Enretien r�alis� par Halim Akli Comme tout nouvel immigrant, le d�fi �tait d�j�, � 12 ans, de s�adapter � son nouveau monde. Elle avait quitt� sa Kabylie natale � la fin de la r�cente d�cennie pour s�installer � Londres. Du haut de ses premiers pas d�adolescente, Yasmine ambitionnait d�j� d�aller plus loin que ce d�fi : devenir une actrice qui, au lieu de subir le mouvement de son nouveau milieu, agira sur celui-ci, dans le strict respect des valeurs de la soci�t� d�accueil. Une gageure. Pourtant, neuf ans apr�s, elle se distingue d�j� par son enthousiasme, son �nergie d�bordante et une intelligence hors du commun. Outre ses brillantes �tudes, elle est en passe de faire des Londoniens, en manque d�exotisme, des f�rus des rythmes m�diterran�ens, et de Londres une m�tropole qui danse. La danse est pour la prodige de B�ja�a ce qu�est l�eau � la vie. Elle en est �prise depuis sa prime enfance. Et elle s�en est donn� � c�ur joie tant et si bien qu�elle a acquis une parfaite ma�trise des danses du terroir. A l�image de la danse kabyle qui lui a fait go�ter toute la sensualit� du d�hanchement qui la guidera sur les traces de la c�l�bre danse du ventre qui deviendra pour elle une �suave hantise�. Ainsi, sa fascination pour la danse orientale a �t� si forte qu�elle n�h�site pas � fouiller l�histoire pour en extraire mati�re � en revendiquer les origines nord-africaines. Tous ces styles qui s�imbriquent et s�impr�gnent d�un suppl�ment d�exotisme (samba, salsa�) et des attributs de la danse contemporaine ont fait comprendre � Yasmine toute la port�e expressionniste de son art. Voici le r�cit de son jeune parcours. Le Soir d�Alg�rie : Voulez-vous vous pr�senter � nos lecteurs? Yasmine Larbi-Ch�rif : Je suis �tudiante en biochimie, install�e � Londres depuis maintenant neuf ann�es avec ma famille. Je suis une passionn�e de la danse contemporaine. Notre vibrante culture berb�re m'a impr�gn� d�amour pour la danse et pour tout mouvement expressif. Pour �tre pr�cise, je suis une fervente f�rue de la danse du ventre dite orientale! Je suis membre d'une association nomm�e Balliamo. Une association destin�e � faire partager notre savoir de cette danse mystique. A vrai dire, le sujet m�me de la danse du ventre me fascine, c'est digne d'une suave hantise ! Quelle est votre fonction au sein de Balliamo et que signifie cette appellation ? La fondatrice est d'origine irlandaise. Comme moi, mais tardivement, elle a pris fascination � notre art mythique qui est la danse folklorique d�Afrique du Nord, apparue plus exactement dans ce qui deviendra plus tard la Tunisie, qui s��tait propag�e � travers toute l�Afrique septentrionale avant de s�incruster par cons�quent dans l'art �gyptien pr�islamique et qui prendra par la suite l�appellation de �danse orientale �. L'appellation Balliamo est d'origine italienne, qui signifie �dansons� ; la fondatrice �tant mari�e � un Italien. Le destin a fait que cette jeune dame me croise dans une soir�e d'un vendredi qui avait pour th�me �Soir�e orientale�. Le hasard a bien fait les choses, car elle avait l�ambition de mettre son association dans une logique d�expansion � m�me de cr�er un r�seau entre toutes les communaut�s vivant en Angleterre. Elle �tait �tonn�e de voir un style hors du commun en me voyant ex�cuter une danse sur un rythme folklorique �gyptien. Depuis, elle m'a demand� de suivre une formation dans l'enseignement de la danse, ce que j�ai r�ussi avec aisance � l�Institut de danse orientale MADN ici au Royaume-Uni. Depuis septembre 2006, j'enseigne dans ma localit�, Birmingham. Vous voulez dire que la danse orientale est d'origine nord-africaine ? Cette question a fait couler beaucoup d'encre. Y r�pondre ici n'est pas chose ais�e. N�anmoins, je me dois d�affirmer que cette danse du ventre (dite orientale) est, � l'origine, une fusion de danses folkloriques du nord de l�Afrique, empruntant certains mouvements aussi bien � une danse gitane antique qu�� celle des nomades indiens venus d'Asie. Il faut comprendre que toute danse est impr�gn�e d�un aspect d'une culture donn�e� C'est tout un sujet d'anthropologie mais sans vouloir rentrer dans des