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LETTRE DE PROVINCE
MILICES DES PLAGES ET �LOGE DE L�AYATOLLAH
Publié dans Le Soir d'Algérie le 16 - 08 - 2008


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Les milices de la foi sont de retour. Elles traquent � nouveau les ��carts� au nom des bonnes m�urs chassant les estivants des rivages de la mer. Pire, elles n�h�sitent �galement pas � recourir � l�odieuse lapidation physique en d�cr�tant, quasi-apostat, le dernier cabaretier de village. Sous le soleil vertical d�un mois d�ao�t br�lant, des pasdarans d�un autre rite agissent ainsi � visage d�couvert et dans l�indiff�rente �neutralit� � de l�autorit� publique.
Quand la culture de la vendetta, cette forme tribale de se faire justice soi-m�me, parvient � faire la jonction avec les archa�smes de la religiosit�, l�on ne peut que constater les d�g�ts g�n�r�s par l�id�ologie officielle. Les manifestations de Tichy, les nervis de Cheta�bi et le d�lire collectif ayant abouti � l�insupportable crime de Sidi- A�ssa n�ont-ils pas une seule et m�me explication ? Celle de l�application � la lettre de la �fetwa� fondatrice de l�actuel r�gime qui, depuis son av�nement en 1999, n�a eu de cesse de faire de la p�dagogie au sujet de l�excellence du mariage de la r�publique et de la mosqu�e. En d�naturant d�une mani�re perverse un concept de sociologue ayant trait � la �f�condit� de la r�gression�, ce pouvoir d�Etat n�en a-t-il pas fait une norme au nom d�un curieux ressourcement � n�importe quelle mystique, f�t-elle le patronage des zaou�as ? Aux manettes de la r�publique � la veille du XXIe si�cle, c�est la m�me �quipe qui, de nos jours, se plaint de n��tre pas comprise et unanimement soutenue par la soci�t�, allant jusqu�� accabler cette derni�re d��tre l�unique responsable des maux qui la d�litent ! En somme, l�habituelle mauvaise foi du politicien au pouvoir chaque fois qu�il se fait doubler par l�activisme des enturbann�s dont il en avait fait des alli�s. Pris au pi�ge de ses anciens calculs (r�conciliation, amnistie, entrisme islamique), le r�gime avait invent�, il y a 9 ann�es de cela, le mill�narisme � rebours. Une modernit� qui ne sut mettre en perspective et en valeur que ce qu�il y a de plus contestable dans notre pass�. Une marche � reculons qui fit la part belle au pi�tisme de masse juste pour faire pi�ce au populisme de l�islamisme politique dont les stigmates de l�ex-Fis sont encore visibles. En d�veloppant ce mod�le de substitution, o� la mosqu�e et les zaou�as redevinrent les centres des valeurs � enseigner, il r�habilita, sous une forme, diff�rente de celle des impr�cateurs de 1990, les r�flexes d�intol�rance. C�est donc ce rendez-vous avec le XXIe si�cle qu�il ratera lamentablement. Un virage certes symbolique et qui n�a de valeur qu�� travers les calendriers mais n�anmoins indicatif pour mieux dater les v�ritables changements. Car audel� de sa mystique originelle, le mill�narisme a justement surv�cu en s�adaptant, au fil des si�cles, aux exigences de la raison et des valeurs universelles que sont les libert�s publiques et l�Etat de droit, notamment. Chez nous, h�las, le souci de marquer chaque �poque �tait accessoire. La pr�occupation universelle de changer de m�urs toutes les fois o� l�on change de temps ne s��taitelle pas illustr�e, en l�an 2000, par le grand battage autour d�une dr�le de paix sans condition ? La clochardisation actuelle de la soci�t� date pr�cis�ment de ce momentcl� quand les rep�res basiques furent balay�s par l�alchimie de la th�ocratie et du r�publicanisme profane. Irr�m�diable r�gression qui a install� la soci�t� dans l�impasse. Incapable d�imaginer par elle-m�me des voies de sortie et des projets, elle se fracture et part en petits morceaux au moment o� le pouvoir fonctionne comme un exorciste pour lui sugg�rer qu�elle n�est qu�une maladie imaginaire. En fait, parce qu�il est en panne totale que celuil� use de la m�thode Cou�. L�auto-suggestion comme ersatz politique. S�il est notoirement admis que cette pr�sidence a fait tout faux durant neuf ann�es et qu�au lieu de r�inventer l�esp�rance et de r�armer moralement la soci�t�, elle a fait l�inverse, il faut par contre admettre que notre passif national remonte � plus loin. La mani�re dont furent conduites les affaires du pays depuis 1962 contresigne l�avortement de l�Etat national. Les gouvernements qui s�y �taient succ�d� n��taient-ils pas tous affect�s de myopie caract�ris�e face aux devoirs de leurs charges ? Les insatiables app�tits politiques et leurs corollaires le diktat du fauteuil d�abord et l�inclination � fonctionner sur le court terme ensuite, n�ont-ils pas fa�onn� une classe politique plus � l�aise dans l�esbroufe des faux r�sultats que scrupuleuse par l�autocritique ? C�est bien elle qui excluait sciemment du champ de sa pratique du pouvoir toute d�marche novatrice. Pire que la gabegie �conomique, ce furent les r�flexes st�rilisants du noyau dur du pouvoir et son opacit� id�ologique qui torpill�rent toutes les phases historiques : �t� 1962, juin 1965, octobre 1988, janvier 1992, novembre 1995� et la pr�sidentielle cocasse d�avril 1999 ! Pour oser une comparaison, l�Alg�rie a adopt� et impos�, d�s l�ind�pendance, la praxis en vigueur chez la bureaucratie stalinienne sans en avoir les respectables r�f�rences doctrinales. En Alg�rie, elle s��tait ciment�e autour d�un appareil militaire et un conglom�rat de politiciens f�d�r�s par le parti unique. La suite est connue. Le non-partage du pouvoir de d�cision et l�absence de consultation finirent par marginaliser les �lites. C�est ce terreau qu�exploitera intelligemment le populisme du FIS qui mit en place un �frontisme� d�opposition � celui du FLN monopoliste. En d�cr�tant la guerre sainte apr�s son interdiction, cet islamisme politique arm� disqualifiait du m�me coup l�ensemble de la mouvance int�griste. Tournant historique pour ce pays tout � fait pr�t � accoucher d�une v�ritable r�publique mais tout de suite suivi par le coup d�arr�t de septembre 2000 (r�f�rendum sur la r�conciliation) qui recycla les r�f�rences religieuses dans le lexique de l�Etat comme en t�moignait encore r�cemment l�ex-chef du gouvernement. Ainsi, lorsqu�un pouvoir est rattrap� par ses propres contradictions puis confondu par son absence de rectitude politique, il ne peut advenir dans ce pays que ce qui vient de se commettre : une immolation � Sidi-A�ssa, des vacanciers en fuite � Cheta�bi et des pr�dicateurs � Tichy. Et comme la confusion n�arrive jamais seule, il se trouve qu�au m�me moment, le pr�sident de la R�publique, afin de se rappeler au souvenir de ses sujets, n�a pas trouv� plus valorisant que de faire l��loge post mortem d�un certain ayatollah ! �Simple geste diplomatique�, se d�fendra-t-on sans doute, sauf qu�au premier degr�, les paroles de T�h�ran sonnent comme des visas dans les mosqu�es de nos bourgades. B. H.


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