La loi du 20 f�vrier 2006 de pr�vention et de lutte contre la corruption (publi�e au Journal officiel du 8 mars 2006) est en tr�s net recul par rapport � la Convention des Nations unies contre la corruption. Les d�crets d�application de cette loi, sign�s le 22 novembre 2006 (publi�s au JO le m�me jour), s�inscrivent dans cette marche arri�re. Parmi ces textes, il y a le d�cret pr�sidentiel portant cr�ation de l'agence gouvernementale de pr�vention et de lutte contre la corruption : dix mois apr�s, cette agence, m�me s'il ne faut pas en attendre grand-chose, n'est toujours pas install�e. Que se passe-t-il au sommet de l'Etat et qui retarde cette installation ? Et pourtant au d�but de l'�t�, lors du Sommet du Nepad consacr� notamment au MAEP (M�canisme africain d'�valuation par les pairs), les officiels alg�riens tant dans leurs discours que dans leurs rapports ont fait croire que cette agence �tait effective et qu'elle activait ! Apr�s avoir dissous, en 2000, l�Observatoire national de surveillance et de pr�vention de la corruption (ONSPC), le chef de l�Etat alg�rien se ravise en 2005, � la lumi�re de la ratification de l�Uncac, en �voquant de nouveau � � travers la loi contre la corruption du 20 f�vrier 2006 � la cr�ation d�un organisme sp�cialis�, une sorte d�agence gouvernementale qui piloterait la lutte gouvernementale contre la corruption. En mars 1996, reprenant une promesse du programme �lectoral du chef de l�Etat de l��poque, le gouvernement annon�a l�installation d�un organisme charg� de la pr�vention de la corruption. Cette initiative �tait d�j� r�v�latrice � la fois de l�ampleur de la corruption en Alg�rie et de l��chec � voire de l�inertie � de la justice notamment, dans la lutte contre la corruption. En juillet 1996, l�Observatoire national de surveillance et de pr�vention de la corruption (ONSPC) fut cr�� par d�cret pr�sidentiel. Son rapport annuel ne fut jamais rendu public : le d�cret de cr�ation de l�observatoire ne le pr�voyait pas. Parall�lement � la mise en place de l�ONSPC, la campagne dite de lutte contre la corruption, men�e par le gouvernement en 1996 et 1997, reste l�une des pages les plus sombres de l�Alg�rie ind�pendante. Elle consista � jeter en prison plus de 2 000 cadres d�entreprises publiques. Au m�pris de la loi, le ministre de la Justice somma les magistrats de placer tous les suspects en d�tention pr�ventive. Plac� sous la tutelle directe du chef du gouvernement, cet organisme, un de plus (un de trop) devait rester confin� dans l�ombre douillette du pouvoir et ne fera plus du tout parler de lui jusqu�� sa dissolution le 12 mai 2000 au m�me titre que d�autres institutions consultatives, sous pr�texte que ces �excroissances de l�Etat, outre leur inutilit� et la dilution des responsabilit�s qu�elles entra�nent, se traduisent par des ponctions injustifi�es sur les ressources publiques�, ainsi que le d�clara officiellement le chef de l�Etat. Il est � craindre que nous nous retrouvions dans la m�me situation avec la cr�ation de �l�organe de pr�vention et de lutte contre la corruption� pr�vu dans la loi de pr�vention et de lutte contre la corruption : annonc� comme �tant �une autorit� administrative ind�pendante�, il est n�anmoins plac� sous la tutelle du pr�sident de la R�publique ; son rapport annuel n�est pas rendu public ; et sa composition, son organisation et les modalit�s de son fonctionnement seront d�finies par voie r�glementaire (d�cret du 22 novembre 2006). Ce que dit cette loi : �L�organe de pr�vention et de lutte contre la corruption est charg� notamment, de proposer une politique globale de pr�vention de la corruption consacrant les principes d�Etat de droit et refl�tant l�int�grit�, la transparence ainsi que la responsabilit� dans la gestion des affaires publiques et des biens publics ; de dispenser des conseils pour la pr�vention de la corruption � toute personne ou organisme public ou priv� et recommander des mesures, notamment d�ordre l�gislatif et r�glementaire, de pr�vention de la corruption ainsi que de coop�rer avec les secteurs concern�s, public et priv�, dans l��laboration des r�gles de d�ontologie ; d��laborer un processus permettant l��ducation et la sensibilisation des citoyens sur les effets n�fastes de la corruption ; de collecter, centraliser et exploiter toute information qui peut servir � d�tecter et � pr�venir les actes de corruption notamment, rechercher dans la l�gislation, les r�glements, les proc�dures et les pratiques administratives les facteurs de corruption afin de recommander des r�formes visant � les �liminer (�) ; de recueillir, p�riodiquement et sous r�serve de l�article 6 ,ci-dessus, les d�clarations l�gales de patrimoine des agents publics, d�examiner et d�exploiter les informations qu�elles contiennent et de veiller � leur conservation ; de recourir au minist�re public en vue de rassembler les preuves et de faire proc�der � des enqu�tes sur des faits de corruption�. Interdiction pour les citoyens de contacter l'agence ! L�affirmation de son ind�pendance est contredite dans le m�me texte, d�une part, par sa mise sous tutelle du pr�sident de la R�publique, et d�autre part, par la relation de d�pendance vis-�-vis du minist�re de la Justice : l�article 22 oblige cet �organe� � soumettre � ce minist�re les dossiers de corruption �ventuelle � soumettre aux tribunaux ! Alors que, pour rappel, dans les textes de feu l��Observatoire national de surveillance et de pr�vention de la corruption� (ONSPC) cr�� par le pr�sident Zeroual en 1996, cette contrainte de passer par le minist�re de la Justice pour saisir les tribunaux n�existait pas. M�me le rapport annuel de cet �organe� qui est remis au pr�sident de la R�publique n�est pas rendu public : la transparence et l�information du public ne sont pas des pr�occupations pour les auteurs de cette loi. Par ailleurs, les Alg�riens ne pourront pas directement s�adresser aux responsables de cet �organe�, contrairement � une disposition de la Convention des Nations unies qui encourage fortement cette relation directe des citoyens avec l�agence de lutte contre la corruption. Et enfin, situation cocasse et gravissime � propos de cet �organe�, les auteurs du d�cret pr�sidentiel le cr�ant ont oubli� de lui donner un nom ! Ils se sont content�s de le d�nommer �organe� (article 1er) avec un o minuscule. Ces dispositions sont tr�s �loign�es de ce que pr�voit la Convention des Nations unies de 2003 contre la corruption, convention ratifi�e part l'Alg�rie, dans son article 6 : �Chaque Etat-partie prend des mesures appropri�es pour veiller � ce que les organes de pr�vention de la corruption comp�tents mentionn�s dans la pr�sente convention soient connus du public et fait en sorte qu�ils soient accessibles, lorsqu�il y a lieu, pour que tous faits susceptibles d��tre consid�r�s comme constituant une infraction �tablie conform�ment � la pr�sente convention puissent leur �tre signal�s, y compris sous le couvert de l�anonymat�. L'ind�pendance de ces agences par rapport � l'Ex�cutif est aussi r�affirm�e par la Convention africaine de lutte contre la corruption, dans son article 5, �mettre en place, rendre op�rationnelles et renforcer des autorit�s ou agences nationales ind�pendantes charg�es de lutter contre la corruption�. Interrog�s par nos soins sur l'�norme retard enregistr� par l'installation de cette agence, des hauts fonctionnaires (sous le couvert de l�anonymat), n'ont pas su quoi nous r�pondre.