Il ne nous a pas suffi d��tre bons derniers en mati�re de climat des affaires, de transparence et d�int�grit� dans la gestion de l�argent public, de comp�titions sportives (internationales et r�gionales), de ch�mage et de productivit� du travail, de performances des universit�s � pour ne citer que les classements les plus r�cents. Il nous restait � �taler � la face du monde notre potentiel in�galable de violence et de destruction. Le 25 septembre dernier, la Banque mondiale rendait publique une derni�re nouveaut� : l�indice mondial de la paix (Global Peace Index). Cet indice r�sulte d�une �tude novatrice, unique en son genre, qui classe 121 pays en fonction de leur pacifisme, selon des crit�res � la fois internes et externes, avec l�intention avou�e d��tablir et de quantifier les liens entre la paix et le d�veloppement. Global Peace Index est un essai de mesure du pacifisme des r�gions et des nations, �tabli pour le magazine londonien de r�f�rence, The Economist, par un panel d�experts en mati�re de paix, issus pour l�essentiel du Centre d��tudes pour la paix et les conflits de l�Universit� de Sydney CPCS (Australie). Lanc�e en mai dernier, l��tude est la premi�re du genre � classer des pays selon le degr� de paix qui y r�gne. Elle a �t� inspir�e par l�homme d�affaires australien Steve Killelea et approuv�e par des personnalit�s religieuses, comme le dala�-lama et l'archev�que Desmond Tutu, et politiques dont l'ancien pr�sident US Jimmy Carter. Les membres de l��quipe de recherche ont mesur� la paix en ramassant une batterie de 24 indicateurs regroupant, notamment, les standards de la Banque mondiale, d�Amnesty International, du Programme de collecte de donn�es sur les conflits de l'universit� su�doise d'Uppsala (UCDP), de l'Institut international pour la publication d��tudes strat�giques de Londres (IISS) (il est l�auteur de The Military 2007), l�Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) (auteur de Arms Transfers Database, une base de donn�es sur la circulation des armes). La moyenne agr�g�e de ces 24 indicateurs repose, entre autres, sur le nombre de guerres externes et internes, les victimes des conflits externes et internes, niveau de violence interne organis�e, les relations avec les pays voisins, le niveau de m�fiance entre citoyens, le nombre de personnes d�plac�es (en pourcentage de la population totale), l'instabilit� politique, le niveau de respect des droits de l'homme (balance politique de terreur), le potentiel d�action terroriste, le nombre d�homicides, le nombre de personnes emprisonn�es, les effectifs de police et agents de s�curit�, les d�penses militaires en pourcentage du PIB, le poids des forces arm�es, les importations et exportations d�armes conventionnelles, le d�ploiement des forces des Nations-Unies, etc. Outre les param�tres strictement militaires, l�indice inclut les �facteurs de la paix�, tels que les niveaux de d�mocratie et de transparence politique, l��ducation et le bien-�tre mat�riel, l�ouverture sur le plan international et les donn�es d�mographiques. A la d�finition �basique� de la paix (�tat de tranquillit� ou de calme comme l�absence d�agitation sociale et l��tat de s�curit� ou d�ordre dans une communaut� prot�g�e par la loi ou par la coutume), il a �t� int�gr� une s�rie de significations qualitatives comme le respect, la tol�rance, la s�curit�, l�absence de peur, d'oppression et de pauvret�. Un �ventail suffisamment large pour d�terminer le degr� de pacifisme d�un pays. Un exercice d�autant plus m�ritoire que les auteurs du rapport (et nous avec) sont convaincus que �lorsqu�un pays est en paix � lorsque ses habitants se sentent en s�curit� sur le plan physique et mat�riel � cette soci�t� prosp�re et son �conomie se d�veloppe�. Une belle paraphrase du vieil adage romain : �C�est dans la paix seulement que se d�veloppent le commerce et les villes.