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Contribution
Lettre � la nation alg�rienne (2e partie) Par Ahc�ne Bouaouiche*
Publié dans Le Soir d'Algérie le 19 - 11 - 2007


A propos de l'�tat des lieux socio�conomique
Il n'est pas, � proprement parler, de l'objet de cette lettre d'�tablir un �tat des lieux exhaustif, encore moins de pr�senter un expos� analytique de l'�conomie nationale. Mon objectif �tant �vident, je me limiterai � n'�voquer, dans leurs g�n�ralit�s, que quelques donn�es socio�conomiques et politiques susceptibles d�empreindre n�gativement et d�infl�chir durablement le devenir de la nation.
Politique d�am�nagement ou de d�m�nagement du territoire national
80% de la population alg�rienne s'entassent dans une anarchie incivile sur 20% seulement du territoire national. Quelle qu'en soit la raison (rigueur du climat, aridit� du sol), cela est en soi une aberration due � l�absence d�une politique d'am�nagement du territoire national. Ainsi concentr�s � l'int�rieur de l'�troite bande encore plus ou moins verte, qui longe la M�diterran�e, ces Alg�riens tournent litt�ralement le dos � la profondeur de leur pays. Ils ont les yeux constamment riv�s, tant�t vers le nord lointain, tant�t vers l'est mythique, tant�t vers l'ouest l�gendaire, jamais vers le sud nourricier ; d'o�, pourtant, ils soutirent avantageusement l'essentiel de leur substance vitale et la presque-totalit� de leur prosp�rit�. Les autres 20% de la population vivent dans des conditions d'extr�me pr�carit�, �parpill�s, souvent isol�s, sur 80 % du territoire national. De cette partie, la plus riche du pays, qui leur sert plus de campement que de v�ritable r�sidence, ces populations d�sh�rit�es, dans l'ensemble, n'en tirent qu'un maigre avantage. Le d�s�quilibre flagrant entre un sud vaste et riche, habit� par une population peu nombreuse et d�munie, et un nord exigu et peu productif, peupl� par une population nombreuse et mieux nantie, donne de l'Alg�rie une image fragment�e, chaotique et injuste. De plus, dans une indiff�rence quasi-totale, des processus irr�versibles et insidieux d'appauvrissement g�n�ralis� menacent ces deux grandes r�gions de l'Alg�rie : le sous-sol du sud s'�puise et le sol du nord se d�sertifie, sans perspective de substitution alternative. Nul n'est besoin de poss�der des r�f�rences particuli�res en �cologie ou en politique d'am�nagement du territoire, pour savoir, par pragmatisme ou par simple intuition, que le respect de l'ordre et de l'harmonie imprim�s par la nature doit �tre le premier geste d'une entreprise d'occupation et d'am�nagement de l�espace territorial. Faute d'avoir respect� cette v�rit� premi�re, les gouvernants ont tol�r� que soient impitoyablement contrari�s : la nature, son ordre et son harmonie. Ils ont aussi, par une politique coupable, activement particip� � d�grader la physionomie et l'�tat du territoire national. L'am�nagement du territoire national est, plus qu'une politique, il est une culture et une science, dont les gouvernants alg�riens ne semblent pas vouloir s�impr�gner. La mani�re d'occuper l'espace alg�rien est le moindre de leur souci. Sans �tre exhaustives, quelques indications suffisent, sans doute, � s'en convaincre : occupation anarchique et d�solante de l'espace ; paysages encombr�s et d�figur�s ; les plaines proches des centres urbains et des grands axes routiers abim�es, horriblement agress�es par un b�tonnage sauvage et un d�boisement catastrophique ; zones rurales de l'arri�re-pays abandonn�es, livr�es � l'inculture et � l'�rosion ; urbanisation chaotique r�alis�e en d�pit de toutes les normes urbanistiques ; cit�e populaires con�ues selon une vision contrevenant � toutes les pr�occupations sociologiques d'urbanit� et de bon voisinage ; villes assi�g�es par une ruralisation intempestive, incontr�l�e et incontr�lable en l'�tat actuel d'un pouvoir politique d�ficient ; dominance d�une conception architecturale d'une inimaginable laideur ; panoramas en rupture d�sesp�rante d'avec le sens �l�mentaire de l'esth�tique. Le tout submerg� par une incroyable malpropret�.
