Notre derni�re chronique a suscit� de nombreuses r�actions . Certaines d�entre elles nous semblent d�une pertinence telle qu�elles m�ritent d��tre port�es � la connaissance du lecteur. Ainsi en est-il de ce courriel �manant de M. M'hamed Ibeddouzene, enseignant en math�matiques au lyc�e, puis sous-directeur des �tudes. �Je voyais des g�n�rations enti�res d�filer devant moi, agress�es dans leur moi, trahies dans leurs consciences, soumises � une autorit� de chefs incomp�tents. Je ne vous dis pas que �a fait tr�s mal. L'�cole que vous avez d�crite dans sa laideur n'est ni avant-gardiste, ni moderniste. Elle est l'�cole de ce syst�me qui veut g�n�rer du cr�tinisme, perp�tuer la m�diocrit� pour mieux �taler son h�g�monie sur la soci�t� et servir sa propre prog�niture. Une telle d�marche ne peut �tre �videmment ni cr�ative, ni innovante, elle est plut�t amorphe et morbide. Et l�, � mon sens, quel que soit le fatalisme qui nous guette, nous devons rester vigilants pour notre survie et faire en sorte que cette soci�t� ne puisse pas prolif�rer. � Se d�marquant de notre scepticisme, ou peptimisme, il ajoute : �Je sais que les modernistes ne sont pas nombreux et qu'ils sont comme ces oiseaux rares qui se cachent pour mourir un peu, mais est-ce suffisant pour dire qu'essayer de trouver des r�ponses � toutes ces questions rel�ve de la fiction ? Je ne pense pas que cette approche que vous avez �crite soit une invitation � plus de fatalit�, d'inertie. L'inertie est mortelle. Seule une action men�e dans une psychologie positive peut �ventuellement oxyg�ner la soci�t� et tenter de l'assainir de tous ces maux que vous avez �num�r�s. L'id�e que vous insinuez (aller � la recherche d'une soci�t� cr�ative rel�ve de la fiction) me froisse, parce que d�faitiste. Je pr�f�re parler de r�ve, d'espoir... Je pr�f�re poser la question suivante : quels sont les m�canismes n�cessaires pour g�n�rer une action positive dans la soci�t� pour la faire vomir, l'exorciser de tous ses maux afin de mener les ajustements structurels n�cessaires qui l'orienteront vers la cr�ation et l'adh�sion d�finitive � la culture universelle ?� Un autre lecteur, M. B.A.B., sugg�re que l�histoire se r�p�te : �Je lis depuis quelque temps des livres d'histoire, sur la p�riode turque, sur les d�buts de la colonisation fran�aise, et je constate une chose frappante : la soci�t� alg�rienne d'alors ressemble � toutes proportions gard�es � � celle d'aujourd'hui. Il est fort � craindre que nous ayons d�j� un pied hors de l'Histoire. Gramsci disait � peu pr�s cela : �Quand l'ancien se meurt, que le nouveau ne parvient pas � voir le jour, dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Et les �monstres� n'ont jamais quitt� cette terre.� Il est vrai que par une sorte de filiation g�n�tique notre pays subit la r�surgence de formes anciennes de domination des cohortes de corsaires, de pirates et de flibustiers ; les fins de r�gnes et les successions d�bouchant sur des bains de sang pour des consid�rations de pr�dation qui rappellent bien un air de Sacha Guitry : �Regardez comme cette famille s�entend bien / On voit bien qu�elle na pas encore h�rit�. � Un �ducateur � la retraite pose cette question : �Comment expliquez- vous le paradoxe entre le s�rieux et l'assiduit� de nos �l�ves scolaris�s face � un constant �chec scolaire ?� Il n�est pas question ici de se substituer aux partis politiques, aux instituions, organes de r�gulation pour esquisser des plans de sortie de crise. Il suffit d�avancer que, tr�s souvent, le marasme que nous vivons ne r�sulte nullement d�un manque de moyens ou de comp�tences. Bien au contraire. L�Alg�rie n��tant pas �ligible au cercle restreint des Etats qui se paient le luxe de vivre audessus de leurs moyens et aux crochets des autres, � coups de d�ficits publics colossaux, comme les Etats-Unis ou la France, elle semble �tre victime de l�organisation renti�re de son �conomie et de son Etat. Sur ce plan, elle ressemble au c�l�bre Oscar Wilde qui, ne pouvant honorer sa facture d�h�tel � Paris peu avant sa mort, avait prononc� une expression qui nous sied � merveille : �Je meurs au-dessus de mes moyens.