A l'oppos� de la po�sie arabe classique, qui a toujours int�ress� les sp�cialistes et l'�lite intellectuelle, faisant une cible privil�gi�e pour leurs �tudes et leurs th�ses, montrant diverses tendances et affirmant un discours raffin�, la po�sie alg�rienne, dite melhun, qui �tait principalement compos�e par des gens appartenant � la couche �vue la plus basse�, indig�ne, destin�e aussi aux diff�rentes cat�gories du peuple, �tait et demeure encore mal re�ue dans certains cercles litt�raires, mal vue par les chercheurs dans ce qu'on appelle �les litt�ratures locales�. Mustapha Abdellah Ben Brahim (1800-1867) �tait l'un des plus c�l�bres po�tes de melhun dont l'�uvre a besoin, encore, d'interpr�tations et d'analyses. N� � Boudjebha (arrondissement de Sidi-Bel- Abb�s), d'une famille originaire d'Aflou, Mustapha Ben Brahim exer�a dans son v�cu plusieurs fonctions, entre autres : le cadi de Boudjebha, puis El-Gour pr�s de Ras El-M� et le ca�d aux Ouled Slimane qui comprenait l'actuel Sfisef. � l'�ge de 45 ans, � la suite d'une affaire de d�tournement des fonds provenant de la perception des imp�ts, ayant peur de la col�re de son sup�rieur, Mustapha Ben Brahim devait quitter l'Oranie pour le Maroc, l� o� il passerait six ans, consacr�s, presque enti�rement, � la po�sie populaire et � l'�coute des talebs marocains, r�put�s, � l'�poque, de sorcelleries et de fumeries. Dans son exil, ayant �t� influenc� par les ma�tres et les pr�curseurs de melhun dans le Maghreb, tels le plus ancien po�te alg�rien de melhun, Lakhal Ben Abdellah Ben Khlouf � ayant v�cu au d�but du XVIe si�cle �, Ben Msyeb � d�c�d� en 1768 � Tlemcen � et Ben Guenoun (originaire de Mascara), Mestafa Ben Brahim composa de beaux vers, nostalgiques et pessimistes : �Si les miens, mes fr�res et les gens de la tribu apprennent cela, ils me couvriraient d'injures, et mon honneur serait mis en lambeaux / Cette blessure est visible chez moi. Elle saigne. Je n'oublierai pas cette aventure qui m'est arriv�e pour mon malheur / Celui qui m'observe, s'�crie: �C'est fou!� et celui qui est au fait de ma situation dira que je traverse une crise� dit-il. Dans sa jeunesse, Mustapha Ben Brahim a sign� pas mal de po�mes �rotiques. Ainsi, il �tait connu, parmi les siens, de ses multiples aventures amoureuses qu'il immortalisa, une par une, dans son diwan. Houria, Mammiya,� Fatma, Khadra, A�cha, Yamina ont toutes �t� cit�es dans les textes du po�te dont la derni�re (Yamina) a �t� c�l�br�e dans un joli po�me interpr�t� plus tard par le roi du ra�, Chab Khaled : �Faste et b�ni ce jour o� j'ai pu te rejoindre � Yamina / O reine couronn�e de jouvencelles! Comment te portes-tu ? La maladie dont tu souffres nous a beaucoup afflig�s / Je ne dispose des moyens pour te voir. Je m'informe discr�tement � ton sujet aupr�s de gens (...)� En somme, la po�sie de Mustapha Ben Brahim exprime, souvent, un caract�re �motionnel, une profonde sentimentalit�, une fiert�, un lyrisme : �Mon c�ur s'est troubl�. Il �prouve un ardent d�sir de revoir les Ouled Slimane. Je languis mes hommes / J'ai d�cid� d'aller en voyage et j'ai �crit une lettre o� j'ai dit : �Je viens, � mes braves� / J'assisterai � la f�te patronale et rendrai une visite pieuse aux tombeaux des saints, auteurs des miracles. Je verrai Mh�ga de mes propres yeux�. Mais aussi une immense tristesse, caus�e par les ann�es d'exil. �Combien est � plaindre celui qui, comme moi, est interdit de s�jour, sans motif (valables). C�est par ruse que les perfides m'ont arr�t� �. Ce Don Juan po�te � d'apr�s Abdelkader Azza � dont l'�uvre a enrichi, d'une fa�on claire et nette, la po�sie alg�rienne, dite melhun� qui a d�j� cinq si�cles d'existence �, m�rite aujourd'hui plus de soin et d'�tudes de la part des sp�cialistes de la litt�rature populaire et l'oralit� de l'Afrique du Nord.