Marasme �conomique et gouvernance politique
Ceux qui connaissent l'Alg�rie et fr�quentent les Alg�riens savent que le marasme �conomique et le malaise social actuel ne sont ni le corollaire d'une indigence de l'homme alg�rien, ni les effets d'une carence en ressources naturelles du pays. Toutes les calamit�s socio�conomiques �voqu�es dans ce document ne sont pas une fatalit�, mais la cons�quence directe de la mauvaise gouvernance caract�ris�e par l'�go�sme exacerb� conjugu� � une incomp�tence manifeste des gouvernements de l'Alg�rie. Les t�nors du syst�me politique en place et tous ceux qui ont des raisons malsaines de vouloir se disculper de toute implication coupable dans le d�sastre �conomique national, se complaisent ostensiblement � accuser tant�t la France vengeresse, tant�t l�Am�rique insolente, d'�tre les seules et v�ritables responsables de tous les d�boires des Alg�riens Lorsqu'elle est le fait de citoyens de bonne foi, la manie, qui consiste � toujours externaliser les causes endog�nes des d�boires nationaux, est en soi d�j� d�bilisante. Elle devient dangereusement perverse, lorsqu'elle est pratiqu�e comme simple subterfuge visant � culpabiliser des agents externes de malversations commises par des nationaux. Nonobstant toute consid�ration d'ordre moral, cette strat�gie, con�ue par certains esprits pernicieux ou seulement pusillanimes, est d'une extr�me nuisance, parce qu�� terme, elle finit par nous �ter toute intelligence saine et toute volont� courageuse de nous observer tels que nous sommes, de nous corriger, le cas �ch�ant, et d'�voluer ainsi normalement sans complexe d'aucune nature. S'�vertuer � externaliser la causalit� du malheur national, en usant d'arguments sp�cieux, revient aussi � d�culpabiliser les coupables locaux et � condamner la nation alg�rienne � ne jamais savoir identifier l'origine de ses souffrances, ni � pouvoir, par cons�quent, s'en gu�rir.
A l'origine de la chienlit socio�conomique
La gen�se du marasme �conomique actuel tire son origine premi�re de l'option de la politique �conomique d�cid�e, au printemps 1967, par le Conseil de la r�volution � � l'�poque, la plus haute instance politique � issue du coup d'Etat de juin 1965. Cette option d�duisait sa strat�gie de d�veloppement �conomique d'un ensemble de pr�suppos�s sp�culatifs vulgaris�s par la th�orie dite �industrie industrialisante �, elle pr�conisait la mise en �uvre volontariste d'infrastructures industrielles lourdes, dont les fonctions principales seraient d�induire, par des effets de synergie, un ample tissu industriel national int�gr�. Ce faisant, cette doctrine visait � faire �voluer rapidement la soci�t� rurale alg�rienne vers une soci�t� industrielle et � transformer l'agriculture vivri�re intensive en une agriculture industrielle extensive. Flairant l�aubaine providentielle, les gouvernants ont spontan�ment adh�r� � ce mod�le �conomique, parce que tout simplement sa mise en �uvre et son fonctionnement impliquaient un programme et un planning d'importations consid�rables et continues d'�quipements industriels. Or, qui dit importation, dit ipso facto : n�gociation de dessous de table, autrement dit de bakchichs � percevoir. D�j� � l��poque, toute importation �tait soumise � versement de commissions � ces Messieurs 10%, comme on les surnommait autrefois. Nous sommes aux origines premi�res de la corruption et de la faillite d'une �conomie �mergente, jamais vraiment construite. Par cons�quent, les causes de cette faillite ne sont pas � chercher au niveau des pr�suppos�es th�ories du mod�le �conomique, mais au niveau de la gestion malsaine de ce projet national d�industrialisation. Il faut reconna�tre que