En r�ponse aux all�gations de Salah Chikirou, directeur central � l�Agence nationale des �ditions et de la publicit� (Anep) et membre du comit� charg� de l�ex�cution du Salon international du livre d�Alger, lors de l�interview accord�e le 15 novembre dernier � notre journal, Boussad Ouadi a souhait� vivement r�agir et faire conna�tre au public la chronologie d�une affaire qui a rapidement pris les allures d�un scandale. Interdire et murer le stand d�un �diteur alg�rien au Salon international du livre d�Alger est peu banal et la reconstitution des faits et gestes de chacun des protagonistes de cette affaire est essentielle pour en appr�cier les retomb�es sur le futur du paysage �ditorial de l�Alg�rie de demain. Le Soir d�Alg�rie : Pourriez-vous nous donner votre version des faits concernant cette �affaire �? Boussad Ouadi : Lors de l�inauguration du Salon international du livre d�Alger par le pr�sident de la R�publique, j��tais avec Mohamed Benchicou � l�entr�e de la Safex. On nous a bloqu�, donc je n�ai pu acc�der � l�int�rieur du Salon. Ce que nous savons nous a �t� rapport� par Mina Talbi, ma repr�sentante commerciale. Sauf qu�� 16h40, je re�ois un appel de Sma�l Ameziane, le directeur g�n�ral de Casbah Editions, me demandant o� se trouvait mon stand. Il ne sait pas ce qui se passe. Il est sollicit� par une foule de curieux qui cherchaient le stand Inas. Une heure plus tard, j�apprends par Mme Talbi, qui avait fait circuler l�affiche annon�ant la sortie du livre de Benchicou aupr�s des journalistes, que les agents de la s�curit� de la Safex ont re�u l�ordre de fermer le stand des �ditions Inas. Ce communiqu� destin� uniquement � la presse a �t� distribu� pendant la visite du pr�sident de la R�publique. C�est effectivement ce qui a d�clench� la panique des membres du comit� d�organisation. Le lendemain, Salah Chikirou nous propose un compromis en promettant de rouvrir le stand pendant la journ�e. En fin de journ�e, rien n�avait �t� fait. Sur conseil du directeur de la Safex, je fais une lettre au pr�sident du comit� pour lui annoncer l�expo-vente du livre de Mohamed Benchicou que je remets le vendredi suivant. Il semblerait que cette lettre les ait rendu compl�tement fous parce qu�ils n�aiment pas les �crits bien s�r. En clair, quand a eu lieu la fermeture de votre stand et surtout dans quelles conditions ? Contrairement aux affirmations de M. Chikirou, la d�cision de fermer notre stand n�a pas �t� prise le lendemain de l�ouverture du Salon mais bel et bien lors de l�inauguration par le pr�sident. Notre stand a �t� mur� le 31 octobre � 18h30 avant m�me qu�un seul livre n�ait �t� mis en circulation. C�est � la vue du communiqu� de presse que cette d�cision a �t� prise par une autorit� qui n�a m�me pas pris la peine de nous la notifier. C�est une relation commerciale, il y a un contrat. C�est � notre demande insistante que nous avons �t� re�us le 1er novembre par Salah Chikirou qui �aurait obtenu un compromis �, selon ses dires, pour rouvrir notre stand � condition que je prenne l�engagement �crit que je ne mettrai pas en vente �le livre de Benchicou�. Quelle a �t� votre r�action face � cette d�cision ? Par lettre au comit� d�organisation, j�ai manifest� ma r�probation contre cette voie de fait arbitraire. J�ai demand� la r�ouverture de mon stand afin de permettre � Mohamed Benchicou de d�dicacer son livre comme tous les auteurs alg�riens. Dans l�apr�s-midi de ce triste 1er novembre, � combien symbolique, une nu�e de responsables de la Safex, de la police, de l�Anep, et que sais-je encore, se sont ru�s sur mes coll�gues pour leur arracher les livres et refermer pr�cipitamment, puis d�finitivement notre stand. Tout ceci, bien s�r, sans aucune notification officielle �crite. Quel sentiment nourrissez- vous vis-�-vis d�une organisation �partiale � qui r�gente chaque ann�e le plus grand �v�nement litt�raire � Alger ? Ce qui me r�volte c�est �les voleurs qui crient au voleur�. Une fable. On invente et on d�forme m�me la loi pour dire : �Ah ! vous �tes pris en flagrant d�lit !� Mais cette loi, vous n�en avez pas connaissance, elle n�a aucune l�gitimit� Il n�a jamais �t� demand� � un �diteur alg�rien de faire une liste de ses ouvrages pour �tre autoris� � exposer. Cela n�a jamais exist�. Personne n�en a eu connaissance auparavant. Si vous n�avez pas sign� au bas d�une r�glementation int�rieure �j�accepte ses conditions�, comment peut-on vous reprocher de ne pas les avoir respect�es. Depuis 1980, jamais un �diteur alg�rien n�a �t� soumis � fournir une autorisation. Cette liste compl�te vous aurait probablement �vit� tous ces tracas� Cette liste est un inventaire des ouvrages qu�il y avait avant. Ce livre ne pouvait pas y figurer puisqu�il n�existait pas dans l�inventaire. Moi, je ram�ne ce livre pour moi, s�il s��tait agi d�une liste pour autorisation, je ne l�aurais jamais fournie. Je ne permets pas � Salah