Hier, c��tait le 8 Mars, journ�e internationale de la femme. Hier, pendant toute une longue journ�e, pendant vingt-quatre heures pleines et enti�res, on a c�l�br� nos m�res, nos s�urs, nos compagnes, nos amies. Toutes affaires cessantes, on s�est rappel� que derri�re chaque homme, grand ou petit, moche ou beau, intelligent ou b�te, il y avait une femme. On s�est rappel� aussi que cette femme �tait vraiment derri�re. Quand elle n�est pas cach�e, elle se cache elle-m�me. On ne la voit pas, c�est un fant�me d�guis� en diable dont on exige de ne pas laisser trop tra�ner ce qui pourrait titiller les tentations �d�niques de l�homme qui ne se retient pas. Hier, on a f�t� la femme et, ce matin, on a encore comme une gueule de bois qui fait que les mots se perdent et qu�on ne sait plus quoi dire. Hier, et c�est le scoop, on a r�p�t� ce qui se dit exactement depuis toujours sur la femme alg�rienne, sa participation � la lutte de Lib�ration nationale, sa contribution pr�cieuse et inestimable et irrempla�able � la bataille de l��dification nationale et� Et quoi d�autre ? Oui, hier, on a ressorti tout le tintouin habituel, le langage des fleurs � la place des noms d�oiseaux habituels, pour faire oublier, le temps d�une course du soleil, les t�n�bres dans lesquelles, au nom de valeurs qui s��parpillent, on tient la majorit� de la population alg�rienne. Hier, les plus lyriques d�entre nous, parfois m�me les plus sinc�res, ont sorti leurs meilleurs accents, leurs m�lodies sirupeuses rang�es dans l�attente de l�usage annuel, pour chanter la femme. Eh oui, heureusement pour nous, pour la po�sie, il y a des lyres et des dates comme le 8 Mars pour rafra�chir quelque peu des couplets d�fra�chis, raviver les couleurs de la palette conventionn�e. Heureusement ! Hier, comme tous les 8 Mars depuis que la femme a impos� qu�elle est autre chose qu�une moiti� au sens math�matique du terme, on a redit au souffle pr�s les m�mes choses� Pour autant, et depuis le temps, la question reste enti�re. Y�en a qui l�ont r�solue par le tranchant des mots et y�en a qui demeurent dans la m�me interrogation. Vaut-il mieux une demi-journ�e dans l�ann�e o� la femme a droit, quand elle travaille, � un cong�, parfois � une fleur et m�me � un peu de consid�ration humaine ou faut-il, tant qu�� faire, continuer � la ravaler � un statut de �moiti� ? Y�en a qui disent que, malgr� tout, la demi-journ�e du 8 Mars est une bonne chose. D�autres, ils disent, eux, elles disent, elles, que �a ne change rien � rien, que le 8 Mars n�est qu�une excuse de tout ce qui se fait contre la femme tout au long de l�ann�e et, au fond, qu�on n�a pas besoin de cette hypocrisie. Textuel ! O� peut-on se poser dans ce salmigondis ? Il y a, entre autres, une fa�on un chou�a rigoureuse d�approcher la chose. La c�l�bration du 8 Mars, et l�hommage rendu aux femmes sans qui le pays marcherait sur un seul pied, et pas forc�ment le bon, doit trouver un prolongement sur le plan du combat politique pour �tre autre chose qu�un �pisode parmi d�autres de cette �celebrite� et de cette �comm�morite� qui nous permet, dans ce pays, de se donner bonne conscience. Le sort fait � la femme, dans son statut personnel, � travers le code de la famille rend d�risoire la c�l�bration du 8 Mars. Cette derni�re ressemblerait presque � une vaste et funeste plaisanterie. M�me all�g�, amend�, je ne sais quoi, le code de la famille demeure un carcan inexcusable � la citoyennet� de la femme alg�rienne. Les r�alistes nous disent : �Dans une soci�t� comme la n�tre, pas possible de faire autrement.� Et d�ajouter : ��a peut choquer les gens.� Mettre fin � la polygamie et au tutorat, c�est choquer les gens. Revenir � l�avant-1984, ann�e orwelienne au cours de laquelle le FLN finissant allait envoyer sa fl�che du Parthe sous forme de code de la famille, c�est choquer les braves gens. Comment a-t-on pu vivre sans code de la famille pendant vingt-deux ans, de 1962 � 1984 ? Comment a-t-on pu marcher, respirer, sentir avec notre nez national, le nif, sans ce texte de loi qui �moralise� la soci�t� ? Depuis la mise en �uvre de l��conomie de bazar, code de la famille ou pas, le ch�mage et la paup�risation ont boulevers� les m�urs en Alg�rie. Paradoxalement, la femme trouve dans le besoin une certaine forme de libert�, celle au moins de travailler. Dans l�espace social public des villes, la pr�sence des femmes est beaucoup plus importante qu�il y a vingt ans, la pression religieuse, pourtant plus contraignante, n�y pouvant rien. La lib�ration de la femme risque de se faire contre les revendications politiques et militantes, impos�e qu�elle pourrait �tre par la vie. La lib�ration juridique, elle, pourrait prendre un certain temps. Il n�est pas plus question d�abrogation du code de la famille que de zapper la c�l�bration du 8 Mars. Et m�me si, dans une volont� d�unir l�une et l�autre, on s�amusait � d�chirer une feuille du code de la famille chaque 8 Mars � partir d�hier, il faut quelques si�cles pour que la femme alg�rienne soit l��gale de l�homme alg�rien. Hier, c��tait le 8 Mars. Oui, 8 Mars.