Tarek Alaouache nous a fait parvenir une nouvelle contribution qui permet d�entretenir le d�bat ouvert entre Mohamed Chafik Mesbah et Lahouari Addi. Soucieux de participer � cette �uvre d�essence d�abord p�dagogique, nous publions, volontiers, son texte. Tarek Alaouache est un doctorant en sociologie � l�Universit� de Perpignan Via Domitia o� il pr�pare une th�se intitul�e Mythe et repr�sentations du pouvoir chez les �lites alg�riennes contemporaines sous la direction du Pr Ahmed Ben Naoum. Il me para�t �vident que l�enjeu du d�bat d�passe de loin la d�termination simple du sens � donner � l��uvre politique de Boussouf et � ses implications historiques. Derri�re ces consid�rations, se r�v�lent des conceptions qui s�affrontent, � la lisi�re de la pens�e r�flexive et du militantisme politique, sur la trajectoire historique de l�Alg�rie ind�pendante et des diff�rentes causes qui l�ont conduite � l�impasse politique actuelle. Le discours intellectuel n�ayant pas encore d�termin� avec assez d�exactitude ce qui est � penser dans l�Alg�rie politique d�aujourd�hui, et dans la trame, voire l�engrenage historique, qui nous y a conduits, je voudrais � cet �gard marquer ma diff�rence d�avec la tendance � la �scientifisation� du d�bat qui marque ses deux perspectives principales. Il n�est pas du tout s�r que le ou les probl�mes �tudi�s ici soient mati�res � science dans le sens de la production d�une structure ou d�un syst�me unique de propositions dites scientifiques capables d�expliciter les diff�rents d�terminismes ayant produit la situation politique que nous tentons de comprendre. La question proprement scientifique du rapport entre causes et effets ne peut �tre s�par�e, dans le contexte de l�analyse politique, de la r�flexion sur les fins des organisations et des structures � analyser et des moyens d�agir sur elles. Il est par ailleurs s�r que des probl�matisations radicalement diff�rentes et mutuellement exclusives peuvent avoir, � des niveaux de lecture divergents et � propos d�objets circonscrits diff�rents, une certaine validit� alors m�me qu�elles paraissent contradictoires ou incompatibles. Le d�bat tel qu�il a �t� pos� n�est absolument pas neutre � cet �gard tant son enjeu semble �tre strictement politique dans le sens o� il semble structurer l�approche du probl�me trait� par des dispositifs particuliers orient�s vers des fins non moins particuli�res. En effet, la domination supput�e ou postul�e des services de renseignement alg�riens sur l�appareil d�Etat y a �t� �rig�e en principale clef de lecture de l�histoire et de l��volution politique de notre pays. Ce choix n�est ni neutre, ni �scientifique�, dans la mesure o� il est fond� sur l�arr�t, s�rement arbitraire et probablement non fortuit, de la cha�ne d�explication des r�alit�s � analyser sur une cause sp�cifique : il n�y a, de fait, pas plus de raison de consid�rer la domination susmentionn�e, si elle venait � se confirmer dans l��tendue que lui donne ce d�bat, comme cause de la faillite g�n�ralis�e que comme effet d�une structure sociale et politique. Elle est les deux. Plus important : quoi qu�il en soit, cette cause particuli�re n�est qu�une partie du syst�me tr�s compliqu� de causes qui a produit le situation actuelle. Consid�rer, en effet, que les services de renseignement sont les producteurs principaux de la crise alg�rienne est une position qu�il faut �tayer et justifier de mani�re beaucoup plus convaincante que ce qui est montr� plus particuli�rement par M. Addi. Par quel myst�re cette domination serait plus �responsable� dans la crise alg�rienne que le choix, quasiment incontest� � l��poque, du socialisme comme mod�le de d�veloppement, ou le fait qu�au sortir de la guerre de Lib�ration, 80% des Alg�riens �taient analphab�tes� L�argumentaire en pr�sence ne le montre pas, il se contente de marteler ses �v�rit�s�� Le raisonnement, contestable en tout point, est tr�s simple : si la �faute�, dans l�impasse multidimensionnelle de l�Alg�rie, est au �pouvoir�, ce sont les services de renseignement ou le DRS qui en sont les