le concepteur de ce mod�le �conomique (en l�occurrence l��conomiste De Bernice) ne l'avait pas pos� en termes antinomiques, et/ou en option alternative avec l�agriculture, encore moins exig� de le mettre en �uvre en ruinant pr�alablement l'infrastructure agricole existante. Aussi n�est-il pas s�rieux de constamment diaboliser cette th�orie �conomique et de l�incriminer dans la causalit� de l��chec du d�veloppement �conomique de l�Alg�rie. Ce sont bien les Alg�riens � gouvernants et technostructure associ�s� qui ont, d�lib�r�ment et contre tout bon sens, rejet� l'option d'une politique de d�veloppement �conomique harmonieux, fond� sur une expansion optimale du potentiel agricole associ�e � un projet industriel national int�gr�. Il n'y avait aucune raison contraignante d'opposer radicalement une r�alit� agricole vitale existante � un projet industriel � r�aliser. Qu'ils n'aient pas opt� pour cette voie de d�veloppement harmonieux, qui avait toute la pertinence du monde, est aussi incompr�hensible que navrant. Dans la r�alit�, leur option malheureuse, outre qu'elle a hasard� le potentiel �conomique du pays, a eu pour autre effet d�sastreux d'ob�rer et pour longtemps la nation, en g�n�rant un surendettement, dont les services de la dette se sont av�r�s aussi on�reux et plus accablants encore que le capital principal � rembourser.
L'agriculture : un d�sastre programm�
L'infrastructure agricole h�rit�e de l'�re coloniale �tait incontestablement le plus beau fleuron de l'agriculture du Bassin m�diterran�en des ann�es 1970. Au lendemain de l'ind�pendance, toutes les conditions requises et favorables � un d�veloppement optimal d'une agriculture performante �taient r�unies : infrastructure et potentiel agricole appr�ciables, main-d'�uvre et techniciens hautement qualifi�s en arboriculture, en c�r�aliculture, en cultures mara�ch�res, en sylviculture et en d'autres activit�s annexes, disponibles sur le march� du travail agricole. Malheureusement, la promulgation h�tive portant autogestion des domaines agricoles, la nationalisation intempestive des terres, l'interventionnisme bureaucratique inconsid�r�, l'�pret� des convoitises de certains potentats locaux furent autant de facteurs malencontreux de d�sint�gration progressive de l'infrastructure agricole et d'une s�rieuse d�stabilisation du monde rural. En toute chose, et particuli�rement dans la gestion du patrimoine agricole, les gouvernants alg�riens ont atteint all�grement l'apog�e de la mauvaise gouvernance. Qu'ils n'aient pas admis que l'agriculture devait occuper, de fait, une position pr�pond�rante, dans l'�conomie nationale, �tait d�j� en soi une nullit� grave ; avoir tout mis en �uvre pour la saccager syst�matiquement, au point o� il ne subsiste aujourd'hui, du patrimoine agricole des ann�es 1970, rien de vraiment digne d'�tre mentionnable, est le comble de la nullit�. Quel type de patriotisme et quel genre de science guidaient ces hommes, dans leur obstination nuisible � vouloir implanter, � l'int�rieur de l'�troite bande verte, que poss�de le pays, l'ensemble de l'infrastructure industrielle, alors que de nombreux sites appropri�s existaient dans le vaste arri�re-pays ? Les objurgations citoyennes et les propositions scientifiquement argument�es, dans le sens d'un v�ritable �quilibre naturel et r�gional, n'ont pas eu raison de leur d�raison. Assur�ment, quand la d�raison habite l'esprit des gouvernants, elle alt�re leur entendement et ruine la nation qu'ils gouvernent. Ils ont fait pire qu'ab�mer la bande verte c�ti�re. En installant les cimenteries hautement polluantes au centre m�me des meilleurs, des plus beaux et des plus riches vergers d'agrumes et