En réaction à l'opposition démocratique qui occupe non-stop la place des Martyrs où a été assassiné Hariri, l'ex-premier ministre libanais et fédérateur de toutes les composantes libanaises contre la présence syrienne au Liban, les chiites sont descendus à Beyrouth la semaine dernière pour une gigantesque démonstration de force. De fait, rien ne peut se concevoir dans le pays du Cèdre sans les chiites que tient d'une main de fer le Hezbollah, un parti dont les milices n'ont pas été désarmées et qui est classé comme terroriste par les Etats-Unis, à la demande d'Israël. Pourtant, le Hezbollah ne possède que 12 sièges sur un total de 128 sièges au Parlement. Sa force, il l'a construite dans l'adversité contre Israël, qu'il a fini par chasser du sud Liban, et dans ses relations privilégiées avec la Syrie et l'Iran. Synonyme de résistance, le Hezbollah est même courtisé par l'opposition que dirige le leader druze, Walid Joumblatt, depuis la disparition de Hariri et qui regroupe des chrétiens, des sunnites, des druzes et des maronites. Tout le patchwork libanais, à l'exception des fidèles du président Lahoud, lui-même installé par Damas, et les chiites. Le Hezbollah, que dirige le très médiatique cheikh Nasrallah, est né en 1982, tout de suite après l'invasion israélienne et ses milices furent armées par la Syrie et l'Iran. Contrairement à Amal, l'autre parti chiite, qui s'est fondé dans les banlieues populeuses de Beyrouth, le Hezbollah s'est pratiquement tenu à l'écart dans la guerre civile, qui avait fait rage au Liban jusqu'aux années 1989, concentrant ses actions contre l'armée d'occupation israélienne. L'accord de Taëf (octobre 1989), soutenu par l'ensemble des pays arabes ainsi que par les Etats-Unis et organisé grâce à l'entremise de Hariri, qui bénéficiait de l'appui des saoudiens, prévoit un gouvernement d'union national, autorise l'armée syrienne à stationner au Liban pour “restaurer l'autorité de l'Etat” et exige le désarmement de toutes les milices. Alors que les milices de la droite chrétienne, des druzes et d'Amal obtempèrent au profit de l'armée libanaise, celle du Hezbollah refuse de rendre ses armes, prétextant la guerre contre l'occupant israélien au Sud Liban. Jusqu'en 2000, date du retrait israélien de cette partie du Liban, le Hezbollah tient la dragée haute à Tsahal, l'armée d'Israël, suscitant de la fierté chez tous les libanais. Damas, qui n'a jamais caché ses accointances avec le Hezbollah, l'utilise dans son jeu au Liban mais aussi dans sa confrontation avec Israël. L'essentiel des forces du Hezbollah se trouve à la frontière libano-syro-israélienne, à un jet de pierres du Golan occupé par Israël. Nasrallah ne réclame pas le départ des Syriens, arguant que sa présence garantie l'équilibre stratégique avec Israël. Mais, le Hezbollah peut-il se mettre hors d'un mouvement qui prend l'aspect national ? D. B.