principaux �coupables� puisqu�il le contr�le de part en part. Ce raisonnement fait fi d�une chose fondamentale : la r�flexion critique sur les institutions, les structures et les comportements sociaux ne s�est jamais confondue avec la mise en accusation morale des protagonistes en lutte dans un champ politique. La pens�e r�flexive rigoureuse n�a pas pour mission de d�terminer les �coupables� d�une situation historique ou d�un contexte social sur la base d�un jugement moral qui fixe a priori ce que devraient �tre la soci�t� et le pouvoir pour ensuite juger ce qu�elle voit, elle a pour but de rendre la complexit� et de comprendre l�articulation de ces derniers avec des processus sociaux et politiques plus larges que la simple mise � l�index du pouvoir �tatique visible ou �tablie. L�approche analys�e fait �uvre de militantisme politique radical, pas de r�flexion distanci�e vis-�-vis des enjeux directs de la sc�ne politique. En fait, si le type de pens�e r�flexive que je pr�conise ici peut donner lieu � une indignation morale, l�inverse n�est pas possible si l�on veut parall�lement et sp�cifiquement se r�clamer de pr�tentions � la �v�rit� ou au moins � la validit�. C�est cette intrication du moral, de l�id�ologique et de l�analyse politique qui ob�re � la base l��uvre sociologique et militante de Addi Lahouari. Sa position est sous-tendue par une conception assez simpliste et assez r�pandue de l�histoire sociale et politique : celle-ci serait directement le produit de structures et d�institutions �tatiques. Cons�quemment, il focalise son regard sur la structure du pouvoir qu�il croit deviner dans les modes de gouvernance pass�s et actuels de l�Alg�rie. On aura compris que ce type de probl�matisations impose une sortie de la r�flexion critique, que l�intention des discours en lutte veut �scientifique�, pour le d�bat proprement politicien, n�ayant ni le recul historique n�cessaire, ni l�autorit� obligatoire de la preuve. Le syst�me de pr�cautions m�thodologiques qui s�impose dans une r�flexion rigoureuse nourrissant de telles ambitions est bafou� par un argumentaire fond�, jusqu�� preuve du contraire, sur des sources inv�rifiables et sur ces v�rit�s que �chacun sait et que personne ne peut prouver� � il a visiblement pour but de servir comme machine de guerre contre le �pouvoir�. Les d�tails historiques s�lectionn�s sont organis�s dans un syst�me discursif qui a pour effet de f�tichiser ce dernier, en s�appuyant sur l�apparente opacit� des processus de d�cision qui le caract�risent, dans des proportions que M. Addi ne justifie nullement par des arguments ou une r�flexion intellectuellement convaincants. A le suivre, le syst�me politique de notre pays serait un paravent pour les services de renseignement et pour leur avatar actuel en l�esp�ce du DRS. M�me le pr�sident Bouteflika n�y coupe pas : il serait une �marionnette�. C�est ce service qui contr�le tout et qui d�cide de tout dans notre mod�le politique. Ce sont ces services qui ont toujours tout contr�l� dans le r�gime. Ils sont donc responsables et coupables de la d�liquescence avanc�e de notre pays. L�histoire nationale de ces cinquante derni�res ann�es serait le produit d�un ou de plusieurs complots dirig�s par une caste irr�m�diablement corrompue de militaires. Que cela soit d�abord clair : il n�est pas dans mon intention de nier a priori l�implication des services de renseignement dans la conduite et la gestion de la vie politique, ni de pr�munir le gouvernement ou les processus de d�cision occultes ou visibles d�une n�cessaire critique, j�estime simplement salutaire la tentative d�en identifier la nature, l��tendue et les limites dans des conditions qui permettent leur appr�hension lucide loin des positions militantes, des r�ductions simplistes et des affirmations sans fondement autre que la rumeur, et, avant tout, loin des proc�s d�intention moraux. La th�se en pr�sence, telle qu�elle est formul�e, ne peut ni prouver sa validit� politique, ni revendiquer sa profondeur th�orique, car malgr� l�int�r�t politique de la d�monstration et