Mohamed Moulessehoul, alias Yasmina Khadra, a �t� install� mardi par M. Missoum Sbih, ambassadeur d�Alg�rie en France, dans ses nouvelles fonctions de directeur du Centre culturel alg�rien � Paris. Pour mettre en �uvre quelles politiques pour cette institution moribonde ? Pour y faire quoi ? Quelles orientations lui a-t-on donn�es ? A-t-il une feuille de route ? A ces questions, le nouveau directeur r�pond qu�il a �t� nomm� par le chef de l�Etat et pr�cise : �Ma rencontre avec le pr�sident a �t� tr�s br�ve mais je sais que derri�re cela il y a une confiance. C�est la premi�re fois, depuis que l�Alg�rie est ind�pendante, que l�on confie quelque chose � un �crivain qui n�est pas du s�rail. Je sais et suis certain que le pr�sident a confiance en moi et moi je sais qu�au fond de moi-m�me j�ai la possibilit� de travailler autour de cette confiance.� �Yasmina Khadra est toujours l� o� on ne l�attend pas.� A cette citation d�un journaliste de RFI reprise par l�ambassadeur dans son allocution de mise en place officielle et de bienvenue au nouveau directeur du centre, ce dernier r�pond : �Moi-m�me je suis �tonn� quelquefois de me retrouver l� o� on ne m�attend pas.� Mais au-del� de l�acceptation tr�s �tonnante de ce poste par l��crivain, consid�r� jusque-l� comme �lectron libre de la profession, comment envisage-t- il l�avenir ; quelle vision a-t-il de ses nouvelles fonctions et que devient dans cette perspective le talentueux �crivain Yasmina Khadra ? Survivra-t-il � Mohamed Moulessehoul, le nouveau directeur du centre ? A toutes ces questions que nous lui avons pos�es avec notre cons�ur d� El Watan, il nous r�pondra, non sans avoir cependant d�abord averti : �Oui, je r�ponds aux journalistes, s�ils ne vont pas travestir mes d�clarations !� C�est le comble pour une profession qui l�a toujours port� et mis en relief ses comp�tences litt�raires et relay� son combat d��crivain. ��a me co�te beaucoup d��tre dans ce centre : ma libert� de ton, je ne peux plus dire ce que je disais avant, je ne peux plus bouger comme avant, mais �tre l�, c�est pour le besoin de voir cette culture rena�tre. �Et de rappeler : �J�ai toujours dit que la solution alg�rienne, c�est la culture, tant que l�on n�a pas un peuple cultiv�, tant que le livre n�est pas consid�r� chez nous. Tant que la culture n�est pas aux premi�res loges, je pense que l�on ne pourra pas avancer.� Pour expliquer son accord pour ses nouvelles fonctions, Mohamed Moulessehoul pr�cisera : �Je suis l� pour aider les gens qui ont besoin de moi et qui veulent r�ellement aider � l�essor de cette culture. Je ne peux aller vers les gens qui ont des arri�re-pens�es, qui sont un peu complex�s ou qui ne semblent pas concern�s par l�Alg�rie.� Sa t�che ne va pas aller sans difficult�, dira-t-il, sachant qu�il �y a beaucoup de pr�jug�s, de clich�s, d��tiquettes coll�es sur le dos des gens�, et sachant aussi que �chaque fois qu�une t�te alg�rienne �merge, il faut qu�elle appartienne soit au diable soit � ses supp�ts et jamais � quelque chose de bien, jamais � quelque chose de g�n�reux�. C�est pourquoi le nouveau patron de l�unique endroit cens� �tre la vitrine culturelle alg�rienne en France et qui rappelle qu�apr�s ses passages en 2001 et 2002 au centre, il a �t� persona non grata dans ce lieu pendant cinq ans, il veut en faire, lui, le lieu o� tous les artistes alg�riens pourraient retrouver un peu leur Alg�rie. Il est justement l� pour essayer d�aider ceux qui ont perdu leur foi en la culture et � retrouver leurs ambitions et leurs espoirs perdus. Je suis, dit-t-il, encore �la preuve vivante que le talent alg�rien peut s�imposer qu�il soit exclu, qu�il soit marginalis�, qu�il soit diabolis� mais quand il est dans la sinc�rit�, il n�y a aucune force capable de le faire plier�. Lorsque l�on demande au nouveau directeur s�il a carte blanche pour concr�tiser sa vision de cette institution et quelle �tait cette vision, il nous r�pond : �Pour la carte blanche, je pense que le choix du pr�sident lui-m�me est indicatif. Pour moi la carte blanche ce sont les moyens de cette ambition. La carte blanche ne servirait � rien sans ces moyens. Les moyens en ressources humaines, en structures de fonctionnement me sont indispensables pour concr�tiser l�ambition pour ce centre et essayer de prouver � tous ceux qui nous ont class�s parmi les barbares et les r�trogrades, leur prouver que nous sommes autre chose que cela.� Mohamed Moulessehoul n�a pas, dit-il, de programme imm�diat. Pour l�instant, il va observer pendant un mois le fonctionnement du centre, voir o� sont ses points faibles et ses points forts, et il avisera alors sur ses axes de travail. �J�ai �t�, pr�cise-t-il encore, isol� pendant sept ans, tourn� vers mes livres et mon lectorat, mais parce que j�ai �t� isol�, je sais qu�il y a beaucoup d�artistes, d��crivains, de musiciens qui souffrent de cet ostracisme et peut-�tre que la premi�re des choses � faire c�est d��tre au service de ces gens-l� et de le leur dire�. Quant � savoir si Yasmina Khadra survivra aux nouvelles fonctions et si ces derni�res lui laisseront toute la libert� d��crire comme il l�a fait, il nous r�pondra : �C�est la plus grande question que je me suis pos�e. C�est venu au moment o� j��tais en train de finir mon prochain roman. Cela a tout chamboul�. En m�me temps, rappelle-t-il, �j��crivais pendant que j��tais soldat. Les livres que j�ai �cris et qui m�ont fait conna�tre, je les ai �cris alors que j��tais en plein dans le combat antiterroriste. Mais, s�il faut que j�abandonne ma litt�rature pour me consacrer � mettre en lumi�re d�autres �crivains alg�riens, d�autres artistes, il n�y a aucun probl�me. Mon bonheur est de voir les artistes alg�riens �clorent dans ce pays de n�gation�. Ceci dit, temp�re-t-il, �moi je souhaiterai faire cohabiter les deux ambitions, d�autant plus que le prochain roman s�inscrit dans la r�conciliation des Alg�riens�. Toute l��nigme de cette nomination est peut-�tre dans cette derni�re pr�cision. Il reste n�anmoins, que chacun, ici, attend pour voir si le nouveau directeur va donner l�impulsion et la libert� de ton, de cr�ation et de confrontation des id�es que l�on attend de quelqu�un que l�on conna�t sous le nom de Yasmina Khadra, autrement dit de celui qui ne nous semblait pas, jusque-l�, en phase avec la supercherie de la r�conciliation nationale et les retours en force des barbares qu�il a combattus autrefois arme et stylo � la main.