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JARDINS PUBLICS � ALGER
Le no man�s land des familles
Publié dans Le Soir d'Algérie le 08 - 07 - 2008

Agression, harc�lement, attentat � la pudeur, vol... S'asseoir sur un banc, dans un jardin public, � Alger est de nos jours, mission impossible. Devenus de v�ritables coupe-gorges, ces espaces sont fuis comme la peste par toute une frange de la population, au grand bonheur des d�linquants qui s�y embusquent, attendant discr�tement d��ventuelles proies.
Square Sofia : le squat de Zohra
Square Sofia, ex-square Guynemer, situ� en contrebas de la Grande-Poste. Quelques retrait�s sont plong�s dans la lecture de leur journal ; une dizaine de couples se regardent dans le blanc des yeux regrettant de ne pouvoir faire comme dans la chanson de Georges Brassens. Impossible de se becqueter, car trois policiers leur lancent des regards de biais. Trois agents de l�ordre ont �t� affect�s r�cemment au niveau de ce square pour tenter de redorer le blason d�un lieu terni par la d�linquance, la prostitution et l�homosexualit�, pratiqu�es � ciel ouvert. Dans ce square se c�toient au quotidien, les couples, les retrait�s, les policiers, quelques prostitu�es (discr�tes) et... Zohra, une SDF qui squatte les lieux depuis plus de 6 ans. Lors de notre passage, Zohra est occup�e � r�curer assiettes et marmites au fond du jardin. Une fois la derni�re casserole rinc�e, elle essuie ses mains sur sa robe et nous invite � prendre place sur un banc... Toute sa vie g�t l�, juste � c�t� des toilettes publiques du square : d��normes balluchons de fringues, ustensiles et bric-�-brac h�t�roclite. Elle nous montre du doigt un petit gar�on qui court dans le parc. �C�est mon fils. Il ira � l��cole d�s la rentr�e prochaine. J�ai deux autres gar�ons de 14 et 16 ans, actuellement plac�s au village SOS de Draria�, confie-t-elle. �Je vis gr�ce � la charit� des gens. Je dors ici m�me et lorsqu�il pleut, je d�place mon matelas et celui de mon fils sous les arcades juste en face.� Zohra se l�ve, verse un peu de lait dans une soucoupe et appelle ses chats. �C�est l�heure de leur d�jeuner�, lance-t-elle. Mourad, le g�rant des WC, s�approche et se joint � la conversation. �Zohra fait partie du d�cor, c�est comme si elle vivait dans une maison sans murs. Elle pr�pare ses repas sur un r�chaud, �tend son linge sur les bancs et les arbres et chasse les garnements qui viennent jouer au ballon. Elle est chez elle�, conclut-il dans un grand �clat de rires.
Parc de la Libert� : m�me Rambo a les chocottes !
Coinc� entre le haut de la rue Didouche-Mourad (portail du bas) et le quartier du T�l�mly (entr�e sup�rieure), le parc de la Libert� (ex-Parc de Galland) �tait l�un des plus beaux de la capitale avant de devenir un lieu malfam�. Vol � l�arrach� (sacs � main, portables, bijoux), agressions � r�p�tition, ce jardin est connu pour �tre un v�ritable coupe-gorge. Deux agents de s�curit� de l�entreprise Edeval, assis sur un banc le confirment : �Nous faisons r�guli�rement des rondes pour dissuader les �nergum�nes qui r�dent ici de commettre leur forfait. Malgr� notre vigilance, il arrive que des personnes de passage soient d�lest�es de leurs objets de valeur.� De toute �vidence, les gens avertis �vitent d�emprunter les all�es de ce parc. Et lorsqu�elles le font, ce n�est gu�re pour s�y promener mais pour rallier rapidement la rue Didouche-Mourad � partir du T�l�mly �Voyez, nous dit un jeune trentenaire, malgr� mon 1,80 m, je presse le pas et ne peut m�emp�cher d�avoir froid dans le dos. Ecrivez dans votre journal que des gars bien baraqu�s se font agresser ici pour un simple billet de 100 DA. Vous comprenez pourquoi je ne me prends pas pour Rambo !