Dans le monde des arts et de la culture � Mostaganem, il n�y a pas que ceux qui baignent dans l�opulence ou, du moins, la d�cence des jours heureux. Il y a aussi ceux qui vivent dans le besoin et la d�tresse de fin de parcours d�artiste. Ceux qui se cachent pour souffrir dans la dignit�, sans pouvoir jamais un jour raconter leur mal. Puis ceux qui, un jour ou l�autre, ont d� �tre brutalement trahis par la vie, se retrouvant, d�s lors, une main devant une main derri�re, sans ressources et sans logis d�cent, trop occup�s, sans doute, � servir sans pour autant jamais songer � se servir... Il y a enfin ceux qui, atteints de maladies ou d�un quelconque handicap, n�ont de cesse de lutter contre ce mal qui parfois s�amuse si bien � nous ronger jusqu�� la moelle �pini�re. Parmi tout ce beau monde � Mostaganem, il existe alors un cas qui, en r�alit�, ne ressemble � aucun autre... C�est celui d�un superbe jeune homme, blond aux yeux bleu azur. Son type europ�en nous fait souvent douter qu�il s�agit bel et bien d�un des n�tres. Sa classe, sa timidit� et son charme sont rest�s intacts. Issu d�une grande famille de souche, le sympathique blondinet demeure dans sa r�serve coutumi�re. Et pourtant, le malheureux Mahfoud est atteint d�une maladie mentale apr�s avoir �t� victime d�une d�pression nerveuse il y a d�j� plus d�une d�cennie... Ce qui, � l��vidence, le marginalisera et finira par en faire une v�ritable �pave humaine. Le malheureux, d�sormais laiss� pour compte, erre la journ�e durant dans les rues de la ville, sans pour autant faire de mal � quiconque, r�flexe d�artiste oblige ! Le jeune Mahfoud imp�nitent violoniste dans les orchestres de cha�bi et de musique andalouse existants � Mostaganem a toujours fait figure de musicien av�r� dont la ma�trise de l�instrument � travers sa touche personnelle et ses irr�sistibles envol�es d�un istikhbar� un autre faisait �branler de sensations plus d�un comp�re chevronn� notamment. Durant la p�riode faste de sa carri�re d�artiste, lorsque la caravane mostagan�moise atterrissait � Alger tout particuli�rement, tout le monde s�empressait d�aller � sa rencontre. Un des vieux de la vieille de l�art musical alg�rois s��criait toujours : �O� est Blonblon ? Est-ce qu�il a fait partie du voyage ?� Il l�avait ainsi affectueusement surnomm� pour son teint clair et sa crini�re blonde. Le sacr� Blonblon est issu d�une famille d�artistes reconnus ici et ailleurs. Son p�re ammi Ka�d Mohamed demeure actuellement le doyen des musiciens et chanteurs cha�bi � Mostaganem, et ce, � l��ge de 83 ans. Son fr�re a�n� n�est autre que che�kh Hamida Benhenda, consid�r� aujourd�hui comme un interpr�te digne de la lign�e ankaouie. C�est vous dire un peu que notre ami Blonblon a toutes les chances de s�en tirer � la faveur d�une r�elle prise en charge dans un �tablissement psychiatrique. Malgr� son �tat mental d�ficient, le sacr� Blonblon n�en d�mord pas par autant. Il a gard� ses r�flexes de musicien avec le c�ur et l�instinct d�un v�ritable artiste �pris de son instrument ch�ri qu�il n�a pas pour autant oubli�, � coup s�r. De temps � autre, il lui arrive de d�serter son triste univers pour faire irruption comme par enchantement � l�association El Fen oua Nachat o�, le temps d�une br�ve halte, il retrouve son �quilibre et tous ses sens, banjo en main... Il aura alors le loisir de s�adonner � une s�rie d� iskhbarate d�un mode � un autre, d�un sahli � un ghrib , de si belles notes qu�il avait l�habitude d�affectionner au temps de sa splendeur. Lui, l�enfant abandonn� de Mostaganem, l�artiste malheureux des temps modernes, celui qu�on appelait le g�nial banjoniste, a cependant conserv� dans la tourmente de ses �tats d��me l�art de savoir cueillir une fleur du fond d�un jardin. Blonblon a encore en lui ce go�t du beau et de l��ternel. Si son esprit est d�s lors d�rang� et que ses tristes soubresauts de malade mental malgr� lui le clo�trent dans le n�ant et l�isolement, il n�en demeure pas moins que Mahfoud en haillons, barbe hirsute et cheveux h�riss�s, constitue l�exception absolue et surtout pas la r�gle g�n�rale qui veut que tout malade dans son cas se ressemble en g�n�ral aussi bien � travers ses agissements et r�actions qu�� ses sauts d�humeur. Que nous reste-t-il � faire alors, sinon de s�atteler � lui venir au secours pour qu�au moins son banjo sacr� r�sonne de nouveau et de la plus belle mani�re ?