Ceux qui accusaient le Hezbollah libanais de vouloir constituer un Etat dans l�Etat ont vu leurs pr�visions se v�rifier. Pour avoir voulu enqu�ter sur un r�seau de t�l�communications parall�le mis en place par l�arm�e chiite de Nasrallah, le gouvernement libanais est confront� � un putsch. Les milices de Nasrallah ont occup� l�a�roport de Beyrouth et les principaux quartiers de la capitale pour montrer leur force. Le temps o� les combattants de l�autre milice chiite, Amal, �trillaient le petit rival du Hezbollah est bien fini. Le mouvement Amal, dirig� par le chef du Parlement Nabih Berri, est d�sormais le petit vassal d�une force arm�e ouvertement soutenue par l�Iran. Jadis, le Liban �tait un Etat multiconfessionnel r�gi par des r�gles accept�es et respect�es par tous. Les voisins arabes s�accommodaient de l�existence d�un Liban pluraliste, d�mocratique et florissant. Ce qui n��tait pas le cas des Etats arabes environnants ni celui d�Isra�l. Un tel pays arrangeait beaucoup les affaires des dirigeants arabes, m�me s�il �tait un mauvais exemple et une tentation pour leurs peuples. C�est au Liban que se r�glaient les petits et grands comptes entre fr�res, que se vidaient leurs querelles intestines. Le Baath irakien �tripait son rival syrien et vice-versa mais sans jamais trop de d�bordements. Puis les grands fr�res arabes et les petits fr�res palestiniens ont mis fin � tout �a. Le champ clos des joutes arabes a ouvert ses portes au tout-venant et � tous les p�rils. La guerre civile, l�intervention puis l�occupation syrienne ont fait le reste : l�Iran a progressivement install� ses pions au Liban et renforc� sa pr�sence. Les accords de Ta�f de 1989 sont progressivement vid�s de leur contenu et les pays arabes se taisent de peur d�irriter Damas. L�Iran, qui fut le principal alli� d�Isra�l dans la r�gion et son pourvoyeur d�armes, ne fait pas dans le sentiment. La destruction d�Isra�l est un paravent id�al pour ses projets imp�rialistes et le Hezbollah en est l�instrument id�al. A l��t� 2006, le Hezbollah lance quelques p�tards sur Isra�l qui riposte en d�truisant la moiti� du Liban. Apr�s quelques semaines d�une partie de cache-cache meurtri�re pour les non-combattants, le Hezbollah parade dans les rues de Beyrouth. Cette �victoire� � la Pyrrhus de Nasrallah le rend de plus en plus audacieux. Fort de son nouveau bapt�me du feu qui l�a aur�ol� du titre de �r�sistant�, le Hezbollah est de plus en plus exigeant. Le mouvement qui a install� le r�gime des ayatollahs au c�ur de Beyrouth accuse le gouvernement l�gal de collusion avec Isra�l et avec les Am�ricains. Ce n�est pas par hasard que la presse de Damas a salu� hier l�intervention du Hezbollah qui a �r�tabli la situation� au Liban. Tout se passe comme si les dirigeants arabes avaient fait le choix de sacrifier le Liban, tel qu�il existe encore, au profit d�une autocratie religieuse exclusivement musulmane. On pourra alors s�y entretuer sans que les gouvernements fran�ais ou am�ricains soient tent�s de d�barquer pour �vacuer des chr�tiens qui ne seront plus l�. En attendant, le Liban vit et je pourrais dire qu�il chante. Vendredi dernier, alors que les combats de rue faisaient rage � Beyrouth, Magda Roumi enregistrait aux studios de la MBC (la cha�ne saoudienne). En d�pit des conseils de prudence qui leur avaient �t� prodigu�s, le producteur et l�animateur de l��mission �Al-Arrab� (Le Parrain) ont tenu leur pari et Magda Roumi a jou� le jeu. Le public aussi �tait l�, venu sans doute des zones non touch�es par le combat. Selon la correspondante du magazine Elaph qui �tait pr�sente, il n�y avait pas un seul confr�re dans le studio d�enregistrement. L�un d�eux avait m�me tent� de la dissuader de s�y rendre en raison des combats. Magda Roumi a parl�, bien s�r, de la situation actuelle et des malheurs de son pays, de Beyrouth, �Ma�tresse du monde�. �Nous sommes des peuples dop�s par la mort.