d'arbres fruitiers, autrement dit au c�ur m�me de l'arboriculture sensible, ils ont commis contre la nature un crime abject. En une seule d�cennie de f�brilit� industrialisante st�rile, puisque en finale, il n'y aura aucune v�ritable industrie, la terre a perdu sa substance nourrici�re et ses travailleurs leur savoir-faire et m�me leur raison d'exister. T�moignent de cela : la plaine de Annaba affreusement ravag�e et ses habitants gravement affect�s par les nuisances de la pollution ; la vall�e de Skikda, irr�m�diablement r�tr�cie, � cause d�une infrastructure qui n'a r�ellement aucune raison de se trouver l� o� elle est implant�e ; en t�moignent aussi : la plaine de la Mitidja amput�e de ses beaux vergers d'agrumes et de cl�mentines de Boufarik, de ses vignobles et du parfum des roseraies l�gendaires de Blida ; les vastes plaines d�Oran, autrefois prosp�res, aujourd'hui lamentablement �rod�es ; les belles oliveraies du Sig d�vast�es, les agrumes saccag�s et les vignobles mutil�s. De pays grand exportateur de nobles produits agricoles, l'Alg�rie est devenue un pays sinistr�, importateur de la quasi-totalit� des produits agricoles de tr�s large consommation. Il est r�confortant de savoir, qu'� ce jour et � ma connaissance, l'Alg�rie n'a pas eu encore � importer dans l'urgence et la pr�cipitation, qu'on lui conna�t, les quelques produits agricoles tels : les carottes, les navets, les aubergines, les herbes consommables, les salades vertes, les poivrons, les piments et les figues de Barbarie. Hormis ces produits, l�Alg�rie importe, sans aucune restriction, soit en frais, soit en conserves, tous les fruits et l�gumes cultiv�s sous d�autres cieux. Ces derniers temps, des voix officielles disent que l�Etat, � travers le Fonds national de d�veloppement agricole (FNDA), a consenti des moyens financiers importants au d�veloppement de l�agriculture. A la suite de cela, les autorit�s concern�es et les m�dias nationaux rapportent que les centaines de milliards allou�s � cet effet n�ont servi en r�alit� qu�� enrichir abusivement les �cornifleurs en qu�te permanente de subventions octroy�es � fonds perdu. Il faut savoir que le d�veloppement de l�agriculture exige en premier lieu que les zones rurales soient am�nag�es, �quip�es et surtout s�curis�es. Faute de cela, toutes les actions improvis�es ne serviraient � rien. Si je ne savais pas les gouvernants alg�riens d'un �go�sme d�mesur�, je dirais d'eux qu'ils sont d'une stupidit� abyssale, parce que, � avoir substitu� une aisance �ph�m�re et ruineuse � une richesse durable et prometteuse, ils n'ont r�ussi qu'� ruiner l'Alg�rie. En effet, ils ont, pour une illusion industrielle, sacrifi�, sans remords, une agriculture autrefois prosp�re. Il est d�sormais certain que la nation alg�rienne aura � p�tir longtemps et d'une fa�on drastique des incidences funestes de ces multiples entreprises de d�pr�dation de l�agriculture.
Une industrie automobile d�construite
Les deux performances dont les gouvernements alg�riens peuvent s'enorgueillir, � d�faut de pouvoir s'en bl�mer, sont : celle d'avoir, en un laps de temps, r�ussi � saborder le potentiel agricole national, qu'ils promettaient de dynamiser en le m�canisant, et celle d�avoir r�ussi � d�construire totalement l'industrie m�canique automobile, qu�ils se vantaient de vouloir d�velopper. Pour ceux qui l'ignorent, dans les ann�es 1970, l'Alg�rie avait le rare privil�ge de compter parmi le tr�s petit nombre de pays, en dehors de l�Europe, de l'Am�rique du Nord et du Japon, � avoir implant� sur son sol national un embryon d'industrie automobile. Ce n'�tait qu'une cha�ne de montage, appendice industriel de la r�gie Renault France.
