Emouvants rappels de la m�moire, en ce jeudi 10 juillet � A�n- Bessem, 25 km � l�ouest de Bouira. La population et les autorit�s locales, l�APC, et aussi les moudjahidine, ont d�cid� d�ouvrir une page de l�histoire de la ville de A�n-Bessem. Une page douloureuse puisque, l��v�nement rappelle le souvenir de dix personnes parmi les plus valeureuses de la ville qui furent froidement fusill�es devant la population en cet �t� 1959. Des centaines de personnes : femmes, enfants, vieillards mais aussi, les prisonniers �taient conduits de force vers le lieu pour voir ce qui allait se passer, pour que plus personne n�ose faire la m�me chose sous peine de se voir r�serv� le m�me sort. Chettar Slimane, aujourd�hui �g� de 72 ans, �tait parmi les prisonniers. Il a assist� � cet �v�nement. Il raconte. �Tout a commenc� lorsque en cette fin du mois de mai 1959, les moudjahidine ont attaqu� pendant la nuit deux endroits de la ville ; la station d�essence appartenant au colon fran�ais, Pich Berty, qui �tait � l��poque des faits, adjoint au maire d�A�n-Bessem, et la pharmacie de Guillot, �galement un colon �tabli � A�n- Bessem. Apr�s ces deux attaques, les militaires fran�ais allaient rapidement s�vir en se vengeant contre la population de la ville de A�n-Bessem, coupable, selon eux, de complicit� avec les �fellagas� comme ils appelaient nos valeureux moudjahidine. De fait, trois jours apr�s l�attaque, les militaires fran�ais, venus en renfort avec le maire de la ville, Austurin, ont quadrill� la ville avant de rassembler au niveau de la place publique toutes les personnes soup�onn�es d��tre de connivence avec l�ALN. Ils les ont embarqu�s ensuite vers la caserne 410 de A�n-Bessem, r�put�e pour ses pratiques de torture. Au total, 150 personnes, entre adolescents et adultes, furent embarqu�es. Je fus parmi eux. Pendant plusieurs jours, nous �tions � tour de r�le interrog�s et tortur�s pour nous extraire des aveux et des informations que nous ne d�tenions pas. Du moins en ce qui me concernait. Apr�s quelques jours, nous f�mes transf�r�s vers la prison de Sour- El-Ghozlane. Au deuxi�me bureau, c�l�bre pour ses pratiques atroces. L� aussi, nous avons tous subi les pires tortures et toutes sortes d�interrogatoires imaginables et inimaginables. Apr�s quelques jours de cette vie infernale o� chacun de nous souhaitait la mort pour �chapper aux s�vices dont nous �tions l�objet, nous f�mes embarqu�s de nouveau vers A�n-Bessem � bord de trois camions. Je me rappelais, parmi tous les prisonniers que nous �tions, dix avaient cette fois-ci des menottes aux poign�es. A A�n-Bessem, apr�s une nuit pass�e dans la m�me caserne, le lendemain, nous �tions le 20 juillet, nous f�mes conduits tous vers une place o� nous avons trouv� �galement des centaines de nos fr�res et s�urs ; toute la population y �tait rassembl�e. L�, les militaires ont align� les dix personnes qui avaient les menottes aux mains devant un mur. Et avant que les militaires ne les abattent de sang-froid, le maire de la ville de A�n-Bessem, Austurin, second� par un d�put� alg�rien d�p�ch� d�Alger et qui �tait avec la France, nous expliquent que si quelqu�un de nous s�amuserait � aider les �fellagas�, son sort sera le m�me que ces dix personnes. Et l�, le maire Austurin ordonna aux militaires de tirer. Des ex�cutions sommaires Les dix h�ros de la R�volution venaient d��tre l�chement assassin�s par les soldats fran�ais. Cependant, si huit d�entre eux se sont �croul�s sur le coup, deux par contre, les martyrs, Sekkak La�d et Bouchakour Mohamed, �taient toujours debout et criaient �Tahya El Djaza�r !