Finalement, �l�organe national de pr�vention et de lutte contre la corruption� � tel que pr�vu par la loi n�06-01 du 20 f�vrier 2006 relative � la pr�vention et � la lutte contre la corruption � ne verra pas le jour. 4 ann�es d�attente, 4 ann�es de retard et puis plus rien. Le chef de l�Etat en a d�cid� ainsi, qu�importe si c�est une disposition l�gislative, vot�e par le Parlement, et qu�une simple directive pr�sidentielle vient d�effacer. Ce qu�a confirm� le Premier ministre le 3 f�vrier 2010 : la mise en place d�un observatoire de lutte contre la corruption avant la fin du mois de mars prochain, � mission pr�ventive, et la cr�ation prochaine �d�une instance de lutte contre la corruption avec un pouvoir r�pressif�. Exit donc �l�organe national de pr�vention et de lutte contre la corruption�. Le pouvoir aurait pu y mettre les formes, s�expliquer davantage et annoncer une r�vision de la loi n�06-01 du 20 f�vrier 2006 relative � la pr�vention et � la lutte contre la corruption, r�vision qui comprendrait notamment un �clatement de �l�organe� en deux entit�s, l�une de pr�vention, l�autre de r�pression. Mais en fait, tout �a n�est que fuite en avant, nouvelle diversion, sursis suppl�mentaire et fausses solutions � de vrais probl�mes. Retour en arri�re de 1996 � 2010. L�Agence gouvernementale contre la corruption est en attente d�installation depuis la parution de la loi 06/01 du 20 f�vrier 2006 relative � la pr�vention et � la lutte contre la corruption, qui en a pr�vu la cr�ation : un retard de 4 ans et toujours pas d�installation ! Un des textes d�application de cette loi est le d�cret pr�sidentiel du 22 novembre 2006 qui fixe la composition, l�organisation et les modalit�s de fonctionnement de cet organe ; mais l� aussi, plus rien depuis. Cet �norme retard dans l�installation effective est l�absence de volont� politique de lutter contre la corruption, absence de plus en plus manifeste et qui n�est plus � confirmer. Les pouvoirs publics d�montrent tous les jours que c�est leur choix. Parmi les raisons de la non-installation de cet organe pourrait figurer le d�saccord sur le choix de ses 7 membres permanents dont son pr�sident. Chaque �puissant� du moment voudrait placer son homme pour mieux contr�ler cet organe et ne pas en �tre �victime�� Qu'est-ce qui emp�chait jusque-l� le chef de l'Etat de nommer les membres de l'agence gouvernementale de lutte contre la corruption ? L'installation effective de cette agence �tait tributaire de ces nominations. Visiblement, il ne semble pas y avoir de consensus au sommet de l'Etat pour le choix de ceux qui devaient animer cette agence. Il est vrai que trouver des commis de l�Etat incorruptibles est une t�che presque impossible, pour peu que le gouvernement veuille se donner la peine d�en chercher. �Le pouvoir absolu, corrompt absolument� (Montaigne). Par contre, les commis du pouvoir au sein de l�Ex�cutif actuel � mall�ables et corv�ables � merci � ne sont pas difficiles � d�nicher. 4 ans de retard d�j�, jour pour jour, sans que l�agence ait d�marr�, c�est �norme, alors que la grande corruption continue de faire des ravages au sein m�me des institutions de l�Etat. Pourquoi le gouvernement n�a cess� de retarder l�installation de cette agence ? Pour la petite histoire, nous avions pos� la question au chef de la d�l�gation alg�rienne � l�ambassadeur d�Alg�rie en Indon�sie � � la 2e Conf�rence des Etats-parties de la Convention des Nations unies contre la corruption qui s��tait tenue � Bali du 28 janvier au 1er f�vrier 2008. Sa r�ponse nous avait laiss� pantois : �Le gouvernement alg�rien a d�autres priorit�s � ! 2 ann�es plus tard, ce n�est toujours pas la priorit�, � telle enseigne que le pouvoir peut m�me se permettre de la supprimer : une agence mort-n�e. Qui au sein du pouvoir s�est oppos� � la mise en place de cette agence ? Qui en voulait ? Personne. Certains courants au niveau du pouvoir craignaient que l�Ex�cutif se serve de cet organe pour des r�glements de compte uniquement, � l�image de ce que fut la Cour des comptes � sa cr�ation en mars 1980, il y a 30 ans de cela. Pas de volont� politique de lutter contre la corruption, pas de consensus pour mettre en application la loi et les textes d�application qui en d�coulent. Les d�crets d�application de la loi du 20 f�vrier 2006 relative � la pr�vention et la lutte contre la corruption ont �t� sign�s le 22 novembre 2006 (publi�s au Journal officiel le m�me jour). Parmi ces