le magist�re de son auteur, les raccourcis intellectuels et m�thodologiques du syst�me argumentatif d�ploy� au cours du d�bat sont patents : M. Addi semble en effet porter l�hypertrophie du concept de domination, cher � M. Weber, dans des limites et dans un domaine th�orique que ce dernier n�avait ni imagin�, ni abord�. Je crois m�me que le plus grand des machtpolitiker allemands n�aurait jamais endoss� l�utilisation du concept et ce qu�il recouvre dans cette acception-l�. Les acteurs n�agissent pas et ne construisent pas le syst�me, c�est-ce dernier qui agit � travers eux. L�individu, officier sup�rieur du DRS, homme politique, fonctionnaire, ou simple �citoyen�, est ��cras� par les rouages de l�organisation qui le subsume. Je suis m�me tr�s �tonn� de voir un intellectuel averti comme M. Addi se r�f�rer � un penseur comme M. Crozier dans une telle construction th�orique. Ce dernier, dans L�acteur et le syst�me, se positionnait explicitement contre la sociologie et la philosophie de la domination telles que P. Bourdieu, M. Foucault et les marxistes la pratiquaient dans les ann�es 60 et apr�s. Il pensait que l�acteur, m�me dans les r�gimes les plus totalitaires et les organisations les plus rationalis�es, gardait une marge de man�uvre qui finissait toujours par perturber le fonctionnement pr�vu et planifi� du syst�me. Ce qu�il voulait dire en rapportant l�acteur � l�organisation sociale et politique est simple : les ph�nom�nes sociaux ne sont ni des additions ni des oppositions de subjectivit�s, les cons�quences et les conditions de possibilit�s des comportements individuels d�passant de loin l�entendement et la conscience individuels. Pour lui, cependant, cela ne voulait pas dire que l�individu y �tait �cras�, il gardait fondamentalement sa �libert�, le probl�me �tant essentiellement une question de niveau de lecture. Ces consid�rations n�engagent, bien s�r, que leur auteur, mais il me semble n�cessaire de les rappeler tant les concepts sont d�form�s pour les besoins de la d�monstration. Quoi qu�il en soit, la perspective sociologique de M. Crozier implique une constatation fondamentale : le sens et le fonctionnement d�une organisation ou d�un syst�me ne recouvre pas le sens ou la volont� des individus qui les font et vice-versa. M�me s�il gagnerait � �tre mod�r�, le raisonnement de M. Addi n�est cependant pas totalement infond�, il se trompe simplement d�objet et d��chelle : il postule que l�unique ou la principale structure de pouvoir dans notre pays et dans notre soci�t� se loge dans les arcanes secr�tes des services de renseignement et il ne tient � focaliser son regard et le n�tre que sur cet �l�ment. Ainsi, le jugement moral qu�il porte sur les militaires alg�riens est noy� sous le vocable de �syst�me�. Il jure ses grands dieux que les m�canismes politiques de domination se mettent en place � l�insu des sujets qui les portent, et peuvent s�accommoder de personnes moralement irr�prochables, mais il ne se prive pas moins de les incriminer comme acteurs et promoteurs d�un syst�me mafieux qui n�a en vue que la sauvegarde de son propre pouvoir. La m�thode est tr�s fine : le sociologue �crase l�individu dans l�organisation puis finit par incriminer cette derni�re. La suite du raisonnement est assez facile � faire pour le lecteur, m�me si l��minent sociologue ne le fera pas � notre place. En cela, il commet exactement ce qu�il reproche � M. Mesbah, sauf, qu�au lieu de �compatir �, il incrimine sur la base d�un certain nombre de convictions individuelles profondes. Le fait d�opposer une certaine conception de la morale � l�immoralit� ou l�amoralit� du r�gime montre parfaitement en quoi la distinction de l�acteur et du syst�me devient, en derni�re analyse, superflue et purement rh�torique. Comment, en effet, d�personnaliser le d�bat quand la trame en est une morale ? La r�ponse est simple : ce n�est pas possible. La morale est l�une des principales grilles de lecture de l�individu dans la soci�t�. Cela explique son intrication profonde avec la notion de �conscience�. On aura compris