� Et de crier d�une voix domin�e par la douleur : �Laissez un peu de place au r�ve !� Et elle r�p�te : �Nous sommes un peuple qui ruse avec la vie pour pouvoir exister. Nous sommes un champ d�exp�riences et un peuple qui dessine les traits de la mort. M�me l�oiseau a peur. Nous n�entendons plus le chant de l�oiseau au Liban.� Mais il reste celui de Magda qui sent qu�elle doit s�exprimer, dire ce qu�elle a sur le c�ur. �Si elle se taisait dans des moments pareils, ce serait comme si elle avait abdiqu� toute dignit�.� On la sent au bord des larmes mais elle les refoule avec sa ma�trise coutumi�re. Le public est aussi gagn� par l��motion. Lorsque l�animateur lui demande quelle est la solution, elle r�pond avec calme : �S�ils sont incapables de trouver un accord, qu�ils renoncent au confessionnalisme et qu�ils s�parent la religion de l�Etat. Qu�ils la�cisent l�Etat et nous �pargnent les divisions, que le pouvoir revienne � celui qui peut diriger et non pas � n�importe qui sous pr�texte d�appartenance � telle ou telle confession !� Magda Roumi a refus� de chanter en studio. Elle est trop �mue et elle craint que sa voix ang�lique ne la trahisse. Le plus bel hommage lui est parvenu de ce t�l�spectateur, par SMS : �Comment peuvent- ils tirer des balles dans un pays o� il y a Magda Roumi ?� Quelques heures auparavant, des hommes en cagoule avaient fait irruption dans les studios de la cha�ne Al- Moustakbal, situ�s dans le m�me immeuble, et les avaient ferm�s. Al-Moustakbal �tant une cha�ne appartenant aux Hariri, chefs de file des antisyriens, on peut deviner l�identit� des assaillants. Et s�ils ont �pargn� la MBC, ce n�est pas par amour de la libert� d�expression mais parce que derri�re la MBC il y a le royaume d�Arabie saoudite. Apparemment, la Syrie et le Hezbollah ne sont pas encore pr�ts � d�clencher une crise avec le royaume wahhabite. M�me matrice id�ologique mais studios et cha�nes diff�rents. Al-Nas, la cha�ne �qui vous emm�ne au paradis� (c�est son credo), est en crise. Ses trois pr�dicateurs principaux menacent de claquer la porte si leur confr�re �gyptien Amr Khaled entre � Al-Nas. La direction de la cha�ne religieuse la plus suivie en Egypte semble tenir � la venue de Amr Khaled. Elle a d�j� fait une concession aux cheikhs en interdisant l�apparition de femmes en hidjab � l��cran, sous pr�texte que le visage de la femme est une �partie honteuse� � la t�l�. Aujourd�hui, ses pr�dicateurs vedettes ne veulent pas d�un concurrent et qui plus est imberbe. Et puisque nous parlons encore de wahhabisme, vous avez sans doute �t� interpell�s, tout comme moi, par ce communiqu� des �ul�mas� alg�riens, sommant le ministre des Affaires religieuses de l�cher le contr�le des mosqu�es. Je suis un peu �tonn� par cette injonction faite � un ministre qui ne contr�le rien de renoncer � un contr�le sur les mosqu�es qu�il exerce par intermittence. A moins qu�il ne s�agisse encore de l�argent de la �Zakat�, le diff�rend d�ordre religieux �tant � �carter dans ces sph�res-l�. Vous avez, enfin, lu dans la presse le r�sum� de cette lettre adress�e au pr�sident de la R�publique par un journaliste sportif tr�s connu, Hafidh Derradji en l�occurrence. Il para�t que la direction de la t�l�vision l�a accus� d��tre un opposant � Bouteflika. Ce que l�int�ress� d�ment avec la plus grande vigueur. Je suppose que Hafidh Derradji s�inqui�te pour son avenir et je lui donne raison. Il faut, en effet, �tre d�une rare t�m�rit� pour s�opposer � Bouteflika au jour d�aujourd�hui. A moins d�avoir des informations s�rieuses sur l�avenir du troisi�me mandat. Et l� encore, il ne faut pas s�y risquer : souvenez-vous du scrutin pr�sidentiel de 2004 !