Comme tous les grands artistes, Athmane Ariouet avait un c�t� pr�monitoire. Tout le monde revoit avec un plaisir intact le film Carnaval fi dachra. Athmane Ariouet y joue avec un tel talent, il campe le personnage du maire avec tant de v�rit� et de naturel que nous en oublions que Benamar Bakhti en est le r�alisateur. Ce film reste pour nous celui de Ariouet et celui de l�illusion et de l�inconscience de celui qui ne mesure les choses de la vie publique qu�� l�aune de sa personne. Film d�lassant, film pour rire, film sans cons�quence ? Pas si s�r. J��tais loin, tr�s loin de croire que le personnage de Ariouet existait r�ellement. Jusqu�au jour� jusqu�� hier, plus pr�cis�ment. Je passe devant une permanence �lectorale d�un grand parti au pouvoir. Je ne pr�te pas tout de suite attention � la chanson qui s�en �chappe ; sauf qu�il ne s�agit pas exactement d�une chanson mais d�une voix qui d�clame du melhoun. J�aime le melhoun et j�essaye d�entendre les vers. Je les comprends tr�s vite et je suis sid�r�. Litt�ralement sid�r�. La voix d�clame un po�me � la gloire du candidat maire dans le plus pur style de la louange �prouv�e des diff�rents cultes de la personnalit� que vous avez pu conna�tre. De l�incroyable. Style : tes pareils sont rares� Toi seul nous conviens � la mairie� Avec toi la mairie va s��panouir, etc., etc. Je me demande ce que deviennent ses colistiers dans ce type de d�marche : des comparses, des seconds couteaux, des faire-valoir, une obligation l�gale, car, � ce jeu, il se pr�sente comme chef du quartier pas comme maire ? Cette d�marche est compl�tement antinomique avec la lettre et l�esprit de la d�marche d�mocratique. Vous comprenez que je me pose aussi la question sur son parti. Comment peut-il laisser son candidat maire se pr�senter en tant que soi, en tant que personne dont le programme �lectoral se r�duit � sa personne et � ses qualit�s ? Que devient l�-dedans la notion de parti dont les membres de la coalition pr�sidentielle nous rebattent les oreilles ? Bien s�r, j�en parle � des amis, je leur demande ce qu�ils en pensent. Ils rient. Ils rient de ma na�vet�. Ils m�apprennent que ces chansons et ces louanges au candidat sont monnaie courante, que c�est presque normal dans un pays o� il reste tant d�analphab�tes, que les plus riches payent des orchestres et des paroliers. Bref, l�important pour les candidats est de se battre autour de leur personne pas d�un programme ou d�une id�e. Je mesure les d�g�ts du culte de la personnalit� du pr�sident. Ainsi, c�est devenu un mod�le g�n�ral. Ariouet a-t-il compris avant nous tous comme cela arrive aux grands artistes comme Dahmane El-Harrachi ou Kamel Messaoudi ? Je suis enclin � le penser et broyer du noir devant la d�g�n�rescence de la pens�e et de la conduite politique. A verser au triste bilan d�j� si lourd de ce pouvoir.