le fond du probl�me : une moralit� et un projet politique particuliers qui veulent se couvrir du voile de la science et de la v�rit� gr�ce et pour la lecture orient�e d�une situation politique. La posture du moraliste pr�suppose deux jugements fondamentaux : 1- il pense sa morale comme la seule possible ou la meilleure envisageable ; 2- il croit qu�elle organise effectivement la soci�t� ; et � d�faut, il pense qu�elle devrait n�cessairement le faire. Cette description rend assez bien le genre de pens�e sociologique et politique pratiqu� par M. Addi. Le r�ductionnisme moral qui la structure de part en part tente d�imposer un syst�me de valeurs particulier, celui de la morale humaniste, comme analyseur universel des formes forc�ment contingentes d�organisation politique et sociale de notre monde. Il oublie que la morale n�a jamais �t� qu�une petite partie des dispositifs qui r�glent les syst�mes d�action en soci�t�. Ceci est vrai � telle enseigne que des moralistes radicaux comme J�rgen Habermas ont en parfaitement conscience. Chez ce dernier, les concepts d�espace public et de monde v�cu ont �t� strat�giquement con�us pour contrer l�immoralit� ou l�amoralit� du syst�me de la soci�t�. Je refuse par cons�quent d��riger des syst�mes moraux en crit�re d�analyse d�une organisation sociale ou d�une strat�gie politique. Car si, dans la vie quotidienne, les actes d�un individu peuvent relever du jugement moral, la chose doit �tre prise avec beaucoup de m�fiance et de circonspection concernant l�approche th�orique des probl�mes de la soci�t� et du politique. Qu�on se comprenne bien : les ph�nom�nes sociaux molaires ont beau justifier d�une lecture morale par le sujet pensant, ils ne sont n�anmoins pas d�termin�s par elle. La moralit� invoqu�e pour justifier et l�gitimer des organisations, des syst�mes ou des conceptions politiques ne peut-�tre pr�munie d�une analyse critique. A l��vidente fragilit� de son raisonnement semi-transcendantal, le moraliste joue la carte de la faillibilit� morale des hommes, et face � cette imperfection morale, il joue la carte du �droit�. Et le cercle ne s�arr�te pas l� : face aux d�rives et aux insuffisances du �droit�, le moraliste invoque l�imperfection du monde et des intentions morales qui le conduisent. Dans ce genre de conceptions, la loi est cens�e mettre le ou les syst�mes de valeurs au centre de l�organisation sociale, elle vise � d�terminer leur devenir historique. C�est l�origine du prisme �tatique � l��uvre dans le discours moral et politique �tudi�. Il mobilise une technologie gouvernementale, dont les conditions de possibilit� et les cons�quences concr�tes sont loin de ressortir � la simple conscience morale, dans une lecture apolog�tique des processus historiques qui ont construit le monde �moderne� et les formalisations id�ologiques qui les l�gitiment. Je ne nie pas que le droit soit une garantie relative de s�curit� pour les individus qu�il constitue en �citoyen�. Cela � la simple condition qu�il soit pris pour ce qu�il est : c�est-�-dire une garantie de s�curit� fond�e sur le monopole de la violence l�gitime, et une mani�re parmi d�autres d�organiser l�action en soci�t�, mais certainement pas l��piphanie ou la parousie du bien universel dans le monde. L�effet et la fonction du droit ne se confondent pas avec les intentions morales qui ont pu le produire en surface. C�est la critique principale que le moralisme kantien a subie du point de vue de la sociologie et il semble malheureusement n�cessaire de la r�activer pour notre compte. Le discours qui actuellement s�en r�clame l�gitime un certain type de rapport de pouvoir au nom d�une universalisation utopique des int�r�ts moraux visant la r�duction, m�me imparfaite, de la violence ill�gitime. C�est une entreprise moralement louable, mais elle produit une assez mauvaise sociologie politique pour la simple raison qu�elle en ignore ou justifie les cons�quences politiques concr�tes : le quadrillage int�gral de la soci�t� par l�organisation politique. Le fait de la domination dispara�t parce qu�il est