Je ne vais pas en tirer grand-chose, mais je n�ai d�autre choix que de gager mes bijoux pour passer sidna ramadan�, nous confiait hier en fin de matin�e la vieille Zhor qui s�appr�tait, en m�me temps que nous, � entrer dans la vieille b�tisse, si�ge de l�agence BDL de Ruisseau sp�cialis�e dans le pr�t sur gages. �Il est 11h et il n�y a pas foule � l�entr�e, ni devant le bureau d�orientation, ni dans la grande salle d�attente. Une dizaine de femmes tout au plus attendent patiemment leur tour pour accomplir les formalit�s leur permettant de d�poser leurs bijoux en or en contrepartie d�une certaine somme d�argent, souvent d�risoire si l�on se r�f�re � la moue d�sabus�e d�une quinquag�naire qui se demande � haute voix ce qu�elle va faire des 7 000 DA que l�on vient de lui pr�ter. Elle pensait que les bijoux qu�elle poss�dait et qu�elle a ch�rement pay�s allaient lui rapporter beaucoup plus. Elle est m�dus�e et ne fait rien pour cacher ce d�sarroi qui suscite la compassion de toutes celles qui l�entourent. �Qu�est-ce que tu pensais ? Le gramme d�or est � 500 DA, ton bracelet ne p�se pas lourd��, commente, sans demander la permission, une femme qui semble �tre une habitu�e des lieux et tr�s au fait du cours officiel et parall�le du prix du gramme d�or. Elle se permet m�me de donner des conseils quant au moyen de tirer le meilleur profit d�un bijou dont on peut se passer. �Il vaut mieux le vendre � l�ext�rieur�. �, conseille cette r�sidante d�El Madania qui ne voit aucune g�ne � raconter une partie de sa vie et ce qu�il l�am�ne � �d�poser� ses bijoux � la banque. �Je le fais chaque ann�e pour faire face au Ramadan, � la rentr�e scolaire et aux f�tes de l�A�d�, pr�cise cette jeune femme qui use de son accent alg�rois pour marquer son origine et expliquer comment, par la suite, elle se serre la ceinture pour r�cup�rer ses bijoux avant l��t�. En fait, il n�est pas question pour cette Alg�roise d�aller aux mariages sans sa �quincaillerie�. Comme pour la plupart de ceux et celles que nous avons rencontr�s hier � proximit� et aux alentours du si�ge de la BDL de Oued Kniss, elle peste contre la chert� de la vie et la passivit� de ses compatriotes qui supportent l�augmentation vertigineuse des prix des produits de premi�re n�cessit�. �La pomme de terre plus ch�re que les bananes ! Qui l�aurait cru ?� S�ensuit toute une rh�torique sur le temps o� il faisait bon vivre � Alger m�me si �on n�en avait pas les moyens�. Combien de tranches de vie raconterait le mur de la fa�ade du si�ge de la BDL s�il venait � parler ? Des milliers sans doute si l�on en juge par le nombre de citoyennes qui, chaque jour, se rendent � l�agence du pr�t sur gage. Impossible d�avoir une estimation quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle. Les fonctionnaires de ladite agence se montrent intransigeants et exigent de nous une autorisation �crite d�un des directeurs de la Banque de d�veloppement agricole (BDL) dont le si�ge de la direction g�n�rale se trouve � El Achour. En �off�, on nous apprend que l�affluence atteint son pic la semaine qui pr�c�de le d�but du mois sacr�, et la veille de l�A�d. La rentr�e scolaire est aussi un motif de demande de pr�t sur gages. �De plus en plus de familles, m�me si plusieurs membres travaillent, ont du mal � joindre les deux bouts�. L� aussi, c�est toute une digression que l�on sert pour commenter la chert� de la vie et la pauvret� qui touchent de plus en plus d�Alg�riens. Une dissertation qui inspire les �delallate� qui vous apostrophent d�s que vous approchez le si�ge de la banque pour vous proposer de vous vendre ou vous acheter votre or. C�est qu�elles ont de l�exp�rience et savent rep�rer les personnes d�sesp�r�es. C�est le cas de Na�la, une secr�taire de direction qui n�arrive pas � contenir ses larmes quand elle apprend qu�elle ne peut pr�tendre � un pr�t puisque �ses bijoux ne sont pas poin�onn�s� et qu�il ne lui reste plus qu�� les vendre au prix de l�or cass�. Une catastrophe pour cette jeune maman qui n�a d�autre choix que de sacrifier ce qu�elle croyait �tre une fortune.