Le Soir d�Alg�rie poursuit la publication, de morceaux choisis de l��pilogue par lequel Mohamed Chafik Mesbah conclut son ouvrage � para�tre, Probl�matique Alg�rie. Abderrahmane Seddik : Comment expliquez-vous que le pr�sident Abdelaziz Bouteflika n'ait pas choisi d'agir, de mani�re identique � l'ANP, avec les services de renseignement ? Mohamed Chafik Mesbah : Permettez-moi de rappeler � ce propos le souvenir du regrett� M'hamed Yazid. C'est lui qui m'entretenait, quelque temps avant sa mort, de cette relation ambigu�, empreinte de sentiments contradictoires, faits d'attraction et de r�pulsion, qui liait le personnel politique h�rit� de la guerre de Lib�ration nationale aux services de renseignement alg�riens. C'est � la fois du rejet fond� sur la peur et de l'admiration nourrie par le mythe. Je consid�re que le pr�sident Abdelaziz Bouteflika n'�chappe pas � la r�gle. Il existe chez lui, pour des consid�rations symboliques autant que pratiques, une r�elle volont� de r�former les services de renseignement, au sens d'annihiler la capacit� de nuisance qui leur est pr�t�e. Je ne crois pas que le chef de l'Etat en soit encore � surestimer le poids de ces services de renseignement par rapport � son propre pouvoir. Il est suffisamment habile, cependant, pour vouloir continuer � entretenir le mythe qui entoure cet instrument dont il ne veut pas se priver brusquement. Il laisse volontiers se perp�tuer l'id�e, surtout � l'usage d'une soci�t� politique habitu�e � ce genre de soumission, que ces services de renseignement tout-puissants constituent le bras s�culier sur lequel il fonde son pouvoir. Ce calcul doit intervenir, certainement, dans le peu d'empressement qu'il manifeste, du moins apparemment, � proc�der � la r�forme qu'il souhaite pourtant. Il est probable que le pr�sident Abdelaziz Bouteflika se suffit pour le moment d'avoir, jusqu'� une certaine limite, d�coupl� corps de bataille et services de renseignement et, de mani�re relative, d'avoir limit� l'influence de ces derniers dans le processus de nomination aux fonctions de responsabilit� publique. Je suis enclin, en d�finitive, � imaginer que ce sera sous la pression �trang�re, dans le cadre d'un syst�me d�mocratique en place, que la r�forme des services de renseignement pourra, � coup s�r, intervenir. Vous avez d�j� exprim� votre conception de la r�forme des services de renseignement. Sans devoir y revenir, partagez-vous l'avis des partis de l'opposition qui assimilent lesdits services � l'obstacle essentiel qui entrave l'ach�vement de la transition d�mocratique ? Il faut, au pr�alable, bien situer le d�bat. Naturellement, c'est une stupidit� que d'imaginer qu'un Etat quelconque puisse pr�tendre � une existence p�renne s'il est d�muni de services de renseignement. Je n'associerais jamais mon nom � ces pistes de r�flexion qui rel�vent de l'infantilisme. Le renseignement, qui est une fonction fondamentale de l'Etat, repr�sente une condition indispensable pour son d�veloppement. La vraie question qui doit nous pr�occuper, par cons�quent, n'est pas de savoir si oui ou non nous avons besoin de ces services de renseignement. Nous devons nous interroger, en revanche, si les services de renseignement alg�riens sont en phase avec l'�volution du monde et du pays ? Je voudrais, avant de r�pondre, examiner ces services � l'aune de deux param�tres, la symbolique li�e � l'institution et l'efficience de son action. Ces services de renseignement jouissent-ils encore de la charge �motionnelle � en particulier, cette solidarit� de corps �rig�e en culte � qui fonde symboliquement la communaut� du renseignement, �un m�tier de seigneurs �, comme le sugg�rait le chancelier allemand Bismarck ? Ces services disposent-ils toujours de l'efficacit� redoutable qui, une p�riode durant, avait fond� leur l�gende, � l'int�rieur comme � l'ext�rieur du pays ? Pourquoi cette digression me diriez-vous ? Pour indiquer, simplement, que nos services de renseignement, partiellement d�munis de cette charge �motionnelle que j'�voquais, ne disposent gu�re plus de toute l'efficacit� dont ils se pr�valaient. La solidarit� de corps, c'est un habitus social et culturel, c'est surtout une �chelle de valeurs partag�e en commun. Ce patrimoine