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Une ville, une histoire
Celle qui prédisait l?avenir (1re partie)
Publié dans Info Soir le 23 - 08 - 2004

Portrait Avant de prédire l'avenir, Dahbia était une jeune femme normale?
Dans ce village de La Mitidja, presque personne ne se souvient de Lla Dahbia, décédée il y a près de quatre-vingts ans. Les quelques rares vieillards qui, se la rappelant, la traitent soit de «folle», soit encore de «sorcière».
Lla Dahbia avait certainement sombré dans la folie mais elle n'était pas du tout une sorcière bien qu?elle ait eu commerce, pendant plusieurs années, avec le monde de l'invisible. Elle a défrayé la chronique de sa région et montré des dons de prémonition extraordinaires. Plutôt que de parIer de folie, on devrait parler, à son propos, de cette faculté à prévenir les événements que les spécialistes de la parapsychologie appellent clairvoyance. Mais avant d'être une célèbre clairvoyante, Lla Dahbia a d'abord été une femme, avec une histoire et une destinée que nous proposons de raconter à nos lecteurs.
Elle avait quinze ou seize ans quand on a demandé sa main. Il faut dire qu'elle était très belle, avec ses longs cheveux blonds et ses grands yeux bleus. Le jeune homme qui la voulait était lui-même très beau et il appartenait à une famille réputée de la région.
«Qu'en dis-tu, Dahbia ?» lui demande son père.
La jeune fille baisse la tête, rougissante. Elle ne dit rien et le père comprend, conformément à l'adage bien connu : «Celui qui ne dit mot consent !»
On la maria. La fête fut grandiose : on égorgea un b?uf et le couscous, le beurre et le miel coulèrent à flots...
Le jeune couple fut heureux. Le mari ? appelons-le Belkacem ? est très épris de son épouse. La vie pour Dahbia n'est pas de tout repos dans sa nouvelle maison où il y a beaucoup à faire : le ménage, la cuisine pour une multitude de beaux-frères et de belles-s?urs mais aussi les animaux dont il faut s'occuper. Elle s'acquitte de toutes les tâches que sa belle-mère lui impose sans protester. Elle souffre beaucoup mais, le soir, elle est heureuse de retrouver Belkacem qui sait la consoler.
«Ne t'inquiète pas, lui dit-il, bientôt nous aurons notre propre foyer, tu n'auras plus à t'occuper des autres ! Tu ne t'occuperas que de moi et des enfants que nous aurons !»
Des enfants justement, ils vont en avoir? Dahbia est enceinte ! Par une sorte de retenue, naturelle chez elle, elle ne le dit pas à sa belle-mère qui continue à la faire travailler durement. Quand elle la voit vomir, elle l'accable de reproches : «Assez de faire des caprices, tu n'es pas malade !» ; elle veut garder le lit, elle l'en fait sortir aussitôt : «Au travail, paresseuse !»
Elle travaille, elle soulève de lourds fardeaux, elle mange à peine. Un jour, en s'occupant des vaches dans l'étable, elle est prise d'un malaise et elle tombe. Heureusement que sa belle-mère était à ses côtés et qu'elle l?a secourue. Dahbia revient à elle et porte la main à son ventre. Elle saigne abondamment.
«Mon bébé ! crie-t-elle.
? Quoi ! s'exclame la belle-mère, tu étais enceinte et tu ne m'en as rien dit !»
A l'époque, on ne conduisait pas les femmes enceintes qui avaient des problèmes à l'hôpital. On appelle la qabla ? rebouteuse et accoucheuse en même temps ? qui constate la fausse couche.
Dahbia, qui attendait avec impatience cet enfant, pleure à chaudes larmes.
«Tu es jeune, lui dit Belkacem, nous aurons d'autres enfants !»
(A suivre...)


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