� Les r�actions venant du milieu de l��ducation sont unanimes � confirmer le constat d��chec quant aux pesanteurs qui entravent l��mergence d�une soci�t� du savoir et de la connaissance. Au-del� du constat, une premi�re projection pratique �mane d�un industriel digne de respect et de consid�ration, connu pour son dynamisme, sa cr�ativit� et la solidit� de ses constructions. Il s�agit de M. Slim Othmani, le manager de Fruital dont la r�action apporte une pi�ce ma�tresse au d�bat. �Concernant la �Knowledge Economy� KE, j'ai particip� aux diverses rencontres organis�es par la Banque mondiale pour �valuer le concept aupr�s de la soci�t� maghr�bine (alg�rienne, marocaine et tunisienne) et je dois avouer que le seul des trois pays qui n'a pas su exploiter le concept � des fins de d�veloppement durable c'est bien l'Alg�rie. C'est aussi le seul pays qui est rest� au stade des rencontres, des s�minaires et tutti quanti. Pourquoi ? Car les politiques ont cherch� � s'emparer de ce concept � la mode, sans en comprendre les tenants et les aboutissants. J'en veux pour preuve cet empressement du Cnes � confisquer l'id�e et l'organisation, de cette rencontre, initialement entre les mains de la Banque mondiale et de l'AT2T (association Alg�rienne de transfert de technologie), sous la conduite de M. Abdelkader Djeflat (grand chercheur mondialement reconnu dans le domaine de la KE). Il suffit de regarder ce qui a �t� fait au Maroc et en Tunisie (qui ne sont pas forc�ment des exemples) pour ne pas s'interroger sur le manque de �cr�ativit� et de r�activit� (pour reprendre vos propos) des d�cideurs de la soci�t� alg�rienne. �Que faire alors pour arr�ter la catastrophe annonc�e ? Je pense que les diff�rents patronats alg�riens devraient, pour une fois, se mobiliser pour attirer l'attention des pouvoirs publics, pour les avertir du r�el danger d'implosion qui guette la soci�t� alg�rienne. C'est une question de jours !� Par un heureux hasard, une r�cente contribution du directeur g�n�ral de Cisco France, M. Thierry Drilhon, parue dans le quotidien de l��conomie et de la finance, Les Echos, sous le titre �Cinq chantiers pour les technologies de l�information �, apporte aux pr�occupations de M. Othmani de s�rieuses pistes de r�flexion que je fais miennes tant elles semblent �videntes. Pour rappel, Cisco Systems est un �quipementier am�ricain sp�cialiste des r�seaux Internet. Une lecture comparative de ses propositions d�action t�moignerait de la totale d�solation qu�affiche le syst�me �conomique national et sa d�connexion totale du circuit ext�rieur en dehors de la sph�re des hydrocarbures. Premi�re consid�ration majeure : l'industrie informatique ou du moins les d�clinaisons majeures qu�elle peut offrir (les services, le jeu et le logiciel), l�existence de jeunes pousses ou start-up qui se lancent dans l'�conomie de l'immat�riel sur le mod�le des �valleys� am�ricaines et la mise en place de p�les de comp�tences ou d�excellence th�matiques rassemblant les universit�s, les centres de recherche et les entreprises. Chez nous, les start-up issues de l�emploi des jeunes, du microcr�dit ou de l��conomie familiale sont beaucoup plus port�es sur les petites �piceries, les taxiphones, les salons de th� et les fast-foods. Les centaines de milliers de techniciens et ing�nieurs informaticiens issus des structures de formation qu�on nous enviait parmi les jeunes nations dans les ann�es 1970 font aujourd�hui le bonheur des grandes bo�tes �trang�res. Seconde consid�ration : la r�glementation n�cessaire des FAI (fournisseurs d�acc�s � Internet) en vue d�un trafic s�curis� et �utile�, au moyen d�une lutte efficace contre le ph�nom�ne des spams et des pannes fr�quentes. Il semble encore une fois qu�en mati�re de r�glementation, la seule pr�occupation de ceux qui veillent � nos mauvaises destin�es reste d��largir le principe de la censure et le r�gime des �coutes � Internet pour l�enserrer dans le maigre corset des libert�s qu�autorise l�arbitraire. Le troisi�me volet touche aux stimulants fiscaux, aux r�gles d'amortissement des mat�riels et � leurs cons�quences sur leur productivit�. Quatri�me chantier qui nous va comme un gant : l'acc�l�ration de la modernisation des services de sant�, avec la mise en �uvre op�rationnelle du dossier m�dical personnel, le d�ploiement � grande �chelle des �best practices � et enfin la g�n�ralisation des services de soins de proximit� que les TIC permettent d'assurer de mani�re efficace et � moindre co�t. L� aussi, on croit r�ver � l�id�e d��voquer cette piste d�une simplicit� �vidente dans un contexte normalis�. La normalit�, voil� donc le ma�tre mot.