h�rit� du MALG est largement entam�. Au cours de la phase de restauration de l'Etat, les services de renseignement alg�riens, b�tis sur les traces du MALG, ont �t� propuls�s par un puissant id�al. Ils ont su tirer profit de la disponibilit� de cadres exp�riment�s et engag�s ainsi que de l'aura populaire qui rendait leur action efficace et redout�e. Faites-vous l'�loge de l'ancienne S�curit� militaire ? Je vais m'en priver ! Ne faites pas comme Lahouari Addi, ce concitoyen comme il aime � le dire, qui a refus� d'engager avec moi un d�bat sur la politique de s�curit� nationale qu'il appelait de ses v�ux, parce qu'il exigeait de moi quasiment que je ram�ne, au pr�alable, sur un plateau, la t�te coup�e des anciens chefs de l'institution o� j'ai servi. C'est une image, bien s�r, mais le sens y est. Pour revenir � l'ancienne S�curit� militaire, il faut raisonner en contexte. Incontestablement, cela a �t� un instrument de r�pression dans le cadre d'un syst�me de parti unique. Il y a eu un prix � payer pour la stabilit� politique et institutionnelle du pays, condition n�cessaire pour son d�veloppement �conomique et social. Il serait stupide de le nier. L'ancienne S�curit� militaire a �t� aussi un outil de renseignement, hautement performant, dans le soutien � la politique ext�rieure de l'Alg�rie. Je viens de recevoir la visite d'un ancien compagnon d�pit�, justement, que l'histoire de nos services de renseignement soit d�natur�e, ou pour le moins, � ce point m�connue. Ce compagnon, dont la carri�re a �t� tout enti�re d�di�e aux mouvements de lib�ration nationale � travers les cinq continents, me rappelait quel r�le �minent l'ancienne S�curit� militaire avait jou� dans la victoire de nombreuses guerres de lib�ration nationale, en Afrique notamment, et dans le succ�s de combien de r�volutions d�mocratiques, r�sultat de soul�vements populaires, sans compter le soutien efficace qu'elle sut apporter � des mouvements de r�sistance de gauche en Am�rique latine. Ce compagnon se lamentait que l'imaginaire populaire en soit arriv� � percevoir ces services de renseignement comme le bouclier d'int�r�ts compradores ! Je me livre � cette digression pour inciter � la retenue dans l'analyse des ph�nom�nes de cette nature. Si, pour gagner son brevet de d�mocrate, il est exig� de moi de renier l'h�ritage positif de l'institution o� j'ai choisi de servir pour rester fid�le � mon id�al patriotique, je renonce, volontiers, � ce parchemin. Revenons � la situation pr�sente� Il faut bien admettre que l'ardeur patriotique et l'efficacit� op�rationnelle dont �tait cr�dit�e cette ancienne S�curit� militaire n'ont pas r�sist� au ph�nom�ne d'usure, � l'image de cette perte de bonne gouvernance qui touche toutes les institutions du pays. Ces services de renseignement, � un moment donn�, ont bien jou� un r�le dynamique en servant de rempart contre l'�croulement de l'Etat alg�rien. Ils ont exerc� �galement un certain r�le stabilisateur, �touffant dans l'�uf les crises internes du r�gime, ce qui a permis au syst�me de se p�renniser. A leur actif �galement, un r�le de coloration, disons patriotique, dans la sauvegarde du patrimoine �conomique national. Leur empreinte, sans �tre exclusive, est perceptible dans l'abrogation de la loi sur les hydrocarbures en 2005. Ils ne sont pas �trangers � la contrari�t� que subissent certains processus de privatisation douteux. Ce r�le de stabilisation du r�gime politique et cette �uvre de sauvegarde du patrimoine �conomique sont, sans commune mesure, avec les exigences de mue du syst�me. Par rapport � la conjoncture politique qui pr�vaut en Alg�rie, je consid�re que les services de renseignement alg�riens ne sont plus en mesure d'entraver un puissant mouvement social orient� vers la transformation du syst�me. Les cadres de renseignement alg�riens ont �t� form�s pour lutter contre la subversion interne � entendez l'opposition qui n'�tait pas l�gale �, ils se sont adapt�s, avec plus ou moins de succ�s, pour combattre le terrorisme, ils ne sauront certainement pas �touffer un mouvement de masse. J'invite, en ce sens, nos hommes politiques � visiter les pages d'histoire des peuples qui ont impos� le syst�me d�mocratique. Vous ne pensez tout de m�me pas que