Ils ne seraient pas nombreux les Alg�rois qui, en cette p�riode de cong�s, sont partis en vacances. En juin et juillet, Alger, la capitale, n�a pas eu les senteurs des grandes �vasions. Illustration la meilleure de ce que les vacances ont �t�, pour la majorit�, tout juste une coupure avec le milieu professionnel. Se pouvait-il �tre autrement pour des Alg�rois pour qui, en la conjoncture, �conomiser un p�cule pour des vacances rel�ve quasiment du domaine de l�impossible. Sofiane A�t-Iflis - Alger (Le Soir) - D�j� qu�il boucle p�niblement ses fins de mois, l�Alg�rois n�est pas si d�raisonnable que cela pour aspirer � s�offrir des vacances. Forc�ment, il a castr� en lui tout r�ve de farniente. Cette ann�e plus qu�auparavant. Son pouvoir d�achat s�est tellement d�grad� qu�il peine � vivre, se contente de survivre. Alors, les vacances ! C�est la chose � laquelle il pense le moins. A laquelle, il ne pense plus. �Les vacances, c�est pour les nantis. Nous, salari�s, nous nous consolons � suivre le tour de France cycliste � la t�l�vision et guettons les Jeux olympiques de P�kin. La vie ch�re nous a viss�s au petit �cran�, confie Hamid, la quarantaine et aucun soup�on de bronzage sur la peau. Mari� et p�re de deux enfants en �ge d�aller user la salopette sur les bancs de l��cole, Hamid dit n�avoir jamais organis� des vacances pour lui et sa petite famille. Et ce n�est pas qu�il soit du genre � aimer l�ermitage. Il affirme simplement n�avoir jamais eu les moyens. Il r�side dans une cit� p�riph�rique d�Alger o� il loue un appartement de type F3 � raison de 15 000 dinars le mois. Il est cadre d�entreprise et s�estime plut�t assez bien r�mun�r�. �Vous savez, avec le loyer pay� � 15 000 dinars le mois, la facture d��lectricit� et gaz, l�eau, le transport et la nourriture, j�empreinte souvent pour finir les mois. Ma femme, qui n�a pas travaill� jusque-l�, a �t� bien oblig�e de se chercher un emploi. Elle vient d�en d�crocher un. Je crois que nous allons contracter un cr�dit automobile. C�est vraiment n�cessaire�, confesse- t-il. Combien sont-ils dans une situation similaire ? In�luctablement, une grande majorit�. Pour acc�der � un brin de vie descente sertie d�un semblant de confort, les m�nages alg�riens ont de plus en plus recours aux cr�dits, qui pour l�acquisition d�un v�hicule, qui pour les am�nagements int�rieurs, qui pour �quiper cuisine et salon et qui� Les rets de l�endettement sont tenaces et on ne se lib�re pas ais�ment. �Il est vrai que le recours aux cr�dits � la consommation vous permet d�am�liorer un tant soit peu votre v�cu mais en contrepartie vous n��tes plus ma�tre de votre budget. Il n�y a plus d��conomies possibles. Vos salaires servent � rembourser. Un argent que souvent vous ne toucherez pas des doigts. Les vacances ? Si elles aussi �taient � cr�dit, peut-�tre qu�elles seraient possibles pour ma petite famille et moi�, note Abdelkader, les cheveux grisonnants qui ne font pas de lui un intrus parmi les quinquag�naires. Eh oui, si les vacances �taient � cr�dit ! La majorit� d�Alg�rois en consommerait fort certainement sans mod�ration. Histoire de rattraper tous les �t�s perdus, pass�s � frire sous le soleil, loin de la mer ou � s�empiffrer de couscous et g�teaux en allant d�une f�te � l�autre. Cela co�te en cadeaux mais il faut bien rendre la civilit� � qui on la doit. L��t�, les cort�ges nuptiaux, les klaxons et les d�cibels � vous perforer les