Adrar est connue pour son immense �tendue d�sertique, sa chaleur torride et ses 294 ksour �parpill�s � travers le vaste territoire de la wilaya. Si au niveau du chef-lieu des constructions en b�ton existent ou �mergent, dans la plupart des ksour, les habitations sont faites en pis� ( toub) et les toits en troncs de palmier. Nombreux sont ceux qui tirent leur maigre revenu d�une agriculture de subsistance li�e directement � l�irrigation traditionnelle ( foggara). Beaucoup ne travaillent pas et la rentr�e scolaire, ph�nom�ne de d�pendance, ressurgit chaque ann�e et avec elle le spectre des fournitures scolaires et du trousseau pour les internes. Le plat consomm� quotidiennement est le couscous et les gens se d�m�nent comme ils peuvent pour ramener les sacs de semoule et de farine. Les femmes s�activent � l�aide de touiza, main-d��uvre gratuite, pour sa pr�paration. En hiver, lorsque le froid se fait sentir, ces gens s�enroulent comme ils peuvent dans des couvertures de fortune pour se prot�ger et se tenir au chaud. Parfois des branches de palmiers sont br�l�s. D�ailleurs, leur tenue vestimentaire fr�le ne constitue nullement un rempart contre le gel. En guise de carrelage, un �pais tapis de sable fin recouvre le sol. Mais comme dit Macias pour les gens du Nord, les gens du Sud ont dans le c�ur ce qu�ils n�ont pas dehors et se contentent de reconna�tre la louange divine et de se confondre dans sa pi�t�. Il faut pr�ciser que la natalit� y est tr�s importante. En �t� au plus fort de la journ�e, les plus d�munis, et ils sont nombreux, car la facture d��lectricit� risquerait d��tre faramineuse, vont se r�fugier soit dans des galeries souterraines de la foggara o� l�eau qui circule cr�e un courant d�air frais et humide, soit dans des dahliss, sorte de caves am�nag�es munies d�un long tuyau pour acheminer l�air ! On a beau s�astreindre � la politique de l�autruche et faire la sourde oreille quant � l�utilisation d�enfants pour les travaux manuels � et dire que ce fl�au n�existe qu�en Inde et en Asie �, il faut se rendre � l��vidence et regarder les choses en face et reconna�tre que les enfants parfois �g�s entre 10 et 12 ans sont souvent exploit�s � des prix qui frisent le ridicule. On les voit partout : dans les gargottes, sur les march�s, dans les magasins o� les propri�taires, ravis d�une main-d��uvre bon march�, ne reculent devant rien pour les tra�ner en laisse. D�autres bambins �plus nantis � et qui refusent cette forme d�esclavage se rabattent sur la fouille et le ramassage d�ordures m�nag�res. C�est le cas de Slimane et Ahmed dont l��ge ne d�passe gu�re les 13 ans qui se sont sp�cialis�s dans les objets en m�tal et en plastique. Sac au dos, la mine bazan�e, une couche de crasse recouvre leur corps. C�est l�aubaine de gagner quelques sous. Tous deux sont encore scolaris�s. Une chance pour eux de faire ce boulot �durant les heures creuses et les vacances scolaires. Le revenu du p�re ne suffit plus. Une mis�re, � peine 7 500 DA par mois�, nous avoue Ahmed. �Nous sommes 7 dans la famille. Lorsque la facture d��lectricit� atterrit, c�est le cauchemar. Mon p�re ne dort plus. Il ne pense qu'� �a. Quand quelqu�un tombe malade, c�est un vrai dilemme. Souvent, on a recours � des rem�des traditionnels mais quand il faut aller � l�h�pital, l�ordonnance repr�sente un v�ritable mirage qui saigne le budget familial. Voil� pourquoi j�ai d�cid� malgr� le refus de mes parents de me lancer dans cette op�ration de ratissage des d�tritus. Le kilogramme de fer est vendu � 3 DA et le plastique � 2 DA. On arrive � peine � gagner les 50 DA durant une journ�e enti�re le nez dans les ordures. Rien me direz-vous, mais 50 DA pour nous, c�est de l�argent qui permet de colmater les br�ches. La rentr�e scolaire et l�achat de fournitures scolaires demeurent notre �ternel souci qui revient � la charge chaque ann�e. Certains enseignants sont exigeants. Des cahiers de 192 pages et des prot�ge-cahiers d�une certaine couleur. Pourquoi ne pas nous permettre de faire de la r�cup�ration et l�utilisation d�anciens cahiers parfois � moiti� entam�s. Personne ne s�en soucie. Ceux qui sont dans la g�ne, ceux qui vivent cette trag�die au quotidien, ressentent am�rement le revers de la m�daille. Nous pr�f�rons travailler de jour et nous lever t�t, plut�t que la nuit, o� on n�est pas � l�abri d�agressions, de menaces de tous genres. Mais on passe avant nous et on ne nous laisse que des miettes. Aujourd�hui, nous avons de la chance, nous avons pu d�nicher quelques carafes, bassines en plastique et m�me un vieux barbecue. Quelqu�un a d� les jeter tard dans la nuit ou de bonne heure. Autrement, on n�aurait rien trouv�. Nous faisons le tour des cit�s, l� o� il y a agglom�ration. Les poubelles s�entassent rapidement et �a nous enchante. C�est un travail p�nible, harassant et de longue haleine.� Sortis t�t de la demeure familiale, ils ne reviennent que le soir charg�s de leur pr�cieuse cargaison. D�jeuner � la maison est depuis longtemps un r�ve. C�est souvent un petit sandwich aval� � la h�te � l�ombre d�un arbre ou d�un mur. L�eau finira par bourrer l�estomac. Les cafetiers et restaurateurs nous refusent souvent cette boisson pr�cieuse. On fait du porte-�-porte et parfois on tombe sur une �me charitable qui nous offre un plat chaud qu�on ingurgite en silence. Le soir, de retour � la maison, sit�t le maigre repas englouti, Ahmed et Slimane s�allongent c�te � c�te. Ce sont deux fr�res. La fatigue prend le dessus et leurs paupi�res se referment pour un sommeil profond. Pas de TV, juste le minimum. Le chapelet est long � �grener. Les petits porteurs datant de l��poque coloniale r�apparaissent et pour une modique somme le font pour vous. Des s�quences du film Dar Sbitar nous reviennent � l�esprit. C�est l�Alg�rie aux multiples facettes.