le DRS est plus puissant, plus efficace, plus retors que la Stasi allemande ? Voyez ce qu'il en est advenu lorsque les conditions historiques de la chute du syst�me communiste ont �t� r�unies. Je ne consid�re pas qu'il faille faire du d�mant�lement des services de renseignement alg�riens un pr�alable � l'ach�vement de la transition d�mocratique. Mais l'observation des processus historiques universels, similaires � celui qui se d�roule dans notre pays, indique que l'adaptation des services de renseignement alg�riens aux exigences du syst�me d�mocratique est une n�cessit� absolue. A l'adresse de nos leaders politiques, je recommande de ne pas trop ergoter autour de l'influence jug�e excessive du DRS sur la vie politique nationale, mais de se h�ter de favoriser l'instauration du syst�me d�mocratique. Je fais le pari que les cadres de ces services de renseignement tant d�cri�s finiront par se ranger au choix du peuple en faveur du syst�me d�mocratique, d�s lors que la situation aura atteint le stade de m�rissement requis. Dans l'intervalle, il faut souhaiter naturellement que les services de renseignement du pays ne s'ing�nient pas � mobiliser leur capacit� de nuisance au profit d'une d�marche d'entrave � cette progression naturelle, je dirais in�luctable, de la soci�t� vers la libert�. C'est une r�ponse alambiqu�e. Dites clairement si les services de renseignement sont fond�s � noyauter partis, organisations syndicales et mouvement associatif. Ne faites pas de moi un t�moin � charge. Il m'est arriv�, certes, d'interroger, de mani�re brutale, les responsables de ces services de renseignement sur l'int�r�t qu'ils portent � la soci�t� politique. Voici, d�sopilante de bon sens, leur r�ponse : �Les partis et les syndicats constituent pour nous des sujets d'attention � l'image de toutes les autres institutions nationales, dans le but de pr�venir et de neutraliser les men�es hostiles, �trang�res notamment�� Bien s�r, me diriez-vous, si l'int�r�t manifest� � la soci�t� politique �tait inspir� par ce seul motif, rien de plus l�gitime. Je vous conc�de, alors que l'ordre d�mocratique est menac� lorsque des appareils administratifs interf�rent sur le champ politique avec la volont� d'�touffer et de manipuler la dynamique naturelle des partis, des organisations et des associations. Mais, je m'�chine � le r�p�ter, cette probl�matique est d�pass�e en Alg�rie. Les services de renseignement peuvent toujours s'�vertuer � vouloir contr�ler la soci�t� virtuelle, ils ne contr�leront qu'une fiction de soci�t� politique. La dynamique politique naturelle qui agite la soci�t�, dans ses entrailles, �chappe � toute vell�it� de contr�le. Le pr�alable du d�mant�lement des services de renseignement est un alibi pour les leaders politiques qui refusent de mettre la main dans le �cambouis�. Je m'inscris en faux d'ailleurs contre ceux qui assimilent arbitrairement les cadres de renseignement alg�riens � des mercenaires, des b�tes de r�pression brutales. Vous ne pouvez pas imaginer ce que la ferveur patriotique est cultiv�e chez nombre d'entre eux qui versent seulement le prix de cette mauvaise gouvernance dans le pays qui se donne � lire dans le dysfonctionnement de l'institution. Tous les cadres des services de renseignement alg�riens ne peuvent pas �tre assimil�s arbitrairement aux professionnels de la r�pression qui composaient la police politique portugaise, la PIDE, celle-l� m�me qui fut la seule force organis�e � s'opposer � la �R�volution des �illets�. Tous ne sont pas, non plus, sans nuance, des hommes sains, des esprits r�novateurs et des cadres chevronn�s, choy�s par un Youri Andropov, porteur d'un v�ritable projet national qui s'appuierait sur une r�forme intelligente de l'institution. Abderrahmane Seddik : Quels sc�narios imaginez-vous � propos des perspectives de d�nouement de la crise en Alg�rie ? Mohamed Chafik Mesbah : J'esp�re que votre question ne concerne pas la r�vision constitutionnelle ou le troisi�me mandat sollicit� pour le pr�sident Abdelaziz Bouteflika. C'est l� un d�bat byzantin pour lequel je ne veux pas disperser mon �nergie. Le cercle pr�sidentiel s'est, d'embl�e, plac� dans une logique de �terre br�l�e � qui le conduit � totalement occulter les