de ce pays semblent paralys�s. Cela pourra changer avec le temps, mais les divisions internes au sein de la classe politique isra�lienne, la faiblesse du �camp pour la paix� dans ce pays et la faiblesse de Netanyahu dans son leadership ne semblent pas indiquer qu�il existe, pour le moment, plus de chance pour l��mergence d�une �nouvelle pens�e� en Isra�l. MCM: Dans ce sillage, faut-il partager l'avis selon lequel les processus politiques en cours dans le monde arabe ont, d'ores et d�j�, disqualifi� autant l'islamisme radical que le nationalisme �motionnel ,deux principales causes d'inqui�tude pour Isra�l ? WQ : Je pense qu�il est trop t�t pour tirer des conclusions. Une Egypte plus d�mocratique sera moins encline � coop�rer avec Isra�l r�primant les Palestiniens. Une Egypte ou les fr�res musulmans gagneraient plus de voix soutiendra, probablement, plus Hamas. Isra�l a des raisons pour s�inqui�ter m�me si elle reste, militairement, plus forte par rapport � n�importe quelle combinaison de forces, alentour. Peut �tre que le bon sens pr�vaudra et Isra�l r�alisera que le moment est venu pour faire une offre g�n�reuse � la fois pour la Syrie et pour les Palestiniens. Mais j�en doute.
A propos du cas particulier de l�Alg�rie : MCM : Dans le cas particulier de l�Alg�rie, voil� un pays, dirions-nous, qui dispose de richesses naturelles exceptionnelles et d�un potentiel humain de qualit�, m�me d�un positionnement g�ographique des plus favorables. Comment expliquer que le pays ne d�colle pas? WQ : Mauvaise gouvernance, corruption, syst�me d��ducation m�diocre. MCM : Vous ne trouvez pas que c�est l� un jugement s�v�re, presque sans appel� WQ : Non, toutes ces choses peuvent changer. Pour faire avancer les choses, l�Alg�rie dispose des ressources mat�rielles n�cessaires et du capital humain indispensable. Mais il y a, tellement, eu de gaspillage. Un ami �gyptien ayant une grande exp�rience de l�Alg�rie m�a affirm�, tout r�cemment : �il faut vraiment travailler dur pour g�cher les choses dans un pays comme l�Alg�rie qui a tellement de potentiel !� il y a quelque v�rit� dans cette observation de bon sens. MCM : Par rapport aux int�r�ts strat�giques des Etats-Unis, quelle importance peut rev�tir l�avenir de l�Alg�rie ? WQ : Un pays important, mais pas parmi les plus importants qui restent, pour les Etat Unis, l�Egypte, Isra�l, l�Arabie Saoudite, la Turquie et l�Iran� MCM : L�opinion publique en Alg�rie n�est pas loin de consid�rer que les Etats Unis pour des consid�rations d�int�r�t strat�gique se montrent plut�t complaisants avec les autorit�s du pays. Assur�ment, le ton, au moins, est moins s�v�re que celui utilis� avec Les anciens Pr�sidents Ben Ali et Moubarak. Comment comprendre cette inflexion -qui peut �tre, en effet, purement tactique- dans la d�marche des Etats Unis? WQ : Vous avez raison d�affirmer que les Etats Unis n�ont pas autant mis l�accent sur les manquements des leaders alg�riens par rapport � leurs mises en garde dans les de Ben Ali et de Moubarak. Je pense qu�il existe plusieurs raisons � cela. Premi�rement, le peuple alg�rien n�a pas encore manifest� son m�contentement de mani�re claire ; deuxi�mement, il existe des soupapes de s�curit� en Alg�rie � telle la presse qui favorisent l�expression du m�contentement, � l�oppos�, par exemple, de la Tunisie sous Ben Ali ; troisi�mement, le pr�sident Bouteflika garde un certain cr�dit pour avoir clos le �chapitre noir� des ann�es 90. Enfin, derri�re le pr�sident en Alg�rie il existe �le pouvoir�, il n�est pas ais� de concentrer les tirs sur une seule personne comme en Egypte, en Tunisie ou en Libye. MCM: L�Alg�rie, d�importance secondaire, n�a pas vocation, donc, � �tre un �Etat-pivot� dans la strat�gie am�ricaine ? WQ : Par le pass�, ayant eu � �crire un article sur l�Alg�rie �Etatpivot � d�un point de vue am�ricain, j�avais conclu que l�Alg�rie n��tait pas comparable aux autres pays class�s dans la liste des �Etats