Dans le monde occidental, capitaliste, c�est bien l�Europe qui repr�sente le mod�le le �plus social� puisqu�ici, en effet, les luttes ouvri�res ont impr�gn� � l��conomie de march� des traditions de �solidarit� sociale et c�est bien dans le Vieux Continent qu�est n� et s�est d�velopp� l�Etat-providence, cet Etat garant d�une certaine protection sociale qui att�nue quelque peu les d�g�ts sociaux que charrie l�accumulation capitaliste. Aujourd�hui, il est incontestable que le mod�le social europ�en est en crise. Partout en Europe en effet, � l�exception de la Su�de et, � un degr� moindre, du Danemark, les d�bats vont bon train sur les difficult�s de plus en plus importantes du syst�me g�n�reux de protection sociale. Partout en Europe les r�formes de la s�curit� sociale et du syst�me de retraite sont � l�ordre du jour de m�me que des approches nouvelles de la gestion du ch�mage sont d�battues qui appellent � la fin de �l�assistanat�, en fait la fin de la solidarit� de ceux qui travaillent avec ceux qui ne travaillent pas. Dans l�ensemble des pays europ�ens se pose de mani�re de plus en plus aigu� le probl�me du financement de la protection sociale. Le pacte de stabilit� qui fixe aux gouvernements des pays de l�Union europ�enne un d�ficit public plafonn� � 3% du PIB est de moins en moins respect�, d�abord par les pays fondateurs eux-m�mes, la France et l�Allemagne. Et ce n�est pas un hasard si ce sont les Fran�ais et les Danois qui ont vot� non au projet de Constitution europ�enne qu�ils trouvaient trop lib�ral. La mondialisation lib�rale de l��conomie, fond�e sur la comp�tition et la comp�titivit�, a fait red�couvrir aux diff�rents gouvernements europ�ens que l�efficacit� �conomique a un co�t social et de nouvelles notions sont apparues comme pour montrer que l��conomique et le social doivent continuer � vivre ensemble, � �tre compatibles m�me dans un contexte ouvert et concurrentiel. Ainsi en est-il des nouvelles notions de �lib�ralisme social�, de �social �conomie� ou encore le retour � la vieille notion que l�on doit aux premiers sociaux-d�mocrates allemands : �l��conomie sociale de march�. L�Etat-providence est en crise et les �conomistes lib�raux, repr�sentants de la pens�e dominante, expliquent cette crise par l�incompatibilit� devenue, selon eux, irr�conciliable, entre l�objectif de croissance �conomique et celui de solidarit� sociale. Ce n�est qu�en diminuant les d�penses publiques de solidarit� et autres transferts sociaux que l�on pourra consacrer plus d�argent � une politique de l�offre, c�est-�-dire au soutien de l�entreprise foyer principal de fabrication de la croissance et de cr�ation d�emplois. Et l�emploi est bien le premier droit social. Un cercle vertueux se met alors en place : moins de ch�meurs, plus de consommateurs, plus de demande, plus de march� et la croissance �conomique est alors tir�e vers le haut. Pour pouvoir distribuer et redistribuer la richesse cr��e, les fruits de la croissance, il faut d�abord fabriquer celle-ci, il faudrait produire plus et mieux. Rappelons-nous : ce langage �tait aussi celui de nos �conomistes officiels au d�but de la premi�re mandature de Bouteflika. Face aux lib�raux, les sociaux-d�mocrates, plus sensibles � la croissance dans la solidarit�, r�torquent que ce n�est pas au moment o� les individus ont le plus besoin des autres qu�on les livre � eux-m�mes. Les promesses des lendemains qui chantent ne peuvent apaiser les souffrances et les inqui�tudes des exclus ni m�me d�ailleurs de ceux qui ont un emploi, ces �travailleurs pauvres� de plus en plus nombreux. On ne peut donc faire de la r�duction des d�penses publiques et des transferts sociaux une politique �conomique de sortie de crise. La menace de crise politique resterait alors enti�re et hypoth�querait tout programme �conomique de relance. Ce d�bat � l�ordre du jour aujourd�hui en Europe et dans lequel la gauche a pris de s�rieux retards et ne cesse de perdre du terrain faute de renouvellement de ses paradigmes, a bien �videmment toute sa place pour la compr�hension de nos probl�mes �conomiques. Il est vrai que chez nous le d�bat sur la croissance et sur l�entreprise se situe plus en amont que celui qui agite l�Europe. En Alg�rie, les principaux facteurs de non-croissance auxquels se heurte l�entreprise touchent plut�t au mauvais fonctionnement du syst�me �conomique, � la lourdeur de l�administration �conomique, � un- mode de financement de l��conomie d�suet et inefficient. Les causes de la croissance molle, c�est-�-dire cette croissance qui se situe en de�� des potentialit�s de l��conomie, sont d�abord l�. M�me si les charges qui p�sent sur l�entreprise m�ritent elles aussi d�bat. Il faut cependant d�finitivement admettre que l�entreprise est brid�e d�abord par un mauvais climat des affaires. La cons�quence en est une faible cr�ation de valeur et une faible participation de nos entreprises au financement du syst�me de protection sociale. Tout cela est aggrav� par une importante fraude fiscale et un non-respect de la l�gislation sociale. En Alg�rie, il faut d�abord reconstruire le puzzle : r�habiliter l�entreprise et la culture d�entreprise, repenser le mode de r�gulation �conomique, faire respecter la �charte des obligations� qui p�sent sur tous les sujets �conomiques. Bref, remettre les choses � leur place pour que le d�bat sur la crise du mod�le social alg�rien puisse avoir lieu et surtout qu�il ait un sens.