Mais, quelle autre infrastructure industrielle poss�dent les nombreux pays qui, aujourd'hui, nous inondent de leurs voitures automobiles, que l'Alg�rie ne poss�dait pas, il y a de cela pr�s d'un demi-si�cle ? Cette infrastructure industrielle �tait en passe de devenir de facto le tout premier p�le de l'industrie m�canique automobile de l'Alg�rie ind�pendante. Or, une perspective aussi b�n�fique �conomiquement pour l'Alg�rie ne pouvait pas convenir aux int�r�ts personnels des gouvernants. Ainsi, dans les ann�es 1980, l'administration alg�rienne, pour, semblait-il, des raisons fiscales, ordonna la cessation d'activit� de Renault Alg�rie. Il n'est d'aucune utilit� � revenir sur la pol�mique engag�e � l'�poque entre l'administration alg�rienne et Renault Alg�rie. Retenons, seulement, qu'aucun contentieux s�rieux ne pouvait raisonnablement justifier le d�mant�lement de cette infrastructure strat�gique pour l'industrie m�canique alg�rienne. Il aurait �t� sage, intelligent et conforme aux int�r�ts de l'Alg�rie de la consolider, de la red�ployer au lieu de s'empresser de la d�construire � cause de quelques dinars hypoth�tiques. Une fois l'usine de montage Renault Alg�rie d�mantel�e, les autorit�s politiques alg�riennes se sont lanc�es fr�n�tiquement dans l'importation massive et anarchique de v�hicules automobiles de toutes marques et en provenance de tous pays. La politique de diversification des partenaires commerciaux, dont le principe suppos� �tait de se soustraire aux al�as li�s � un partenaire unique, n'�tait, en r�alit�, qu'une astuce imagin�e pour diversifier les sources de concussion. Cette importation diversifi�e, cens�e pr�server l'Alg�rie des inconv�nients de la d�pendance jug�e contraignante d'un seul fournisseur commercial, a eu, au contraire, pour effets n�fastes de mettre l'Alg�rie dans une d�pendance d�multipli�e, inextricable, anarchique et ing�rable. De plus, elle a �rig� le march� alg�rien en un v�ritable et horrible capharna�m o� s'entasse en d�sordre toute une panoplie de produits h�t�roclites indescriptibles, acquis souvent � des prix prohibitifs Il est � croire que les gouvernants alg�riens ont totalement perdu le sens de l'honneur, du patriotisme et des r�alit�s politiques nationales et mondiales, pour ne ressentir aucune honte au constat comparatif des progr�s spectaculaires enregistr�s par les pays �mergents et des r�gressions ahurissantes affich�es impudemment par l'Alg�rie, notamment dans les domaines o� celle-ci avait davantage de m�rites humains et d'atouts mat�riels. Incroyable qu'� ce niveau de r�gression globale, les gouvernants alg�riens ne semblent pas avoir encore atteint le summum de l'indignit� m�rit�e et le peuple alg�rien, celui de l'indignation justifi�e. Ironie du sort, quarante ans apr�s, Renault revient au Maghreb. Il d�cide d'implanter au Maroc une usine automobile et en Alg�rie, un entrep�t pour vente de pi�ces d�tach�es, usin�es au Maroc.
Humiliation pour les dirigeants alg�riens ?