� Ce parc, devenu un no man�s land pour les familles, abrite, outre une �cole, une biblioth�que ainsi que le Mus�e des antiquit�s et des Arts islamiques, une aire de jeux compl�tement � l�abandon. Elle se situe au fond du jardin. Les rares attractions y existant sont compl�tement rong�es par la rouille. Des herbes sauvages ont envahi cet espace. Des d�bris de verre et de gravier jonchent le sol, offrant un spectacle des plus d�solants. Et comme si ce d�sastre ne suffisait pas, un �norme poteau �lectrique g�t au beau milieu de ce terrain cens� accueillir des enfants ! Un retrait� assis sur un banc ne m�che pas ses mots. �J�ai connu ce jardin dans mes jeunes ann�es. C��tait vers 1955/1956, fulmine Arezki (64 ans). Nos yeux d�enfants �taient captiv�s par le perroquet et les deux singes pensionnaires de cette niche aujourd'hui � l�abandon �. �On allait regarder les poissons rouges barboter dans le grand bassin en contrebas du parc et admirer les pigeons blancs dans la voli�re�, ajoute-t-il avec une pointe d�amertume. Des pigeons, il n�y en a plus et le massacre porte d�horribles haillons ; un pantalon tout r�p� et une vieille couverture rapi�c�e sont accroch�s au grillage de la voli�re. �Elle sert de squat � un SDF qui s�installe sur son toit chaque nuit pour y dormir � la belle �toile�, nous r�v�le le sexag�naire. Dans ce jardin, seuls les amoureux semblent �tre au paradis. Ici, ils peuvent faire comme dans la chanson de Georges Brassens. Et d�ailleurs, ni les rares passants pressant le pas ni les jardiniers de l�Edeval absorb�s par les op�rations de plantage, b�chage et arrosage, ne semblent les perturber. Le trio couple-d�linquant-poivrot a fini par avoir raison des familles alg�roises qui ont depuis belle lurette zapp� ce lieu de leur plan sorties.
Parc Tifariti : un jardin d��den ?
Mais enfin, y a-t-il � Alger un jardin public o� on peut fl�ner ou prendre un bol d�oxyg�ne sans risquer sa peau ? Nous avons peut-�tre trouv� cet �den. Nous sommes au parc Tifariti, un nouveau jardon public ouvert il y a plus d�un an au T�l�mly. Enfants et parents y affluent tous les jours pour se d�tendre. De nombreuses attractions new generation y ont �t� install�es. Am�nag� sur une superficie de 33 000 m2, ce parc d�pendant de la commune d�Alger-Centre est tr�s agr�able � visiter : all�es fleuries (Achwiq, C�ur de nouba, Algerian dream), cascades chantantes, parcours de promenades, gazon nickel, sanitaires en bois, kiosques � confiserie, palmiers nains et eucalyptus... Des canards s�y prom�nent en toute libert� (sous la protection rapproch�e des agents de s�curit� au cas o� un tordu aurait envie d�en piquer un pour tester la recette du canard � l�orange !) D�autres volatiles, comme le paon, la poule, la pintade, ont accept� de rester sagement dans les voli�res � condition qu�on vienne leur faire la conversation de temps en temps, ce que les enfants font � longueur de journ�e ! �Enfin, un endroit o� nos enfants peuvent jouer en toute s�curit�, s��crie un couple flanqu� de ses trois rejetons ! Lors de notre passage, nous avons m�me constat� la pr�sence de femmes bouquinant tranquillement au soleil. Seul b�mol : quelques ordures jet�es �� et l� malgr� l�existence de corbeilles et un petit troupeau de moutons prenant son repas sur le gazon ! N�anmoins, ce nouveau jardin public a conquis la quasi-totalit� des personnes rencontr�es. �Esp�rons seulement qu�il ne conna�tra pas la m�me d�gradation que les autres jardins public�, insistent les visiteurs. La vigilance des autorit�s concern�es et le civisme des promeneurs sont plus que jamais sollicit�s... A bon entendeur...
Sabrina L.
Email : sabrinaL_le [email protected]


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