Vous avez pris, depuis longtemps, la courageuse initiative, d�ouvrir les colonnes de votre journal � tous ceux qui souhaitent enrichir le d�bat national sur les questions les plus diverses impliquant le pass�, le pr�sent, ou le devenir de notre pays. Dans le num�ro du 20 juillet, ce fut le tour du Pr Addi Lahouari de le faire � travers une mise au point cibl�e, qu�il a mise � profit pour commettre un long d�veloppement sous le titre �devoir de m�moire et les imp�ratifs scientifiques�. La lecture de ce r�quisitoire am�ne, malheureusement pour lui, � la conclusion qu�il ne poss�de ni la m�moire suffisante pour traiter des probl�mes de la guerre de Lib�ration nationale, ni la m�thodologie indispensable pour les analyser de mani�re scientifique. Son analyse est bas�e essentiellement sur des pr�jug�s fallacieux � l�endroit de certains dirigeants de cette �poque et des convictions non moins fallacieuses sur l�influence de ces dirigeants sur la seule force de l�Etat post-Ind�pendance, c�est-�-dire l�institution militaire. Se d�douanant de prime abord et � plusieurs reprises de toute �hostilit� envers cette institution�, il n�en d�clare pas moins que sa forte politisation et le r�le qu�elle s�est attribu�, de l�Ind�pendance � ce jour, sont � l�origine de toutes les d�rives qui ont men� le pays, selon ses dires, � �la faillite de l��conomie nationale, l�archa�sme de l��cole, l�effondrement de l�universit�, le d�labrement des h�pitaux, l�arbitraire des tribunaux, la corruption g�n�ralis�e��, et cela par le fait que le choix des hommes � tous les niveaux de responsabilit� a �t� et est toujours impos� par l�arm�e �pourvoyeur exclusif de l�gitimit�, par officines interpos�es. Sur sa vision propre de cette institution, il la verrait, quant � lui, une arm�e �forte, disciplin�e, professionnelle, loyale, respectueuse de la Constitution et des dirigeants issus d�un suffrage populaire seul source de l�gitimit�. Sans m�attarder sur son d�ni de l�gitimit� au suffrage populaire tel qu�il se pratique dans notre pays, je reviens sur le sens qu�il entend donner, dans cette vision, � sa conception �d�arm�e disciplin�e�, qui n�a pas �t� choisi innocemment. Disciplin�e serait donc, d�apr�s lui, synonyme d�aveugle, sourde, aphone et probablement parapl�gique. Alors qu�il sache que dans la plupart des pays du monde, notamment chez les plus puissants et les plus d�mocratiques, l�institution militaire est, face aux p�rils permanents, un rempart solide, une force mat�rielle et une force morale, donc une force forc�ment politique dont le poids a un rapport direct avec toutes les strat�gies de d�fense et de survie �labor�e ou mises en �uvre. L�Alg�rie, encore moins, ne peut �chapper � cette r�gle ; elle qui a pu acc�der � l�Ind�pendance dans la pl�nitude de sa souverainet� gr�ce � l�Arm�e de lib�ration nationale et au sacrifice incommensurable d�une population qu�elle a mobilis�e et encadr�e. Depuis, elle n�a cess� de faire face aux dangers, celui de l��clatement de l�unit� int�rieure d�s les premi�res ann�es de l�Ind�pendance, puis celui de l�agression ext�rieure � sa fronti�re Ouest � la m�me �poque et d�autres dangers encore dont le plus grave a failli, durant la d�cennie rouge, emporter l�Etat, pulv�riser le ciment social, plonger la nation dans un syst�me d�un autre �ge par une exp�rience projet�e que M. Addi imaginait se d�clinant en �r�gression f�conde�. Ensuite pour expliquer comment l�institution militaire a acc�d� � ce statut de super-Etat, notre professeur-historien prend le chemin le plus saugrenu : l�influence mal�fique d�un seul homme, Abdelhafidh Boussouf qui a imprim� aux cadres de l�arm�e, une culture politique bas�e sur la volont� de puissance faisant de l�Alg�rie une �r�alit� mystique dans laquelle les Alg�riens sont dissous et n�ont aucune existence humaine�. Il ajoute : �L�esprit Boussouf a vid� l�ind�pendance de son contenu et donn� la victoire � la France trente ans apr�s l�insurrection de Novembre !� M. Addi ne mesure nullement l�incongruit� de ses propos avan�ant de nouvelles accusations d�une extr�me gravit� : Boussouf �suspicieux voyant des tra�tres partout et assassinant � tour de bras�. Boussouf �hostile � Ferhat Abb�s qu�il insultait publiquement, r�v�lant sa haine pour les politiciens et les valeurs lib�rales �. Il n�entre pas dans mon intention de r�futer dans cet article, l�inconsistance de ses propos. Cela serait sans effet sur quelqu�un qui a d�pass� toutes les limites de l�outrance contre un homme dont il ignore tout, tout en sugg�rant de �combler une lacune en pr�parant des th�ses sur sa personne �. L�outrance est dirig�e �galement et surtout contre une institution, l�Arm�e nationale populaire, qui porte bien son nom de socle puissant de la souverainet� populaire qu�elle sert par son patriotisme, son sens du devoir, sa coh�sion, sa comp�tence et son engagement. Je n�en dirai pas plus, laissant le soin aux lecteurs d�appr�cier la litt�rature de notre professeur qui a encore beaucoup de choses � apprendre sur une r�volution riche de hauts faits guerriers et de valeurs patriotiques irr�versibles, avant de distiller sa �science acad�mique� aux autres. Un conseil toutefois, que M. Addi reste dans le confort douillet de son Universit� de Lyon, dans sa nouvelle patrie ; qu�il laisse Boussouf reposer en paix, qu�il laisse l�institution militaire achever sa mission contre les ennemis en tous genres de la nation et qu�il laisse les Alg�riens d�ici assumer leur pass� et construire avec les dirigeants qu�ils se sont librement donn�s leur avenir. D. O. K. (*) Pr�sident de l�association nationale des anciens du MALG