Grève des Enseignants du Secondaire Les Profs déterminés Les syndicats ont encore réussi, hier, à paralyser la majorité des lycées d'Alger. Hier aussi, au deuxième jour du mouvement de grève déclenché par le Conseil des lycées d'Alger (CLA) et le Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest), le débrayage a été largement suivi. Dans certaines wilayas, selon les représentants des deux Conseils, le taux de débrayage a atteint les 90%, notamment dans l'Algérois. Les lycées de la capitale étaient donc fermés hier. Les professeurs du secondaire, s'étant présentés à leurs établissements, comme à chaque grève, se sont abstenus de donner cours. 7h30. Lycée Abdelmoumen (Rouiba) où les élèves ont organisé, samedi dernier, un mouvement de contestation pour protester contre l'année blanche et afficher leur solidarité avec les enseignants. Nous avons essayé d'entrer en contact avec les enseignants grévistes. Mais, cela a été impossible, car le directeur de l'établissement a exigé de nous un ordre de mission délivré par l'Académie d'Alger. Nos tentatives de convaincre le directeur de nous laisser discuter avec les enseignants ont été donc vaines. Devant le portail du lycée, les élèves ont intercepté un enseignant qui s'apprêtait à rejoindre l'établissement. “Vous êtes toujours en grève ?”, l'interroge un élève. Et à l'enseignant de lui répondre : “Je ne suis pas concerné.” Il s'agit de l'un des rares enseignants qui ont refusé d'adhérer au mouvement de contestation. “Il est vrai que la plupart des enseignants sont en grève, mais pas moi. Je ne suis qu'un vacataire. Je ne peux pas participer à ce mouvement. Bien que je sois concerné par leurs revendications”, ajoute-t-il. Des Enseignants dans les Rédactions Vers 13h, un groupe d'enseignants du secondaire s'est rapproché de notre rédaction, hier, afin de réaffirmer leurs positions. En dépit des menaces du ministère de l'Education nationale, les enseignants du secondaire sont restés mobilisés et comptent poursuivre le mouvement de protestation jusqu'à l'aboutissement de leurs revendications liées, notamment, aux augmentations de salaire et à l'amélioration de la situation socioprofessionnelle. Concernant la légalité de ce mouvement, les enseignants se réfèrent aux textes de loi 90-11, 90-14, 90-20 consacrés aux droits des travailleurs, notamment celui de la grève. “Nous faisons un métier noble et nous touchons à peine 1,5 le Snmg, soit 14 000 dinars. Le mépris pour la fonction qu'on exerce est une injustice intolérable dans la rémunération de nos qualifications. Les primes dérisoires auxquelles le ministère se réfère ne peuvent suppléer le salaire réel ni une retraite décente”, s'indigne une enseignante qui, pour donner plus de crédibilité à ses propos, exhibe une fiche de paie. Par ailleurs, les enseignants du secondaire réclament le dialogue avec le ministère de tutelle, en rejetant toute forme de pressions et de menaces destinées à brader leurs revendications. “Nous sommes responsables dans nos actions. Nous avons décidé d'entamer une grève ouverte jusqu'à ce que nos collègues soient réintégrés dans leur poste d'emploi”, déclare un gréviste. Et d'ajouter : “Nous allons suspendre même les cours particuliers. Nous ne nous tairons plus. Nous ne sommes ni preneurs d'otages, ni irresponsables comme tendent à l'accréditer les pouvoirs publics. Nous sommes aussi parents d'élèves et nous comprenons leurs inquiétudes. Nous n'avons de comptes à rendre à personne, excepté nos élèves qui sont nos propres juges.” En outre, les contestataires invitent les parents d'élèves à adhérer à leur mouvement afin d'exercer une pression sur le pouvoir. Nabila Afroun Echos d'une Grève Nationale Constantine La Chambre administrative se déclare incompétente Ils étaient quelque 500 enseignants à battre le pavé devant le Palais de la justice, durant toute la journée d'hier, en signe de solidarité avec leurs 45 collègues appelés à comparaître devant la chambre administrative près la cour de Constantine. Un rassemblement qui s'est fait dans le calme et la dignité dans un périmètre quadrillé par les éléments de l'ordre public ramenés en renfort. À l'intérieur de l'enceinte judiciaire, les 45 accusés et leur avocat Me Soudani attendent le début des audiences. Les charges pesant sur les enseignants vont de l'arrêt du travail illégal aux incitations et troubles à l'ordre public. Les concernés ayant défilé tour-à-tour à la barre ont eu la même déclaration : “S'il y a lieu de nous juger, il faudrait que la justice statue auparavant sur le mouvement de grève.” Dehors, les enseignants accueillent par des applaudissements et des youyous leurs collègues qui ressortent de la salle d'audience. Selon les délégués du Cnapest, aux 45 enseignants, 14 autres viennent d'être destinataires de convocations ! “Ils sont présentés comme étant les seuls protestataires, alors que plus de 2 000 professeurs ont répondu à l'appel du Conseil national !” D'ailleurs, a-t-on appris, huit