tympans meublent les cong�s d�une majorit� d�Alg�rois. Quand l�appel de la grande bleue se fait irr�sistible, ceux qui vivent � mille lieues de la c�te consentent le d�placement et le plongeon. Pour un jour ou pour un week-end. �Passer des vacances en bord de mer, je n�y pense m�me pas. �a co�te tellement cher que m�me si j�y mets toutes mes �conomies, et en plus elles sont maigres, je n�aurai pas pour plus de deux � trois nuit�es d�h�tel�, r�pond Dalila, sourire au coin des l�vres. Elle est ing�nieur et bosse pour une entreprise publique. Dalila, comme la plupart des salari�s alg�riens, est sevr�e de vacances au sens bien compris d�organisation et d��vasion. Pourtant, elle en r�ve. Mais elle sait que son r�ve n�est pas permis dans cette Alg�rie o� s�accrocher au train-train quotidien rel�ve de la performance. Une rentr�e sociale co�teuse et capricieuse Dans un mois, la raison c�dera devant le caprice du ventre. L�Alg�rois, comme chaque Ramadan, d�pensera sans compter. Le mois, plein de pi�t�, est aussi gastronomiquement exceptionnel. Il autorise toutes les gourmandises. Toutes les folies. Para�trait fou celui qui d�penserait sa menue �conomie � s�offrir des vacances et se priver, septembre durant, des mets qui garnissent la table le mois sacr�. Para�trait aussi irresponsable celui pour s��tre offert des moments d��vasion se retrouverait dans l�incapacit� d�acheter les trousseaux scolaires pour sa prog�niture. �Comment voulez-vous qu�on s�offre des vacances alors qu�on sait que de tr�s grosses d�penses nous attendent en septembre. Il y a la rentr�e des classes et le mois de car�me. D�j� sans me payer des vacances, je ne suis pas s�r de m�en sortir �, dit doctement Slimane qui, attabl� � une terrasse d�un estaminet, dans cette grouillante rue Didouche- Mourad, sirote un caf� comme les Alg�rois aiment � en commander, c�est-�-dire bien serr�. Slimane est en cong� annuel qu�il a choisi de consommer cette ann�e au mois de juillet. Il accomplit un semblant de rituel quotidien : vir�e au march�, le matin, un caf� vers 10 heures sur cette m�me terrasse, d�jeuner vers 13 heures, sieste et puis le reste de l�apr�s-midi, il tue le temps, comme on dit, comme il peut. Il n�a rien pr�vu d�autre que de recommencer le m�me geste durant tout le mois. Peut-�tre qu�il irait pour quelques jours au bled, en Kabylie. Mais ce n�est pas encore d�cid�. �Les gosses vont se baigner dans les plages environnantes. Ils vont en bandes de copains. Ils pr�parent leurs sandwichs � la maison. Je ne peux pas leur payer leurs sandwichs � l�ext�rieur. D�j� que je leur paie le ticket de bus !� avoue-t-il, non sans g�ne visible. Il a une fourn�e de 5 gosses, tous scolaris�s. �Ce n�est pas facile, vous savez !� conclut-il, comme dans une invitation tacite � faire le calcul par nous-m�me. Chabane, lui, est un c�libataire endurci. Il a la trentaine r�volue. Il travaille. Il gagne un salaire mais pas de quoi faire des folies. Lui aussi ne pense pas aux vacances. �Pour s�offrir des vacances, il faut avoir plein de billets dans plein de sachets noirs�, ironise-t-il. M�me c�libataire, il se plaint des fins de mois difficiles. Il nous ressort d�ailleurs cette formule d�j� entendue quelque part auparavant : �En Alg�rie, les fins de mois sont difficiles, notamment les 30 derniers jours.� �a ne manque pas d�intelligence. La formule sied bien au v�cu de la majorit�. Un v�cu qui ne fait pas place aux vacances.