Quarante ann�es d�une vie active, imp�tueuse, d�une rectitude morale professionnelle de samaritaine, se sont achev�es pour Radia, le m�decin du travail, l'un des tout premiers professeurs avec un �e� dans cette discipline si masculine, en ce vendredi 22 f�vrier, dans des conditions que ni elle, ni sa famille et encore moins ses nombreux amis, n�ont imagin�es. Depuis plus de deux ans, nous le savions, Radia-Fad�la menait un combat bien in�gal, contre une maladie implacable, qui a fini par avoir raison, une premi�re fois de sa science, une seconde et derni�re fois de son �nergie et de son immense courage. N'eut �t� ce vigilant gendarme de Palavas les Flots, qui d�couvrit et �venta le terrible et solitaire round que tu livrais dans le secret d'une brume matinale au mal qui avait d�j� install� ses quartiers dans ton corps pourtant si robuste, tu aurais pu mener tout ton monde en bateau, en faisant croire � tous, que tu n'�tais pas malade. Ce que tu fis d'ailleurs jusqu'� la derni�re minute, avec un art de la dissimulation empruntant des chemins et des accents de dignit�, assez rares de nos jours. Nooormal ! comme disent nos jeunes d'aujourd'hui, tu �tais une scientifique et tu as, ta vie durant, pens� que la science du d�but de ce troisi�me mill�naire, pouvait, � elle seule, suffire pour conjurer le mauvais sort qui fut le tien, depuis que tu abandonnas, contrainte et forc�e par la b�te immonde, le service de m�decine du travail du secteur sanitaire d'El Harrach, ta fiert�, dont tu �tais l'infatigable b�tisseuse. Puis vinrent les durs et escarp�s chemins de l'exil. Ton seul viatique : l'Alg�rie au c�ur et un unique talisman, ta petite fille � laquelle tu donnas d'ailleurs un nom qui r�sume aujourd'hui le sens de tous tes combats : Houria Nidhal. Tunis �tait trop petite pour ton �nif� d'alg�rienne bien port�, Marseille trop raciste, Perpignan trop bourgeoise, Palavas une station de vacances, toi qui n'en pris jamais de v�ritables ! Partout, tu �touffais. Il te manquait tout simplement la grande et spacieuse Alg�rie, ton Alg�rie � toi� la n�tre � tous, celle de la g�n�ration de l'ind�pendance qui a temps r�v� d'un grand pays devenu si �troit, si dangereux, un pays subitement d�sert� par la raison ! � L'Alg�rie de la zaouia de ton illustre grand-p�re Cheikh El Mokhtar qui donna � l'insurrection des Za�tcha dans les vastes contr�es du Sud, le souffle que lui conf�ra au Nord le Cheikh Aheddad, tous deux figures embl�matiques de la Rahmania, du temps o� les zaouia �taient dans la r�sistance. � L'Alg�rie de Boumedi�ne, qui t'offrit un jour une pomme au cours d'une r�ception avec les �tudiants en te d�cernant le titre tant envi� � l'�poque de moudjahida du �djihad el akbar�, celui de l'�dification nationale. Quand en plaisantant, notre autre regrett� Toufik te taquinait en te disant que la pomme �tait peut-�tre empoisonn�e, tu r�pliquais imperturbable : tant pis, c'est la pomme du berger � la berg�re ! Vrai ! C'�tait la r�volution agraire avec les na�fs bergers que nous f�mes et surtout ses insatiables loups ! � L'Alg�rie de la g�n�rosit� qui avait le go�t des �m�hadjeb � g�ants que faisait Kheddoudj dans les camps de volontariat de Khemis-El- Khechna et d'ailleurs, pour d�multiplier la population des �nouveaux� bergers au d�triment de celle des loups,anciens et nouveaux ! Aujourd'hui, il ne reste de cette �poque que le go�t de la farce� des m�hadjeb ! � L'Alg�rie des mineurs de l'Ouenza, qui t'accompagn�rent dans ton intr�pide exp�dition dans les entrailles de leur mine, le jour o� tu transgressas all�grement les normes si strictes des organisations internationales en vigueur interdisant aux femmes, m�me m�decins du travail, de descendre au-del� d'une certaine profondeur. A la sortie de la mine, les travailleurs fiers du seul m�decin, de surcro�t femme, qui consentit � descendre avec eux dans leur �enfer�, te d�cern�rent le troph�e dont tu �tais la plus fi�re : Ils t'appel�rent �Si-Mokhtari�. Tu avouais sans fausse modestie, que ce jour-l�, tu eus l'illustre privil�ge de visiter le c�ur de l'Alg�rie, au sens propre et figur�, celui des seuls travailleurs qui enrichissent chaque jour leur pays, de l'exportation hors hydrocarbures, du fruit de leur sueur et noble labeur et qui meurent aujourd'hui encore de maladies dites �orphelines� ! Sacr�e Radia ! Ton optimisme confinant � une apparente na�vet� nous manquera � toutes et � tous, comme nous manquera surtout ton ent�tement � aller �au-del� des fronti�res du possible, du permis�, ta f�tiche et quelque peu candide d�finition de la libert�. Un enthousiasme d�bordant, qui �rigeait souvent l'impatience en ruse de guerre contre la b�tise humaine, ses pr�jug�s, ses f�odalismes de toutes sortes. L'amphi de la fac de m�decine r�sonnera encore longtemps des accents si sinc�res de tes envol�es lyriques pour d�fendre tes convictions, qui ont r�sist� � l'�rosion du temps� qui passe. Dans le monde si ferm� et plut�t conservateur de la m�decine de l'�poque, des t�moins de tes �pr�ches� avant-gardistes, avouent, aujourd'hui, que le seul fait de pouvoir prendre la parole dans un arabe enrob� de citations d'El Moutanabi ou de Mahmoud Darwich, �tait en soi r�volutionnaire Radia ! Ton fr�re Azziouez, peut bien cultiver le souvenir �d'avoir eu l'illusion d'avoir �t� le temps d'une �mission t�l�vis�e de grande �coute de 1989, le Madjer du journalisme. Tu �tais la seule � pouvoir le �corriger�, � rattraper ses points virgules de Pr�sident du mouvement des Journalistes alg�riens, en lui administrant de savoureux �petits ponts� et refroidissant ses analyses par trop grandiloquentes. Il t'est d'ailleurs redevable ainsi que tes dix autres fr�res et s�urs, du r�le de bras droit de Kheddoudj, dont tu t'es acquitt� avec brio, depuis que tu pris le relais �conomique de Sidi, ton p�re, clou� dans son lit par la maladie durant plus de vingt ans� Un dernier mot, Radia : Kheddoudj est partie avant toi. Tant mieux, serions nous tent�s de dire. Elle n'aurait pas surv�cu � ta disparition �� 59 ans. C'�tait il y a un peu plus d'un an. Tu la rejoins aujourd'hui� Tu iras en terre... � ses c�t�s, comme toujours ! De Radia l'�ternelle �s'enva- en- guerre� contre toutes nos persistantes turpitudes,fl�trissures et indignit�s multiples d'ici bas, il ne restera que celle qui ira� en terre aujourd'hui� au c�ur de la terre d'Alg�rie� la veille d'un 8 mars, la seule f�te que tu c�l�brais. Adieu Radia-Fad�la� adieu belle s�ur�. Mission accomplie !