Non point, car quelque part, il y a pour eux une gratification au passage. Quand le transport routier prime le ferroviaire. Il est inutile de souligner l'importance du transport ferroviaire dans la vie et dans l'�conomie d'une nation. Tout un chacun sait le r�le d�terminant jou� par le rail dans le d�veloppement des pays industrialis�s. Les prestations avantageuses li�es aux conditions de confort et de s�curit� en mati�re de transport des voyageurs et de co�ts comp�titifs pour l'acheminement des marchandises sont largement appr�ci�es pour en parler outre mesure. Ceci �tant et du simple point de vue du bon sens, il n'est pas possible de comprendre les raisons qui avaient incit� les gouvernants alg�riens � avoir tout � fait n�glig� ce mode de transport, sans d'ailleurs pour autant avoir s�rieusement d�velopp� le r�seau routier. Au lendemain de l'ind�pendance, l'Alg�rie poss�dait un r�seau ferroviaire de 6 300 kilom�tres non compris les embranchements et les lignes de chemins de fer sur route (CFRA) Le r�seau desservait pratiquement tous les centres urbains y compris certaines villes du sud. En 2007, selon ses propres sources, la Soci�t� nationale des transports ferroviaires (SNTF) n'en exploite plus que 3 500 km sur les 4 200 km qui subsistent encore. Le d�sint�r�t significatif pour le rail, dont le r�tr�cissement marqu� du r�seau ferr� en est la preuve �vidente, s'explique principalement par le fait patent que le ferroviaire, de par la sp�cificit� de ses �quipements et la robustesse de son mat�riel roulant, (une locomotive peut fonctionner au-del� d'une trentaine d'ann�es environ), n'est pas gros importateur, donc pas int�ressant pour les gouvernants motiv�s toujours et seulement par la pr�varication et les dessous de table. Ils ont, d�lib�r�ment, opt� pour le transport routier, donc pour l'importation massive de v�hicules de tout genre et de toute marque : source prodigieuse de bakchichs. Ils ont inond� le pays, alors m�me que ni l'Etat, ni la consistance de l'infrastructure routi�re ne le permettaient, l'infrastructure routi�re nationale, mis � part quelques am�liorations �parses, est demeur�e, un demi- si�cle durant, la m�me que celle h�rit�e de l'�re coloniale. Avec la densification extraordinairement amplifi�e de la circulation automobile, les routes fortement encombr�es et d�t�rior�es sont devenues inadapt�es et meurtri�res. Les Alg�riens en �ge de se souvenir, se souviennent s�rement de ces nombreuses aires de ferrailles diss�min�es � travers le pays, o� s'amoncelaient p�le-m�le des milliers d'�paves de v�hicules, encore relativement neufs. Ces v�hicules, vite transform�s en ferrailles, ayant pour la plupart appartenu aux soci�t�s nationales, avaient co�t�, aux contribuables alg�riens, des sommes fantastiques et rapport� aux gouvernants des fortunes mirobolantes. En Alg�rie, il est une v�rit� �tablie : gouverner, c'est d'abord pr�variquer et toujours pr�variquer.
La faillite de l'industrialisation et ses causes
Les discours �conomiques alg�riens foisonnent de concepts th�oriques import�s d'ailleurs. Tr�s souvent, pour ne pas dire toujours, ils ne conf�rent aux r�alit�s locales, auxquelles on les applique indistinctement, aucune signification pertinente. Ainsi en est-il de quelques notions g�n�rales, d'usage courant, telles que : productivit�, rentabilit�, rationalit� �conomique, gestion manag�riale, etc. Elles ne d�signent rien de vraiment distinctif des activit�s �conomiques alg�riennes �voquer, aujourd'hui, les notions de d�ficit, de rentabilit� et de productivit�, pour expliquer et justifier le bradage des unit�s industrielles, est tout simplement, pour le sens moral et pour l'intelligence nationale, une ineptie �conomique et une gabegie politique, parce que la politique hasardeuse qui a pr�sid� � leur projection et le surendettement financier, qui a concouru � leur r�alisation, ne pouvaient pas les pr�destiner � devenir productives et rentables. Dans les ann�es 1970, les technocrates au service du pouvoir