�(�) Dans d�autres pays, le chef de l�Etat intervient sur-le-champ dans des situations moins tragiques, des ministres d�missionnent pour moins que cela et des sanctions tombent avant que le pire n�arrive (�)�(1). Qui s�exprime ainsi et � quel sujet ? Sa�d Sadi, l�auteur de cette philippique, parlait �videmment des violences intercommunautaires du M�zab, r�v�lant la concussion politicienne de l�administration dans la tournure dramatique que prirent les �v�nements. La finesse de son analyse et la pertinence des conclusions auxquelles il aboutit sont assur�ment graves pour le pouvoir. Au trouble moral et mat�riel du pays, elles (les conclusions) fournissent une �ni�me pellet�e de col�re. Le dirigeant du RCD ne s�est pas, cette fois-ci, content� de propos incantatoires (ce que parfois il lui fut reproch�), il a fait enqu�ter par les �lus de son parti aussi bien � Chlef qu�� Berriane pour �tayer sa d�monstration. Et ce qu�il dit � propos des ressorts cach�s de ces frondes � r�p�tition est hallucinant. En effet, il laisse entendre, au fil de ses explications, que le pouvoir �himself� ne serait pas tout � fait �tranger � l�apparition de tels brasiers ou, tout au moins, qu�il aurait laiss� se �balader� quelques allumettes. C�est, quelque part, ainsi que l�on peut d�crypter la formule sibylline rapport�e par les journalistes. Il aurait d�clar� qu�il n�excluait aucune hypoth�se et qu�en la circonstance (pr�sidentielle 2009), un tel �climat politique d�l�t�re annexe est propice � toutes les fraudes�. Un pouvoir politique artisan du chaos � des fins �lectoralistes ? C�est-�-dire qu�il ferme les yeux sur la pyromanie afin de se donner, a posteriori, le r�le de pompier exclusif quand tout deviendra ing�rable ? Terrible assertion qui, � partir d�a priori, diabolise pour la bonne cause un r�gime mais sans �tre s�re de rien, sinon, comme dans la l�gende du diable, que l�ultime ruse de celui-ci serait de �faire accroire qu�il n�existe pas�. C�est-�-dire n�y �tre pour rien. Ainsi le r�quisitoire, forc�ment allusif, de cet opposant nous am�ne � nouveau � nous interroger sur le sens � donner � l��thique en politique et aux lignes rouges qu�elle prescrit. Car dans ce domaine l�on a pris pour habitude de feindre l�ignorance de ce garde-fou. Les subtils distinguos entre le �dire� et le �faire�, �tant du domaine de la rh�torique des promesses et des bilans, que reste-t-il de temps � consacrer � la lic�it� des proc�d�s quand les r�sultats ne sont pas au rendez-vous et que les r�solutions initiales deviennent des fanfaronnades ? C�est alors que l�on a recours � la plus immorale des sentences m�me quand elle invoque le n�cessaire �r�alisme�. Tant il est vrai que la fin ne justifie pas n�importe quel moyen ! C�est � partir de la mani�re dont l�engagement en politique se con�oit que s��talonnent les scrupules des uns et des autres. Il y a ceux qui par leur rectitude empruntent le sens du bien public et les autres qui inclinent � la manipulation et ne rechignent pas � cultiver la stigmatisation. Les premiers valent par leur fardeau de sagesse quand les seconds ne sont reconnaissables que par les col�res sociales qu�ils inspirent. Vingt ans apr�s Octobre 1988 et presque dix ans sous une m�me f�rule, nous en sommes toujours l� � nous poser la m�me question. L�alternance dans l�acc�s aux privil�ges du pouvoir, qui rel�ve d�abord de la doctrine constitutionnelle, est certes n�cessaire mais elle n�est pas suffisante d�s lors qu�elle n�est pas explicitement encadr�e par des restrictions �thiques. Le devoir de v�rit�, dont s�affranchissent all�grement nos dirigeants, n�a-t-il pas contribu� au d�litement du tissu social et � l�effondrement progressif du sens identitaire ? C�est la somme des mensonges de l�appareil de l�Etat qui fait descendre dans la rue les gens quand ils se sentent flou�s. Et c�est aussi l�addition des injustices commises qui a fait le lit de l�incivisme � travers lequel il veut culpabiliser les administr�s. Des ann�es durant, des voix politiques n�ont eu de cesse de marteler le m�me diagnostic, alors que les d�tenteurs d�un pouvoir omniscient leur opposaient un m�pris arrogant. Deux d�cades plus tard, que reste-t-il de la morgue d�une victoire et des clairons triomphalistes ? Ici un profil bas et l� une toute petite musique de s�rail, comme l�on dirait de celle que l�on joue en comit� restreint. C�est que le pays r�el contredit le �pays� des salons de la capitale. Il rumine son m�contentement alors que la courtisanerie f�brile s��chine � concocter d�autres plans sur la com�te pour d�autres destins politiques. Dans une confusion totale, l�establishment fait semblant de �soutenir� sans r�ellement afficher publiquement ses �pr�f�rences�. Suspendu � l�oracle qui doit le confirmer dans les all�geances anciennes, il pi�tine face � l�incertitude, chaque jour, pesante. L�opinion, pas dupe, appr�cie avec beaucoup d�humour cette �mouvante valse-h�sitation. D�abord, la propagande de la t�l� devenue cyclothymique passant sans transition du dithyrambe ind�cent au black-out total. Ensuite la posture du r�dacteur en chef des pan�gyriques officiels (Belkhadem) qui s�autocensure ces derni�res semaines. Tout cela donne du pouvoir un spectacle cr�pusculaire. Au bout de l�impasse, o� il a engag� le pays, il d�couvre tardivement la poudri�re sociale. M�me ses traditionnels relais sont atteints du m�me discr�dit dans les strates populaires. Aucun d�eux ne peut renouer le dialogue social. Le Sidi-Sa�d de l�UGTA est-il encore capable de juguler des gr�ves ? Et quel proconsul de province (wali) a suffisamment d�entregent pour emp�cher des mon�mes de jeunes ch�meurs de br�ler une mairie ? Pire encore : qui de Belkhadem, au nom de FLN, ou de Ouyahia pour le RND et m�me de Soltani du MSP saura se faire le bon avocat d�un coup d�Etat constitutionnel ? Dans tout cas de figure, Bouteflika, quand il se d�cidera � franchir le Rubicon, devra le faire cette fois-ci en solitaire avec pour unique t�moin s�rieux une soci�t� profond�ment m�contente de ses promesses non tenues. A moins que, comme le sugg�re en pointill� le leader du RCD, le divin d�sordre social devienne un argument pour verrouiller les urnes. B. H. (1) Conf�rence de presse tenue le mercredi 21 mai 2008 par Sa�d Sadi.