consid�rations d'ordre juridique, politique ou m�me diplomatique. Mais, par-del� les personnes, admettez que c'est le syst�me dans sa globalit� qui est en cause, pas m�me le statut du chef de l'Etat, ni sa politique du moment. Je suis persuad�, peu importe le nom, que dans les conditions actuelles, les pr�sidents de la R�publique en Alg�rie sont interchangeables. Il est vrai, cependant, que le pr�sident Liamine Zeroual, agissant dans les limites du m�me syst�me, a favoris� plus qu'il n'a entrav� l'avanc�e du pays. Comment faut-il alors proc�der pour examiner l'avenir ? Pour examiner l'avenir, il faut dresser l'�tat des lieux avec ses projections sur le futur. L'�tat des lieux se rapporte au statut des acteurs r�els dans la vie politique, � la situation de sinistre �conomique, � l'effritement de la coh�sion sociale, � la conjoncture s�curitaire d�l�t�re, � l'influence ext�rieure sans cesse grandissante. C'est l'analyse combin�e de tous ces param�tres qui permettra de d�gager les sc�narios qui doivent r�ellement retenir notre attention. Cette analyse combin�e, en des moments d�termin�s de l'�volution de la situation du pays, a constitu� le c�ur de cet ouvrage. Limitons-nous � envisager, pour une �ch�ance rapproch�e, les deux sc�narios les plus probables. Le sc�nario id�al serait celui o� le pr�sident Abdelaziz Bouteflika, prenant conscience que le statu quo �tait intenable, en viendrait � favoriser la relance du processus de r�formes politiques. Il pourrait d�cider de passer la main, en s'en tenant aux dispositions actuelles de la Constitution, deux mandats seulement. C'est un sc�nario utopique. L'amendement envisag� �tant apport� � la Constitution, si le chef de l'Etat choisissait quand m�me d'organiser, � �ch�ance rapproch�e, un peu � la mani�re du pr�sident Zeroual, une �lection pr�sidentielle anticip�e, il serait amen� � engager de vrais pourparlers avec l'ensemble des forces politiques repr�sentatives pour d�gager une plate-forme qui �num�rerait les principes du consensus, fixerait les objectifs de la d�marche, en d�terminerait les �ch�ances et en r�glerait enfin les modalit�s pratiques. Un v�ritable dispositif de substitution � celui en place qui est d�l�gitim�. Peu importe que les puissances �trang�res soient associ�es � une telle d�marche. La volont� interne puissamment exprim�e suffit amplement. C'est un sc�nario l� aussi chim�rique, bien �videmment. Rien dans l'�tat d'esprit du pr�sident de la R�publique n'indique qu'il soit dispos� � abandonner la d�marche autoritariste actuelle. Chez les leaders de l'opposition, rien n'indique que les querelles intestines ont �t� r�sorb�es, que les pulsions �gocentriques ont �t� r�prim�es et que la disponibilit� soit pr�sente pour une d�marche concert�e avec un candidat unique pour la prochaine �lection pr�sidentielle. Alors remettons les pieds sur terre... C'est le sc�nario catastrophe qui reste le plus vraisemblable. Tous les d�veloppements contenus dans cet �pilogue tendent � d�montrer que le verrouillage renforc� de l'espace politique, l'aggravation des conflits sociaux et la recrudescence des actions terroristes constituent des hypoth�ses plausibles. La politique de la �terre br�l�e� � en d'autres termes �apr�s moi le chaos� � que semble vouloir pratiquer le cercle pr�sidentiel aiguisera fatalement les clivages et renforcera les contradictions. Certes la rente p�troli�re temp�re quelque peu la rapidit� du processus de r�gression qui affecte le pays, mais l'antagonisme entre soci�t� virtuelle et soci�t� r�elle ne pourra aller qu'en s'aggravant jusqu'� rendre toute cohabitation impossible. Si une direction politique �clair�e parvient � �merger pour canaliser la violence, un changement de syst�me pourra intervenir pacifiquement. Si l'insurrection d�bouche sur une situation d'anarchie end�mique, la dislocation de la coh�sion sociale et la d�flagration de l'unit� territoriale sont � pr�voir, suivies d'une probable ing�rence �trang�re� Pourquoi ne tenez-vous pas compte, dans vos sc�narios, de la maladie du pr�sident de la R�publique ? Je refuse d'avancer sur ce terrain mouvant. Dans la culture des soci�t�s musulmanes, cela constitue, en effet, une faute morale que de s'attarder sur l'�preuve de sant� d'un �tre humain pour en tirer gloire ou profit. Eduqu� tout � fait dans cet esprit, je refuse d'aborder, avec l�g�ret�, un domaine qui rel�ve d'abord de la vie priv�e du chef de l'Etat. Avouez que c'est la crainte de repr�sailles qui vous interdit d'aborder ce sujet tabou� Je ne suis plus en �ge de m'attarder sur ce type de crainte. Interrogez, si vous le voulez, mes anciens compagnons. A la v�rit�, mon �ducation est ainsi faite. J'ai beau �tre hostile � la d�marche politique du pr�sident Abdelaziz Bouteflika, je ne nourris pas de ressentiment subjectif pour sa personne. Vous pouvez le constater, quelque part, dans cet ouvrage, lorsque j'affirme ne pas avoir ressenti de r�serve fondamentale au moment o� il avait �t� question, � partir de 1993, de son retour aux affaires. Je lui pr�f�rais, certes, pour des consid�rations objectives et subjectives, le Dr Ahmed Taleb El-Ibrahimi. Je ne pensais pas, cependant, que Abdelaziz Bouteflika postulerait pour la magistrature supr�me sans avoir pris la pr�caution de se doter d'un projet national et sans avoir pris le soin de constituer une �quipe de gouvernance. Je m'en suis seulement rendu compte qu�apr�s qu'il eut acc�d� � la pr�sidence de la R�publique, en 1999. S'il pouvait m'�couter, je lui recommanderais volontiers la lecture d'une lettre pleine de sagesse que l'�crivain �gyptien Taha Hussein, en f�vrier 1947, � travers la revue El Hilal, adressa au roi Farouk. Cette missive parsem�e de m�taphores, au rythme musical et au style flamboyant, ne manque pas de marques apparentes de respect pour le roi Farouk. Mais homme de c�ur et de conviction, Taha Hussein, analyste remarquable du genre humain, d�plore que le roi, retranch� dans une tour inaccessible, accepte d'�tre s�par� de son peuple par un foss� infranchissable. Il rappelle au souverain �gyptien que la mort est la fin de toute destin�e humaine, n'h�sitant pas � le mettre en garde contre les enivrements de la vie terrestre, le caract�re factice de la gloire et la dur�e �ph�m�re de la richesse. Difficile de traduire un tel morceau d'anthologie, je me suffis d'en livrer un extrait dans la langue originelle : Vous �voquiez aussi une raison d'ordre scientifique et m�thodologique� Effectivement. Le secret est tellement bien gard� autour de la maladie du pr�sident Abdelaziz Bouteflika que nous ne disposons pas d'informations officielles et recoup�es, un vrai bulletin de sant� estampill� �H�pital du Valde- Gr�ce�. Une analyse s�rieuse ne peut pas reposer sur des sp�culations. Permettez-moi, cependant, d'envisager la question autrement. Certes, le chef de l'Etat, dans un syst�me pr�sidentiel, joue un r�le important dans la vie nationale. Encore plus en Alg�rie o� le pr�sident Abdelaziz Bouteflika dispose de tous les leviers de commande. Pourtant, je n'oublie pas cette fracture entre soci�t� virtuelle et soci�t� r�elle qui relativise tous les pouvoirs officiels. Faut-il imaginer que le pr�sident Abdelaziz Bouteflika en soit arriv� � disposer des m�mes moyens de coercition sur la soci�t� que l'ancien pr�sident serbe Milosevic ? Lorsque l'heure de la fin du syst�me serbe, dans son ancienne configuration, a sonn�, le r�gime Milosevic n'est-il pas tomb� comme un ch�teau de cartes ? Je reste persuad� que le d�fi porte moins sur le passage de relais entre personnes, dussent-elles �tre chefs de l'Etat, que sur la n�cessit� de faire rendre �me � un syst�me obsol�te. Vous disculpez, en quelque sorte, le chef de l'Etat de toute responsabilit� dans la situation que vous d�crivez� Au risque de para�tre laudateur, il m'arrive parfois d'envisager l'hypoth�se o� le pr�sident Abdelaziz Bouteflika, soucieux de laisser son empreinte sur l'Histoire, soit tent� par une d�marche d'essence vraiment politique. Mais c'est pour aussit�t prendre acte qu'il en est emp�ch� par ce cercle pr�sidentiel dont il est devenu quasiment l'otage. Dans le m�me esprit, lorsque je me surprends � imaginer que le pr�sident Abdelaziz Bouteflika, plut�t que de toucher � la Constitution, pourrait songer � une sortie honorable, en favorisant, un peu � la mani�re du pr�sident Liamine Zeroual, l'alternance au pouvoir, la f�rocit� de la cour qu'il subit ou qu'il a choisi de subir me rappelle imm�diatement � l'ordre.