textes, il y a le d�cret pr�sidentiel portant cr�ation de l'agence gouvernementale de pr�vention et de lutte contre la corruption. Que s�est-il pass� au sommet de l'Etat et qui a retard� cette installation ? Et pourtant, au d�but de l'�t� 2007, lors du Sommet du Nepad consacr� notamment au MAEP (M�canisme africain d'�valuation par les pairs), les officiels alg�riens tant dans leurs discours que dans leurs rapports avaient fait croire que cette agence �tait effective et qu'elle activait ! Apr�s avoir dissous en 2000 l�Observatoire national de surveillance et de pr�vention de la corruption (ONSPC), le chef de l�Etat se ravisait en 2005, � la lumi�re de la ratification par l�Alg�rie de la Convention des Nations unies de 2003 contre la corruption, en �voquant de nouveau � � travers la loi contre la corruption du 20 f�vrier 2006 � la cr�ation d�un organisme sp�cialis�, une sorte d�agence qui piloterait la lutte gouvernementale contre la corruption. Pour rappel, en mars 1996 � il y a 14 ans �, reprenant une promesse du programme �lectoral du chef de l�Etat de l��poque, le gouvernement annon�a l�installation d�un organisme charg� de la pr�vention de la corruption. Cette initiative �tait d�j� r�v�latrice � la fois de l�ampleur de la corruption en Alg�rie et de l��chec, voire de l�inertie de la justice, notamment dans la lutte contre la corruption. Dans l'ombre douillette du pouvoir En juillet 1996, l�ONSPC fut cr�� par d�cret du pr�sident Zeroual. Son rapport annuel ne fut jamais rendu public : le d�cret de cr�ation de l�observatoire ne le pr�voyait pas. Plac� sous la tutelle directe du chef du gouvernement, Ouyahia � l��poque, cet organisme, un de plus (un de trop), devait rester confin� dans l�ombre douillette du pouvoir et ne fera plus du tout parler de lui jusqu�� sa dissolution le 12 mai 2000 au m�me titre que d�autres institutions consultatives, sous pr�texte que ces �excroissances de l�Etat, outre leur inutilit� et la dilution des responsabilit�s qu�elles entra�nent, se traduisent par des ponctions injustifi�es sur les ressources publiques�, ainsi que le d�clara officiellement l�actuel chef de l�Etat. En ce d�but de l�ann�e 2010, nous nous retrouvons dans la m�me situation avec la cr�ation de �l�organe de pr�vention et de lutte contre la corruption� pr�vu dans la loi cit�e plus haut : annonc� comme �tant �une autorit� administrative ind�pendante�, il est n�anmoins plac� sous la tutelle du pr�sident de la R�publique ; son rapport annuel n�est pas rendu public non plus, comme du temps de l�ONSPC ; et sa composition, son organisation et les modalit�s de son fonctionnement seront d�finis par voie r�glementaire (d�cret du 22 novembre 2006). Un organe ind�pendant ou un instrument de chantage ? Ce que dit cette loi : �L�organe de pr�vention et de lutte contre la corruption est charg�, notamment, de proposer une politique globale de pr�vention de la corruption consacrant les principes d�Etat de droit et refl�tant l�int�grit�, la transparence ainsi que la responsabilit� dans la gestion des affaires publiques et des biens publics ; de dispenser des conseils pour la pr�vention de la corruption � toute personne ou organisme public ou priv� et recommander des mesures, notamment d�ordre l�gislatif et r�glementaire, de pr�vention de la corruption ainsi que de coop�rer avec les secteurs concern�s, public et priv�, dans l��laboration des r�gles de d�ontologie ; d��laborer un processus permettant l��ducation et la sensibilisation des citoyens sur les effets n�fastes de la corruption ; de collecter, centraliser et exploiter toute information qui peut servir � d�tecter et � pr�venir les actes de corruption notamment, rechercher dans la l�gislation les r�glements, les proc�dures et les pratiques administratives les facteurs de corruption afin de recommander des r�formes visant � les �liminer (�) ; de recueillir, p�riodiquement, et sous r�serve de l�article 6, les d�clarations l�gales de patrimoine des agents publics, d�examiner et d�exploiter les informations qu�elles contiennent et de veiller � leur conservation ; de recourir au minist�re public en vue de rassembler les preuves et de faire proc�der � des enqu�tes sur des faits de corruption �. Ambitieux programme pour cette agence qui ne verra jamais le jour ! Cachez-moi cet �organe� ! L�affirmation de l�ind�pendance de cette agence est contredite dans le m�me texte, d�une part, par sa mise sous tutelle du pr�sident de la R�publique, et