d�tails, le sujet �tant tr�s controverse, disons que la danse orientale est un amalgame de coutumes, croyances et comportements des danseurs (adeptes) � travers toutes les �poques. En somme, cette danse apparue il y a au moins une bonne dizaine de si�cles est n�e d�une mosa�que de cultures : nord-africaine, indienne et gitane. Vos �l�ves viennent-ils exclusivement des milieux nord-africains et orientaux de la m�tropole londonienne ? J'attendais cette question, figurez-vous ! Au contraire, les �l�ves sont majoritairement d'origine anglo-saxonne. Mais d�une mani�re g�n�rale, toutes les communaut�s se m�lent dans mes cours ; notamment des Afro-Am�ricaines, des Hispaniques, des Europ�ennes de l'Est, des Asiatiques, des Indiennes... Votre association n'est pas vou�e enti�rement � la danse du ventre, d'autres styles sont introduits dans vos activit�s... Oui, par inh�rence, Balliamo s'int�resse �videmment � tous les styles de danse dans le contexte de l'enseignement de la danse du ventre. Il est admissible pour les profs d'introduire des id�es nouvelles, d�emprunter � d�autres styles, comme la samba, et le kabyle, que j'incorpore tr�s r�guli�rement dans mon enseignement. La danse du ventre est un r�ceptacle de vari�t�s, voyez-vous ! Je prends plaisir � apprendre d'autres styles de danse tels que le flamenco, la salsa, la samba... Dans le cadre de l'enseignement, on admet tout autre style capable de fusion dans une d�marche de rapprochement et qui se base sur la technique qui constitue le socle de la danse du ventre, tel que le d�hanchement de la danse kabyle, par exemple... Si vous saviez combien est gracieux le fait d'allier le d�hanchement kabyle � celui de la samba en l'incorporant dans un baladi, une mesure � quatre tons du rythme folklorique du sud de l�Egypte ! Puisque vous vous y r�f�rez, pensez-vous � l�introduction de la danse kabyle proprement dite dans vos activit�s ? Qu�en est-il des danses chaoui, targui ? L�enseignement de ces styles s�par�ment de la danse du ventre, en tant que disciplines � part enti�re, c�est dans les projets de Balliamo qui se concr�tiseront dans un avenir tr�s proche. En effet, il s�agit pour moi d�en tirer des similarit�s avec la danse du ventre, et par la m�me occasion, comme vous le dites, pour faire conna�tre ces danses ancestrales ici, en Angleterre, ainsi qu�au reste du monde. Bient�t, les Londoniennes se mettront � la danse kabyle, c�est promis ! S'agit-il d'un simple d�sir de partager une passion ou alors des troupes se forment et se produisent en spectacles ? Un peu des deux. Je m'aventure souvent sur sc�ne en solo, pour peu qu�il y ait du rythme dans l�air (sourire). Sinon, nous nous produisons en spectacles, en troupes... Balliamo forme et lance sur sc�ne des troupes, des ballets et des chor�graphies souvent pour des causes humanitaires et f�ministes telles que l'Association des femmes en d�tresse � Birmingham qui figure en haut de la liste de nos partenaires. Aussi, j'ai la ferme conviction qu'en partageant cette passion et en la diffusant, nos artistes prendront plaisir � se produire pour ce que l��tre humain a de plus noble : la diff�rence. Avez-vous l�ambition de vous produire en Europe, voire en Afrique du Nord ? Tout � fait� J�en r�ve depuis ma tendre enfance. R�ve d��tre artiste danseuse ou r�ve de remettre au go�t de la plan�te cette danse du ventre tout en revendiquant ses origines nord-africaines ? Tant�t en revendiquant les origines nord-africaines de l�art, tant�t en essayant de servir d'ambassadrice pour toutes les femmes opprim�es � travers notre plan�te. Je crois qu'en partie, par le biais �d'artistes danseuses�, je parviendrai, non seulement � �remettre au go�t de la plan�te� cette danse, mais aussi � inciter les femmes � prendre conscience de leur place dans le microcosme ; ce que nos soci�t�s patriarcales nous refusent. Un d�ni qui est la cons�quence d'une in�galit� entre les deux sexes. En conclusion... Merci de m'avoir donn� l'opportunit� de m'exprimer et de communiquer directement avec mes compatriotes. Merci de nous donner une voix. J'esp�re ainsi me produire bient�t chez moi en Alg�rie, au Maroc, en Tunisie