l�gitim� par une morale. Avant de poursuivre, il faudrait pr�ciser une chose d�importance : la r�flexion sur le concept et la r�alit� du pouvoir est s�rement lacunaire en Alg�rie, et il me semble que les pr�suppos�s th�oriques du d�bat tel qu�il a �t� pos� n�am�liorent pas grandement la situation. Il importe en effet de comprendre quelque chose de fondamental : le �pouvoir�, ce n�ud gordien et n�anmoins point noir de la philosophie politique telle qu�elle s�est d�velopp�e en Occident, n�est ni une chose, ni une propri�t� ni une caract�ristique qu�un individu ou un groupe d�individus s�approprieraient aux d�pens du reste de la soci�t�. Le �pouvoir�, si cette notion peut correspondre � quelque chose de r�el, ce dont personnellement je doute, est l�effet surimpos� d�un rapport et d�une relation politique d�gag�s dans et par l�analyse pour comprendre l�organisation politique, les syst�mes d�action et les formes de la socialit� qui structurent un groupe humain. Ce que le concept tente de d�signer ne s�exerce que dans la relation et le lien social, et celui-ci n�est jamais un pur rapport d�imposition ou de force. Plus grave : toute r�flexion sur le pouvoir rel�ve elle-m�me d�une strat�gie politique qui organise un certain nombre de moyens r�flexifs pour r�aliser des objectifs non seulement intellectuels mais �galement sociaux et politiques. Il faut donc en finir avec ce f�tichisme qui pose p�remptoirement et na�vement des concepts miintellectuels mi-populaires cens�s produire des �v�rit�s� qui dissimulent leur caract�re proprement politique par des pr�tentions malvenues � la scientificit�. Il est en cons�quence plus qu�urgent d��tendre et d�orienter l�analyse critique des formes et des structures du pouvoir dans notre soci�t� � la grille de lecture servant aux �lites intellectuelles pour d�chiffrer la situation politique, �conomique et sociale que vit notre pays. On aura remarqu� que mon discours ne se revendique d�aucune science, mais d�une analyse critique de la r�alit� et des discours qui en rendent compte. Tout le d�veloppement pr�c�dent vise un but simple : il faut absolument sortir du jugement moralisateur de culpabilisation/ inculpation du �pouvoir� propre aux conceptions morales et politiques g�n�ralement d�fendues en Alg�rie et il faut corr�lativement et n�cessairement soumettre � l�analyse et � la critique le discours de victimisation de la soci�t� tenue par de larges pans de �l�opinion publique� et des �lites intellectuelles, sachant que les deux tendances (victimisation/culpabilisation) sont les deux faces d�une m�me m�daille. Une appr�hension lucide des r�alit�s politiques et sociologiques de notre pays exigerait en effet une analyse �quilibr�e des strat�gies de pouvoir � l��uvre dans son champ politique au sens large : car si le syst�me de s�lection et de cooptation des �lites politiques doit �tre analys� pour autant que le chercheur puisse disposer d�une information v�rifiable, le mode de fonctionnement et les politiques que ces �lites m�nent ne sont ni assimilables ni r�ductibles � ce syst�me de s�lection. Mieux : les programmes d�action gouvernementaux et les discours qu�ils occasionnent sont, jusqu�� preuve du contraire, l�un des rares objets politiques analysables dans le cadre somme toute strict d�une analyse rigoureuse et intellectuellement fond�e des modes de gouvernance et de �pratique du pouvoir� dans notre pays. Il serait d�ailleurs salutaire que l�on comprenne une fois pour toutes qu�une soci�t�, des gouvern�s ou m�me des gouvernants ne sont ni des caisses enregistreuses, ni une mati�re inanim�e manipulable � merci. Dans un pays o� l�Etat est loin, tr�s loin, de recouvrir la soci�t�, l�attitude d�une population face au gouvernement est une strat�gie de pouvoir tout aussi fondamentale que la nature d�un syst�me politique ou les types de gouvernance qu�il pratique. Les uns sont tout aussi d�termin�s par l�autre que le contraire, les rapports politiques ne se limitant pas � la gouvernance. (A suivre) T. A., doctorant en sociologie Universit� de Perpignan Via Domitia