d�autre part, par la relation de d�pendance vis-�-vis du minist�re de la Justice : l�article 22 oblige cet �organe� � soumettre � ce minist�re les dossiers de corruption �ventuelle � soumettre aux tribunaux ! Alors que, pour rappel, dans les textes de feu ONSPC, cette contrainte de passer par le minist�re de la Justice pour saisir les tribunaux n�existait pas. M�me le rapport annuel de cet �organe� qui est remis au pr�sident de la R�publique n�est pas rendu public : la transparence et l�information du public ne sont pas des pr�occupations pour les auteurs de cette loi. Par ailleurs, les Alg�riens ne pourront pas directement s�adresser aux responsables de cet �organe �, contrairement � une disposition de la Convention des Nations unies qui encourage fortement cette relation directe des citoyens avec l�agence de lutte contre la corruption. Ces dispositions sont tr�s �loign�es de ce que pr�voit la Convention des Nations unies de 2003 contre la corruption, notamment dans son article 6 : �Chaque Etat-partie prend des mesures appropri�es pour veiller � ce que les organes de pr�vention de la corruption comp�tents mentionn�s dans la pr�sente convention soient connus du public et fait en sorte qu�ils soient accessibles, lorsqu�il y a lieu, pour que tout fait susceptible d��tre consid�r� comme constituant une infraction �tablie conform�ment � la pr�sente convention puisse leur �tre signal�, y compris sous le couvert de l�anonymat.� L'ind�pendance de ces agences par rapport � l'ex�cutif est aussi r�affirm�e par la Convention africaine de lutte contre la corruption, ratifi�e par l�Alg�rie, dans son article 5, �mettre en place, rendre op�rationnelles et renforcer des autorit�s ou agences nationales ind�pendantes charg�es de lutter contre la corruption �. Le pouvoir a choisi de ne pas installer cette agence, 4 ann�es apr�s l�avoir cr��e dans la loi : c�est peut-�tre mieux ainsi, car elle n�aurait eu aucune ind�pendance et aurait eu tr�s peu de marge de man�uvre. Le pouvoir modifiera la loi du 20 f�vrier 2006, ce qui n�cessitera quelques longs mois, un nouveau sursis, un de plus, en attendant des jours moins �clabouss�s par les scandales de grande corruption et un peu de r�pit� Djilali Hadjadj � Pratiquer des br�ches dans le mur b�tonn� du silence La lutte contre la corruption est avant tout politique. Information, transparence, contr�le, r�forme, participation populaire, citoyennet� sont les ma�tres- mots d'une avanc�e n�cessaire qui se d�clinerait en libert�s � conqu�rir, en responsabilit�s � prendre, en ouvertures du pouvoir � d'autres secteurs de la soci�t�. Il faudrait pratiquer des br�ches dans le mur b�tonn� du silence, red�finir la loi pour ramener les institutions pr�s du peuple, casser les monopoles politiques, militaires et �conomiques pour donner � cette soci�t� la possibilit� de se battre pour elle-m�me et de devenir une soci�t� de citoyens et enfin, d�structurer les r�seaux de la corruption, mais la justice est compl�tement inf�od�e au pouvoir. Depuis plusieurs ann�es maintenant, les pouvoirs publics et ses officines en tous genres se distinguent par une r�pression tous azimuts � l'encontre des associations et des syndicats autonomes, contre les �diteurs de presse et les journalistes ind�pendants, contre l'opposition, contre les populations qui se r�voltent � juste titre contre toutes sortes d'injustices. Les libert�s s'amenuisent de plus en plus, et le pouvoir ne recule devant rien pour arriver � ses fins. M�me le tr�s peu reluisant r�seau Internet � co�teux pour les usagers et tr�s difficile d'acc�s � n'�chappera pas � cette r�pression et � ces interdictions : il sera encore beaucoup plus contr�l� et musel� par le pouvoir ! La loi de 1990 sur les associations � positive au demeurant �, non respect�e et viol�e depuis par tous les gouvernements qui se sont succ�d�s, n'�chappera pas aux pratiques sc�l�rates du pouvoir : l'Ex�cutif est en train de lui substituer une loi liberticide pilot�e par ses �polices politiques�. Le foss� se creuse de plus en plus entre le pouvoir et l'�crasante majorit� des Alg�riens qui semble d�cid�e � prendre en charge son destin. Les conditions d'un sursaut pour arr�ter le pillage et faire cesser toutes les violences sont-elles r�unies ? La soci�t� dans son ensemble a-t-elle suffisamment conscience de l'ampleur de la corruption qui s'apparente � une mise � sac du pays, hypoth�quant la perspective de d�veloppement ? L'avenir nous le dira.