Un brin d'appr�hension est l�gitime lorsque l'on conna�t la c�l�brit� d'un tel groupe. Ce sentiment est vite dissip� par la sympathie et la chaleur de Lotfi, guitariste et chanteur de Ra�na Ra�. Dans le bus flambant neuf, affr�t� par le minist�re de la culture, qui nous m�ne de Chlef vers T�n�s, nous en profitons pour cr�er une discussion � b�tons rompus avec les artistes. Mme Attar est une encyclop�die et on est subjugu� par l'�tendue de sa connaissance du patrimoine musical populaire de notre pays. Le cours magistral qu'elle nous ass�ne nous rend presque honteux de notre m�connaissance de la richesse culturelle de notre terroir. Est-ce la citadinit� ou l'influence de l'Europe qui nous a orient� vers Brel, Piaf ou Brassens. Qu'� cela ne tienne, il n'est jamais trop tard pour apprendre qu'A�cha la Beur a caus� pr�judice � Khaled comme Zina la fatale, avec ses grands yeux, et sa th�i�re pleine de menthe apport�e toute fra�che de l'oued, qui vient semer la discorde au sein de la famille. La m�me source nous fait savoir que Rimiti, Begga, Fad�la ont ouvert la voie et la voix � d'autres interpr�tes de ce style musical. Le mot ra� a �t� invent� par Ra�na Ra� et sa d�finition se trouve dans le dictionnaire Larousse. C'est ainsi que la po�sie populaire a �t� m�diatis�e par des chanteurs comme Wahby qui interpr�te El Khaldi. Nous arrivons au th��tre de verdure la t�te pleine des cymbales des fr�res Negli, leur tube Mraia et de Rachid qui a mis � la disposition des chanteurs son studio tr�s moderne. Lotfi nous lance des compliments auxquels nous sommes tr�s sensibles : �Les Blasers de Chlef ont �t� le meilleur groupe alg�rien au lendemain de l'ind�pendance et Abtal Chlef sont mes amis.� La balance prend du temps � se mettre en place. Mohamed se plaint d'un �cho au niveau de son clavecin et le jeune Fatah, dont l'humour est d�bordant, a un probl�me de retour avec sa derbouka. Rachid Briki, responsable de la tourn�e, repr�sentant le d�partement musique du minist�re, r�gle la guitare �lectrique avec des sonorit�s � la Deep Purple. Pendant ce temps, Mme Lotfi, � l'origine professeur de fran�ais, nous fait savoir qu'elle est l'auteur des chansons puis se d�sole de l'architecture du lieu, qui aurait d� avoir un cachet typiquement alg�rien. A pr�sent, le d�cor est plant�, et tous les ingr�dients sont r�unis pour une mission r�ussie. C'est le jeudi, les gens peuvent veiller surtout que la temp�rature est relativement cl�mente. M. Dahmani, repr�sentant la direction de la culture de Chlef, s'enquiert des moindres d�tails de la logistique, la s�curit� et l'ordre ne sont pas le moindre de ses soucis. Son calme olympien et sa disponibilit� sont � souligner. Lotfi, 45 ans de m�tier, entre dans une ar�ne surchauff�e et la corrida peut commencer dans un stade archicomble. Le public tente de ravir la vedette au groupe mais le chanteur ne se laisse pas d�border, il dompte sa guitare qui rend des sons gha�ta, gnaoui, chaoui, et on se prend � r�ver � Jimy Hendrix. Les succ�s sont repris en ch�ur : Zina, Ta�la, Akada, Lalla Fatima. Lotfi Attar est bon joueur, il laisse les jeunes entonner quelques couplets de ses chansons, pour bien s'impr�gner de leur totale adh�sion et s'assurer de leur boulimie de culture et de loisirs. Cheikh, habill� � la Manu Dibango, r�gle les d�bats avec son saxo, brillant de tout son cuivre, avec le batteur qui m�ne un rythme d'enfer. Tous ces petits enfants qui se tr�moussent bruyamment montrent � quel point il est urgent de mettre en place une politique culturelle � m�me d'assurer la rel�ve d'une si belle musique. La symbiose est parfaite, des �toiles et des cercles de lumi�res color�s balayent des spectateurs emball�s par l'ambiance et m�me le speaker qui tente d'intervenir n'arrive pas � s'imposer tellement la f�te est totale...