politique, ignorant certainement que le d�veloppement par le recours � l'endettement ne peut �tre que le privil�ge des nations globalement nanties et particuli�rement productrices de richesses, soutenaient que les disponibilit�s de capitaux �trangers �taient des opportunit�s, qu'il serait anti-�conomique de ne pas capter pour financer des projets nationaux de d�veloppement virtuellement g�n�rateurs de prosp�rit�. Ils escomptaient que les produits g�n�r�s par l'emprunt ext�rieur exc�deraient, � moyen terme, les contraintes inh�rentes � ses obligations. Certains de ces technocrates pouss�rent l'affabulation jusqu'� pr�dire l'annulation, � long terme, de la dette ext�rieure, pour cause d�insolvabilit� �ventuelle. N�anmoins, cette th�orie sp�cieuse ne suffit pas � elle seule � justifier la fr�n�sie avec laquelle les oligarques de l'Etat alg�rien faisaient des appels r�p�titifs � l'endettement. Edward Goldsmith, prix Nobel alternatif et directeur du forum international de la mondialisation, fournit l'explication, lorsqu'il �crit, : �20 % de la somme pr�t�e s'envolent en ristournes � des politiciens et � des fonctionnaires.� Elles sont toutes d�risoires, voire parfois ridicules, les th�ories technocratiques, qui peinent � expliquer, � l'aide de rh�toriques sophistiqu�es, les r�alit�s pourtant simples de la fin malheureuse et catastrophique de la m�saventure de l'industrialisation � l�alg�rienne. Les faits, qui expliquent simplement le d�mant�lement et le bradage des unit�s industrielles, d�coulent tous de cette irr�fragable constatation : aucune des pr�visions optimistes annonc�es, dans les ann�es 1970, par la technostructure et le pouvoir politique, ne s'est r�alis�e, parce qu�en v�rit�, ils n�y croyaient � aucune d�entre elles et surtout parce que rien de s�rieux ne fut entrepris pour que ces promesses soient tenues. Quand les remboursements de la dette ext�rieure arriv�rent � �ch�ance, les �quipements �taient d�j� devenus quasiment obsol�tes et les unit�s industrielles n'�taient, pour la plupart, m�me pas entr�es en phase s�rieuse de production. L'ensemble du secteur industriel, hors hydrocarbures �tait d�clar� insolvable et in�ligible � toute forme de cr�dits bancaires ; l'Etat surendett� ne pouvait plus lui assurer ni le financement de fonctionnement encore moins celui des investissements. A une agriculture gravement d�sh�rit�e venait s'adjoindre une industrialisation en faillite totale. C��tait en ces temps de d�consid�ration g�n�rale que l'Alg�rie a entam� sa descente aux enfers, une descente vertigineuse, qui, h�las, ne semble pas vouloir se terminer. Les causes de la ruine de l'agriculture �taient, ai-je soutenu, d'ordre politique ; celles de la faillite de l'industrialisation l��taient �galement, le mode de gestion, aussi g�nial e�t-il �t� n'aurait eu aucun effet r�el sur l'in�luctabilit� de son �chec. Pour une technostructure, dont la vertu premi�re est de n'avoir jamais d'imagination cr�ative et pour des politiques v�reux et totalement insoucieux du devenir d'un secteur devenu peu attractif, du point de vue qui les int�resse, le d�mant�lement et le bradage � vil prix de cette infrastructure �taient devenus la seule issue imaginable. Toutes les actions qui ont accompagn� le d�mant�lement et le bradage opaque des entreprises, notamment celles du b�timent et des travaux publics, qui auraient d� �chapper � cette d�vastation, � savoir : les licenciements abusifs, les mises � la retraite anticip�e, les d�parts volontaires provoqu�s, ont suscit� une gravissime dissipation du savoir-faire national acquis � l'ouvrage. Le d�mant�lement inconsid�r� des entreprises nationales a aussi et surtout dramatiquement lamin� la confiance en soi des forces vives de la nation. Des g�n�rations de cadres et de travailleurs instruits dans des institutions de r�f�rence et form�s dans un environnement industriel et technologique de qualit� ont �t� cyniquement et pr�matur�ment expuls�es hors du monde du travail sans avoir eu le temps de