Chikirou ou � qui que ce soit de m�autoriser ou pas � vendre les livres que j��dite. Je d�nie le droit � quiconque de me l�interdire. Mes livres je les mets en vente partout. Au nom de quoi pour le Sila cela ne serait pas le cas ? Si cela devait arriver, je n�y participerai pas. Pourtant si r�glementation il y a, vous devrez vous y soumettre comme les autres� Pourquoi vouloir vous d�marquer ? Ce que je dis ici est qu�il existe une r�glementation applicable uniquement aux exposants �trangers. Or, je ne suis ni japonais ni libanais, donc mes livres sont autoris�s � la vente dans toute l�Alg�rie. Le Libanais est soumis � une loi qui s�appelle le visa du minist�re de la Culture qui a �t� �dict�e par Habib Hamraoui Chawki lorsqu�il �tait ministre de la Culture. Un livre alg�rien ne peut �tre soumis � cette loi. Il peut �tre, en effet, interdit par la justice et par la police. Ou alors il est en circulation et l�, aucun fonctionnaire d�o� qu�il vienne n�a de l�gitimit� pour l�interdire sauf s�il se consid�re comme un auxiliaire de justice. S�il se consid�re comme un flic, l� d�accord, sinon, je ne reconnais d�autre autorit� que celle de la justice et de la police pour le reste, je prends mes responsabilit�s. Je vais devant le juge et on s�explique. C�est sur le fond que je remets en cause l�argument avanc� par Salah Chikirou. Avez-vous engag� une action en justice ? Oui. J�ai �t� soumis � une d�cision arbitraire. C�est un litige commercial. Un pr�judice moral et mat�riel qui m�a �t� caus�. C�est mon droit de citoyen et de professionnel d��tre pr�sent au Salon. On m�en a emp�ch�, je veux conna�tre la raison. Je demande r�paration du pr�judice financier et moral. Et c�est � ceux qui ont pris la d�cision de me r�pondre. C�est une aberration ! C�est comme si on vous faisait un proc�s, on vous pique votre argent et vous n�avez m�me pas un proc�s-verbal ni m�me un �crit. Vous ne savez m�me pas � qui vous avez affaire. Moi, j�ai pay� ce stand, on ne me l�a pas offert. Cet argent va o� ? A ce propos, pendant le Sila mon avocat a intent� une action en justice. L�affaire est en cours. Un huissier a constat� la fermeture du stand. Nous avons des preuves : des photos et le courrier que j�ai transmis au pr�sident du comit� d�organisation. Que reprochez-vous au comit� d�organisation du Sila pr�sid� par le patron de l�Anep ? Je d�nie � l�Anep le droit de r�genter ce Salon du livre. C�est un scandale. Tous les salons du monde sont organis�s par des professionnels. Qu�est-ce qu�on va inventer nous en plus ? M�me les Tunisiens qui sont sous la botte de Ben Ali, m�me les Marocains, on les laisse travailler. Dans la profession, c�est plus subtil parce qu�il y a des int�r�ts trop divergents. Dans la profession, il faut trouver des �quilibres pour que chacun puisse �tre ! Mais il faut que ces �quilibres se trouvent dans une organisation, une association o� tous les int�r�ts y sont. Or, il n�y a rien, il n�y a qu�eux. C�est le pouvoir politique. Vous croyez que c�est rendre un hommage � Abdelaziz Bouteflika en mettant ses pr�faces partout. De salir le nom du pr�sident en face de n�importe quel tar� qui �crit n�importe quoi. C�est une honte. On recule. C�est le retour � la R�publique banani�re. A l��poque de Houari Boumedi�ne, ils ne faisaient pas �a et �a ne se faisait pas. Ce sont des apparatchiks qui s�imaginent bien g�rer leurs carri�res parce qu�ils vont mettre le portrait de Abdelaziz Bouteflika. Que le pr�sident soit l�, honor�, c�est son r�le ! S�il y avait eu une organisation, le sc�nario aurait-il �t� autre ? C�est un salon commercial, culturel. Il y a l�int�r�t du libraire, celui de l��diteur, de l�imprimeur et celui de l�importateur. Il y a des guerres entre nous mais on trouve des terrains d�entente qui font que tout le monde est � peu pr�s satisfait. Et on fait valoir l��thique professionnelle, on fait se confronter des int�r�ts divergents pour arriver � une synergie. Pour conclure, quelle perspective offre cette �affaire� � l�exp�rience de la libert� d��criture en Alg�rie ? Enfin, cette exp�rience reste instructive � plus d�un titre et elle fera date dans les annales de l��dition alg�rienne. Il faudra m�diter sur le courage de cet homme injustement incarc�r� durant deux ans pour des motifs inavouables, � nouveau interdit de Salon du livre, toujours pour les m�mes motifs inavouables mais toutefois �dit� dans son pays librement et lu par des milliers d�Alg�riens qui s�arrachent son livre dans des s�ances de ventes-d�dicaces �mouvantes, durant lesquelles se m�lent de simples gens du peuple, des intellectuels, des hommes politiques qui se reconnaissent dans son combat pour la libert� d��crire et de dire librement ce que l�on pense, ce que l�on veut, dans le respect de toutes les opinions. Puisse cette exp�rience se renouveler et que se cr�ent un, deux, trois, plusieurs Benchicou� Propos recueillis par Sam H. [email protected]