� Aussi passionnant soit-il, l�exercice donne des r�sultats qui ne surprennent personne. C�est la Norv�ge ( avec un indice de 1357), suivie par la Nouvelle-Z�lande (1363) et le Danemark (1377), qui est en t�te de liste. Isra�l (3033), le Soudan (3182) et l�Iraq (3437) sont class�s parmi les trois pays les moins pacifiques au monde sur un total de 121. L�Alg�rie est malheureusement � encore une fois � au bas de l��chelle mondiale : elle est 107e, avec un lourd potentiel de violence �valu� � 2503 points. Il est ainsi plus agr�able de vivre � Oman (22e), au Qatar (30e), en Tunisie (39e) ou au Kowe�t (46e) qu�� Alger. Loin de tout ang�lisme, les auteurs du rapport admettent que �la paix v�ritable n'existe pas et qu�elle n�a jamais exist� nulle part dans le monde. (�) C�est le plus grand d�fi de l�humanit�, et l�espoir d�y arriver a toujours coexist� avec les guerres et la violence�. Chaque syst�me s�cr�te, sous diverses formes, une certaine dose de violence ; elle affecte les rapports sociaux, le mode d�exercice de l�autorit� et du pouvoir, le fonctionnement des institutions, etc. Le niveau de civilisation des soci�t�s se mesure � leur capacit� � dompter la b�te, la civiliser, la soumettre � l�expression premi�re du dialogue, du compromis, des accords et des armistices sociaux. Chez nous, ces rapports s�articulent encore de fa�on primitive et vulgaire autour de la conqu�te, l�exercice et la conservation du pouvoir en vue, prioritairement, de la distribution de la rente p�troli�re. Ils participent � la formation d�une p�tro-dictature polici�re sans projet n�goci�. Si de l�avis quasi-unanime, il est plus recommand� de parler de r�gime policier, que de dictature militaire, la d�lation, et les all�geances qu�elle sugg�re, prend ici une signification particuli�re dans le mode d�encadrement de la soci�t�. A d�faut d�armistices sociaux durables, le champ socio-politique renvoie des images grotesques : les pr�pos�s � la fonction d�opposition font de la figuration alimentaire, boulimique, tandis que les cocus et les d��us du cirage de pompes sombrent dans l�aigreur et l�insulte. Il faut reconna�tre au pouvoir alg�rien la prouesse d�avoir r�ussi � anesth�sier le corps social et la soci�t� civile. Faute d�espaces de m�diation et de contre-pouvoir, le syst�me, une n�buleuse tapie derri�re un s�rail de tontons macoutes, est en guerre d�usure contre la soci�t�. Abus de pouvoir et de biens sociaux, d�ni de droit, rien n�est �pargn� pour venir � bout du moindre soup�on de r�sistance. On est encore loin de cette R�publique vertueuse, qui pour mieux g�rer l�imaginaire collectif et le renouveler, �pargne le vrai pouvoir des effets du galvaudage et de l�usure. Oui, le vrai capital du pouvoir, c�est sa raret�. Reste la peur, la conspiration, pour coopter vers le sacre des personnages inconsistants qui ont ass�ch� le pouvoir de sa dimension mystique. Le chef est, � tous les �tages de l�autorit�, un tombeur, un tueur. L�histoire est travers�e un instant furtif, sans m�moire, ni projet. Trois indices majeurs t�moignent du drame : primo, le livre a disparu et l�image est biais�e ; secundo, le discours de la raison et de la conviction a c�d� face � l�anath�me, l�invective, la haine, le crime et le suicide ; tertio, il n�y a aucun projet d�espoir, d�attente, d�avenir. Le pouvoir a d�autant plus besoin d��paisseur que les chocs en cours et � venir s�annoncent nombreux, soutenus et f�roces. Or, la riposte semble �tre hybride. L��tat des lieux dress� ici, pour dire que le �bonnet d��ne� qui nous est octroy� est largement m�rit�, peut para�tre s�v�re. La mise en perspective des solutions esquiss�es pour traiter le mal risque d�alourdir ce bilan. Ainsi en est-il du peu de place r�serv� � la justice dans le mode de solution des conflits � la faveur de la politique de r�conciliation nationale. Rejoignons encore une fois les auteurs du rapport pour dire qu�il �existe diff�rentes fa�ons de garantir la justice apr�s un conflit. Ces derni�res ann�es, des tribunaux internationaux et locaux ont �t� cr��s pour poursuivre les criminels de guerre. Ces cours et tribunaux renforcent la justice et servent de dissuasion aux m�faits, mais ils retardent aussi souvent le processus de paix. La peur des sanctions apr�s le conflit d�courage les bellig�rants � baisser les armes et � mettre fin au combat (�) Mais, m�me si ces mesures peuvent repr�senter une partie importante des n�gociations et des r�glements de paix, la paix durable peut souvent d�pendre de la punition des contrevenants et de l�indemnisation des victimes de guerre�. Tout le contraire de la voie emprunt�e chez nous. Il reste � s�int�resser de plus pr�s aux processus de s�dimentation indiquant qu�au-del� d�un certain seuil �ce n�est plus possible�. Que ce processus soit largement entam� ne fait plus l�ombre d�un doute. Il reste � conna�tre son co�t.