transmettre leur savoir et leur savoir-faire aux jeunes g�n�rations. Aujourd'hui, les jeunes Alg�riens d�s�uvr�s sont insolemment vilipend�s et injustement accus�s de ne rien savoir faire par ceux-l� m�mes qui les ont r�duits � l�oisivet� et � la survie d'exp�dients dans un univers sans autre perspective que la morosit�. Il est navrant pour la nation et humiliant pour ses gouvernants que l'Alg�rie, autrefois laborieuse et inventive, soit, en moins d'un demi- si�cle d'ind�pendance, oblig�e de faire appel � la main �trang�re pour d'ordinaires travaux domestiques, comme : b�tir des maisons, construire des routes, mettre en place des canalisations d'eau potable, �vacuer les eaux us�es et les �gouts : tous ces m�mes travaux que l'humanit� savait faire bien avant la construction de la tour de Babel. Depuis bien longtemps, l'Alg�rie ne cesse de bruire inlassablement de discours r�currents o� il est question : de restructurations et de mises � niveau des entreprises, d'ouvertures de capitaux en direction du priv� national et international, de privatisations, de r�formes structurelles des banques et des entreprises, de relance de l'�conomie nationale, de partenariat synergique, d'investissements nationaux et internationaux, de plans d�ajustement pour am�liorer la production et la productivit�, de la r�gulation ma�tris�e des march�s, de l'enraiement imminent du ch�mage et de la pauvret�, des augmentations des salaires et des pensions de retraite � l'�tude avanc�e au niveau des structures comp�tentes, des r�serves de change en constante embellie, de la balance commerciale positive, des grands �quilibres macro et micro-�conomiques sous haute surveillance et, comme pour glorifier ce bruissement idyllique, on apprend, en apoth�ose, que l�Alg�rie vient de placer en lieu s�r, c'est-�-dire aux Etats-Unis d'Am�rique, 49 milliards de dollars am�ricains, soit un peu plus que la moiti� des r�serves de change. Si les �conomistes n'�taient pas trop �rudits et r�alistes par vocation professionnelle et si les politiques n'�taient pas trop artificieux et r�alistes par perversion politicienne, je leur aurais certainement, � propos du placement de ces 49 milliards de dollars am�ricains, pos� une triple question ; ou du moins, expos� une simple r�flexion, laquelle tient de la morale na�ve et du bon sens prosa�que, que des sciences financi�res. Cette triple question je la pose, en cette forme, � la nation souveraine : - le chef de l'Etat, f�t-il l�gitime, a-t-il le droit l�gal de g�rer � sa guise les finances de la nation et de permettre qu�une partie importante du tr�sor national soit plac�e dans une totale opacit� � l'�tranger, sans qu'aucune institution �lective de la R�publique ne soit consult�e et sans l�avis et la supervision d'un organe r�glementaire, l�galement mis en place par l�institution l�gislative pour assurer une telle mission ? - A quelle strat�gie financi�re et � quelle logique �conomique r�pond la fr�n�sie des gouvernants alg�riens � brader des richesses non renouvelables au profit de biens financiers th�sauris�s � l'�tranger, donc � terme volatils ? - Quel est donc le niveau de carence en imagination atteint par les gouvernants alg�riens et leur technocratie et � quel stade de d�g�n�rescence mentale ont-ils sombr�, pour oser s'octroyer une raison saugrenue d'expatrier 49 milliards de dollars am�ricains, au moment o� leur peuple survit p�niblement � la limite franchie de la norme humaine et dans des conditions mat�rielles et immat�rielles inqui�tantes ? Dans ce domaine de la pratique �conomique et financi�re, o� les pures sp�culations l�emportent souvent sur la raison scientifique, les �ventuelles r�ponses que peuvent fournir ces �conomistes et ces financiers ne peuvent s�rement tendre qu�� justifier les forfaitures des politiques auxquels ils sont assujettis. A l'�vidence, une nation pauvre de sa propre richesse est une nation dramatiquement mal gouvern�e.
A. B.
(A suivre)


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