� (vive l�Alg�rie) par trois fois avant que les militaires ne les abattent � bout portant � l�aide de pistolets en leur tirant des balles sur la tempe. Apr�s cette ex�cution sommaire, les militaires ont disparu laissant le soin aux gardes champ�tres de d�barrasser la place des d�pouilles. Quant � moi, apr�s le d�part des militaires, je fus abandonn� sur les lieux au m�me titre que les 140 autres personnes. J�avais 18 ans. Je me rappelais avoir couru des centaines de m�tres avant de me r�fugier chez une Bretonne, Mme Marcellezi, femme d�un juge, qui �tait contre la guerre et pour l��mancipation du peuple alg�rien. Elle m�accueillit dans sa maison o� je suis rest� longtemps avant de regagner ma demeure. Le lendemain, nous avons appris que les moudjahidine ont voulu se venger de ces ex�cutions mais de peur de nouvelles repr�sailles contre la population civile d�sarm�e, ils ont renonc�. Par contre, ils n�ont jamais renonc� aux d�p�ts de bombes le long des routes menant vers les maquis de Souk- El-Khmis et Makraoua, fiefs des moudjahidine. Je me rappelle de ce d�tail, car pendant plusieurs semaines apr�s cette fusillade, les militaires nous faisaient appel � chaque fois qu�ils voulaient se d�placer vers ces for�ts, en nous utilisant comme boucliers. Les Alg�riens, de la chair � canon Les militaires nous donnaient les d�tecteurs de bombes et marchaient loin derri�re nous. De la sorte, si quelqu�un d�entre nous d�couvrait la bombe, il n�avait qu�� la signaler sinon, si jamais il ne la d�tecte pas, c�est lui-m�me qui sauterait. Je fus parmi les jeunes Alg�riens qui effectuaient cette sale besogne impos�e par les soldats fran�ais � plusieurs reprises et je me rappelle avoir d�tect� une fois une bombe, d�samorc�e plus tard par les soldats fran�ais. Comprenant que cette pratique allait me co�ter la vie, des proches me conseill�rent de quitter la ville pour aller � Gharda�a, le temps que cette pratique soit oubli�e. C�est ce que je fis avant de revenir quelques mois plus tard apr�s que la pratique fut abandonn�e par les soldats fran�ais. Voil�, l�histoire des dix fusill�s telle que je l�ai v�cue personnellement en cet �t� 1959. Encore une chose que je voulais signaler. Lors de mon incarc�ration au deuxi�me bureau � Sour-El-Ghozlane, je fis la connaissance dans la cellule de deux grands moudjahidine qui avaient �t� arr�t�s dans les montagnes de Boussa�da alors qu�ils �taient bless�s. Il s�agissait des officiers de l�ALN, Mihoubi Brahim et un certain A�t Youcef. Les deux officiers de l�ALN ont �t� transf�r�s vers une destination inconnue deux jours plus tard. Apr�s ma sortie de prison plus d�un mois plus tard, j�ai appris que les deux officiers de l�ALN �taient morts l�ch�s par les soldats fran�ais depuis un h�licopt�re�. T�moignage �mouvant que celui de Ammi Slimane qui racontait les choses d�une mani�re tellement naturelle. Ce jeudi, aux c�t�s de Ammi Slimane, il y avait plusieurs autres moudjahidine de la r�gion, � commencer par l�officier de l�ALN, natif de la r�gion, Ali Drafli, le s�cr�taire g�n�ral de l�ONM de Bouira, qui �tait �galement chef de zone, Abdi Salah, l�ex-ministre Abderrazak Bouhara, le s�cr�taire g�n�ral de l�Organisation des enfants des moudjahidine, Khalfa M�barek, des cadres du RND, � leur t�te le s�nateur, le Dr Bouha Mohamed ainsi que le d�put� Maouche Mohamed. Tout ce beau monde a bien voulu partager avec la population de A�n- Bessem cette journ�e comm�morative d�une des journ�es les plus noires de son histoire, une journ�e noire mais gr�ce � laquelle les jeunes d�aujourd�hui ont pu jouir de l�ind�pendance du pays. L�ensemble de la d�l�gation conduite par le P/APC actuel de la ville, Nouri Mohamed, s�est recueilli devant les tombes des dix martyrs mais �galement celles des dizaines d�autres martyrs dont les d�pouilles furent d�couvertes apr�s l�Ind�pendance non loin du lieu o� les dix ont �t� fusill�s. Apr�s la lecture de la Fatiha � leur m�moire, les h�tes de la ville de A�n-Bessem se sont dirig�s vers la salle de la maison de jeunes Malek-Bouguermouh, o� une sympathique c�r�monie a eu lieu et o� des prix symboliques ont �t� remis aux moudjahidine et aux enfants de chouhada de la r�gion et de la wilaya. Pour rappel, pendant la guerre de Lib�ration nationale, plusieurs ex�cutions sommaires ont �t� perp�tr�es par les soldats de l�arm�e fran�aise. Au niveau de la wilaya de Bouira, outre les dix fusill�s de A�n-Bessem, il y en a eu six � Dechmia, 18 � Ath- Mansour, ex�cut�s � Maillot, ainsi que l�ex�cution par pendaison de quarante-cinq personnes au niveau de la commune de Saharidj durant la sinistre op�ration Jumelles.