proviseurs ayant refusé de communiquer les noms des grévistes à leur hiérarchie seront immédiatement suspendus. “C'est une politique de pression et d'arbitraire qu'applique la tutelle, par le biais de la Direction de l'éducation pour briser ce mouvement suivi à 90%. Sinon, comment expliquer la convocation d'un tel et pas d'un autre !” Et de donner l'exemple de cette femme professeur au lycée El-Houria qui, il y a à peine quelques jours, était honorée pour son mérite et son abnégation à l'occasion de la Journée de l'enseignant, célébrée le 5 octobre. Cette même personne s'est retrouvée, hier, devant le juge et dans le box des accusés. Après près de deux heures de délibérations, la chambre administrative déclare son incompétence juridique dans cette affaire et l'irrecevabilité de deux dossiers sur les 45. Avec l'annonce de ce verdict, des youyous fusèrent de partout et la liesse s'empara de tous les visages. “Une première manche remportée dans notre combat”, nous dira-t-on. Et “le débrayage se poursuivra jusqu'à satisfaction des trois doléances”, dont l'augmentation salariale à 100% et l'avancement de l'âge de la retraite. NAIMA DJEKHAR AIN TEMOUCHENT La Solidarité fait tache d'huile La wilaya de Aïn Témouchent n'a pas été en reste quant au mouvement de protestation des enseignants du secondaire déclenché depuis quelques jours par le Cla. En effet, ayant appris les dernières mesures prises à l'encontre des dizaines de PES à travers une bonne majorité des lycées du pays, leurs collègues des établissements secondaires, à l'image des lycées Cheikh-El-Bachir El-Ibrahimi, Maghni-Sandi-Fatma, Maliha-Hamidou du chef-lieu de wilaya, ainsi que des lycées techniques et Abou-Dher-El-Gheffari de Hammam-Bouhadjar viennent de décider d'apporter leur soutien à ce vague mouvement de protestation et ce, en décidant de déclencher une grève illimitée à compter de samedi dernier. En fait, certains établissements scolaires sont carrément paralysés, puisque les élèves ont été renvoyés chez eux et les enseignants se sont contentés de se réunir dans les salles des profs tout en restant à l'écoute des nouvelles qui parviennent du CLA. Cependant, certains professeurs du secondaire, par crainte de représailles de la part de la direction de tutelle et ce, en raison de leurs antécédents, car sanctionnés auparavant, n'ont pas jugé utile de suivre leurs collègues grévistes. Une telle décision personnelle a partagé le personnel dont une partie s'est dit comprendre ce choix, alors que l'autre, soit une bonne majorité, non convaincue de cet argument, a émis des réserves et souhaite que l'ensemble des enseignants rejoigne le mouvement considéré comme l'unique action pour réhabiliter leurs collègues suspendus. En tout état de cause, les professeurs semblent déterminés à ne pas céder devant les pressions en tous genres. A. ABDERREZAK SOUK-AHRAS Ca se Gâte ! Le bras de fer continue entre les enseignants grévistes et le ministère de tutelle avec, cette fois, des mesures dites dissuasives, prises à l'encontre des coordinateurs du Cnapest et des professeurs qui ont adhéré au mouvement. Neuf enseignants ont été suspendus, d'autres ont été convoqués et entendus par la police, d'autres encore ont reçu des mises en demeure pour reprendre le travail, assorties de sanction en cas de refus. Ces mesures censées casser la grève ou du moins la faire fléchir ont produit l'effet contraire. En effet, samedi dernier, c'est la quasi-totalité des lycées de Souk-Ahras qui était paralysée et le mouvement va crescendo, puisqu'il est très probable que les enseignants des cycles d'enseignement primaire et moyen basculent du côté des grévistes. Certains professeurs qui, au départ, ne se sentaient pas concernés par la grève ont, hier, rejoint leurs pairs avec lesquels ils se sont solidarisés. Reste seulement le technicum Abou-Mouhadjer-Dinar où certains enseignants continuent à travailler, mais hués par leurs collègues et chahutés même par leurs propres élèves. “Ils sont libres de faire ce qu'ils veulent, nous lance un enseignant, nous les laissons avec leur conscience !” Dans la rue, les parents d'élèves pestent contre cette situation accusant enseignants et tutelle de prendre leurs enfants en otages et d'hypothéquer leur avenir. “Mais, qu'est-ce que ça coûte de recevoir les représentants des grévistes et de discuter avec eux ? Pourquoi les responsables du secteur ne font-ils rien pour calmer les esprits ? Cette manière de faire peut mener à la confrontation et l'Algérie a assez de problèmes pour s'en inventer d'autres.” Les élèves, eux, continuent à faire le va-et-vient entre le lycée et leur domicile espérant, à chaque fois, la reprise des cours. Apparemment, les choses se dégradent et à la répression, les grévistes répondent par un durcissement de leur position. Un dialogue de sourds qui peut aboutir à une catastrophe nationale. Imaginons une année blanche et ses répercussions sur tous les cycles de l'enseignement. M. Rahmani