pivots� comme l�Inde, le Pakistan, le Br�sil, l�Egypte, la Turquie et l�Iran. Bien �videment l�Alg�rie est un pays important, mais les Etats Unis ne le traitent pas comme un alli�. A quand remonte la derni�re visite du pr�sident Bouteflika � Washington DC ? Au d�but des ann�es Bush si j�ai bonne m�moire. J�imagine ais�ment le pr�sident Obama visiter le Maroc et la Tunisie avant qu�il ne s�arr�te en l�Alg�rie. J�aurais aim� que les deux nations am�ricaine et alg�rienne soient plus proches, mais elles ne le sont pas. MCM : Par rapport � trois questions essentielles, le r�glement du conflit du Sahara Occidental, la normalisation des rapports avec Isra�l et la d�finition d�un statut juridique des hydrocarbures, avantageux pour les compagnies p�troli�res am�ricaines, la d�marche de l�Alg�rie, sous la pr�sidence de M. Abdelaziz Bouteflika, a-t-elle �t� favorable aux int�r�ts am�ricains? WQ : La meilleure chose qu'il ait faite c�est bien d�avoir clos l��re de la violence interne. MCM: Vous pensez, vraiment, que le spectre de la violence est d�pass� en Alg�rie ? WQ : Je suis sur que les gens sont toujours inquiets du retour �ventuel de la violence politique. La situation actuelle semble nettement meilleure par rapport � celle qui pr�valait au milieu des ann�es 90.Lorsque je visitais, en ce temps, l�Alg�rie j��tais accompagn� de gardes arm�s. Lors de ma derni�re visite qui remonte � 2007, j�avais senti que j��tais dans un pays quasiment normal. Quel progr�s� MCM : La gestion alg�rienne du ph�nom�ne islamiste, pr�cis�ment, vous parait avoir �t� une exp�rience probante ? WQ : Les circonstances en Alg�rie sont tr�s particuli�res, il n�est pas certain que ce soit un cas d��cole. R�trospectivement, la d�cennie des ann�es 90 semble constituer une �norme trag�die avec une perte incommensurable de vies humaines et de ressources. MCM: Et que diriez vous du r�le jou� par l�institution militaire depuis la r�volte populaire du 5 octobre 1988? WQ : L�institution militaire a joui de trop de pouvoir pendant trop longtemps� MCM: L�Alg�rie souffre d�un manque chronique, le vide politique illustr� par l�absence d��lite politique efficiente. La responsabilit� en revient aux obstructions pos�es par un r�gime on ne peut plus autoritariste ou � la d�mission des acteurs politiques et sociaux eux-m�mes ? WQ : C�est le r�gime avec les dividendes qu�il collecte de la rente p�troli�re qui est devenu le probl�me. MCM : Au regard de l��tat des lieux en Alg�rie, sous-d�veloppement structurel mais r�serves financi�res imposantes, vous diriez que l�Alg�rie, dans le contexte arabe actuel, est � l�abri d�un �effet domino� ? Vous pensez qu�il pourrait se v�rifier une exception alg�rienne ? WQ : Je ne suis pas si sure qu�il y ait une exception alg�rienne. Cela d�pendra �norm�ment de la mani�re dont se d�roulera la succession du Pr�sident Bouteflika. Selon qu�elle sera, strictement, contr�l�e par les militaires, selon qu�elle s�accompagne de divisions ou selon qu�elle donne lieu � une comp�tition sinc�re. Autrement, toutes les frustrations qui existaient en Tunisie et en Egypte sont pr�sentes en Alg�rie. MCM : A court et moyen terme, quel serait votre pronostic sur l��volution de la situation en Alg�rie ? WQ : Un changement lent concernant pour le futur imm�diat, mais la possibilit� d�un changement plus rapide pour la p�riode post-Bouteflika. Il y a un facteur favorisant pour un changement g�n�rationnel dans le leadership alg�rien au sein duquel l��ge moyen des dirigeants est tr�s avanc�, majoritairement autour de 70 ans. Donc le pouvoir pourra passer, �ventuellement, � une nouvelle g�n�ration de dirigeants qu�il faut esp�rer seront plus �clair�es que leurs pr�d�cesseurs. MCM : Merci beaucoup Professeur d�avoir consacr� � l�opinion publique de mon pays de votre temps pr�cieux� WQ : Je vous en prie. Transmettez, je vous prie, tous mes meilleurs sentiments � vos lecteurs, les sentiments d�un ami de longue date de l�Alg�rie.