La s�ance des questions et r�ponses qui s'est d�roul�e la semaine derni�re � l'Assembl�e a mis en �vidence, encore une fois, le manque de pudeur de certains ��lus� de la nation. Il s'agissait pour un d�put� du Hamas d'�trenner son nouveau bulletin de salaire en montrant le prix qu'il attachait � la morale et � la vertu (islamiques). Il a donc interpell� la ministre en charge de la Culture sur les sc�nes d'idol�trie provoqu�es par le chanteur �gyptien Tamer Hosni, lors de son dernier concert � Alger. Pour m�moire, l'�lu islamiste a sans doute �t� choqu� par la �ghanima� (butin), sous forme de bijoux, collect�e par le chanteur, en plus des serments d'amour �ternel. Il a �t� question aussi du complexe �Riadh-el-Feth�, dont nous tra�nons le boulet depuis un quart de si�cle. Comme la ministre contestait l'aptitude du d�put� de la coalition gouvernementale � donner des le�ons, ce dernier a vivement r�pliqu� : �C'est le peuple qui m'a charg� de vous interroger !� J'ai soudain compris pourquoi le peuple �tait de plus en plus pauvre : il vit et �lit au-dessus de ses moyens. Payer aussi cher un d�put�, simplement pour poser des questions et indisposer un ministre d�j� g�n� aux entournures, d�note un manque de s�rieux �vident. Pourquoi diable s'offrir un tel luxe alors qu'un simple SMS ou un email peuvent permettre de substantielles �conomies ? Pour le reste, je vous renvoie � la chronique de notre ami Boubekeur Hamidechi, qui a tout dit, me semble-t-il, samedi dernier. La sortie du �Douktour�, Salim Al- Aoua, �gyptien et voisin de palier du Hamas d'ici et de Gaza, m�rite elle aussi son pesant d'indignation. Salim Al-Aoua, catalogu� comme penseur islamiste, n'a pas �t� charg� par le peuple d'interroger les astres et l'Histoire. Comme notre d�put� surpay�, il se croit investi d'une procuration divine et il agit en tant que tel. Commentant l'�boulement de roches qui a litt�ralement an�anti le quartier de Dou�ka, pr�s du Caire, il a affirm� que cet �boulement �tait une punition de Dieu. Selon lui, les habitants de ce quartier ne vivaient pas en accord avec les ordonnances divines et ne respectaient pas la Charia. Le quotidien Al-Badila publi� une lettre de lectrice, en r�ponse aux propos insens�s du tr�s m�diatis� �penseur � de la foi. �Dr Salim, que Dieu t'accorde ses bienfaits ! As-tu go�t� � la faim ? Sais-tu ce que c'est de dormir la nuit avec des r�chauds � gaz parce qu'il n'y a pas d'appareils de chauffage en hiver ? Sais-tu ce que c'est de se vendre pour un plat de miel noir et une moiti� de miche de pain ? Et quand le Parti national d�mocratique (au pouvoir) vient leur distribuer des appareils de chauffage et de la nourriture pour qu'ils votent pour lui. Que penserais-tu s'ils r�agissaient en manifestant et en criant : �A bas, � bas Hosni Moubarak� ? Il me reste une question, Docteur, et Dieu sait combien je te respecte : o� �tais-tu � l'�gard de ces gens ? Qui est all� vers eux, pour les informer, pour les faire parler ? Qui s'est pr�occup� de les �duquer, de les nourrir ou de leur faire conna�tre leurs droits ? Ces gens n'ont pas conscience d'avoir des droits, ils sentent seulement qu'ils sont des infra-humains ! As-tu essay�, Docteur Salim, d'aller vers eux et de leur dire : �Tu es un �tre humain, tu as une dignit� et tu as des droits. On te vole ! Tu es un citoyen et ce pays est le tien. Descends dans la rue et r�clame tes droits !� Tu n'as pas pens� � leur r�p�ter les paroles de Abou Dar-Al- Ghiffari : �Si un musulman a faim, personne n'a du bien.� Tu les a abandonn�s, Docteur. Et le jour o� ils meurent, tu dis que Dieu est en col�re contre eux ! Alors, qui va-t-il agr�er s'il manifeste sa col�re contre des gens qui soul�vent la poussi�re, une femme respectueuse qui se nourrit dans les poubelles. Une respectueuse frapp�e � coups de chaussures, une respectueuse qui vend ses enfants, qui vend ses organes. Une respectueuse dont les enfants jouent avec des scorpions, une respectueuse et les siens, dont la peau se l�zarde et se d�chire sous les effets de l'�pre hiver. Des respectueux entour�s de canaux d'�vacuation des eux us�es, qui ach�tent une eau pollu�e � 4 lires le jerrican. Des respectueux qui voient des gens partir � bord de voitures longues de six m�tres, qui voient d'autres arriver, tellement gros et adipeux qu'ils ne peuvent marcher. Ils ne jettent pas un regard sur ces gens si respectueux et qui remercient Dieu. Si Dieu est en col�re contre ces gens-l�, sur qui alors aura-t-il un regard indulgent ? � Commentant cette lettre, le r�dacteur en chef du quotidien d'opposition affirme qu'il ne serait pas �tonn� de voir la presse publique publier des lettres de soutien � Moubarak, �manant des morts de Dou�ka. Le Ra�s est, en effet, directement d�sign� par la presse comme le principal responsable des catastrophes en s�rie qui ont endeuill� l'Egypte ces derni�res ann�es. Dans le cas des �boulements de Dou�ka, des experts cit�s par la presse ont mis en cause les infiltrations d'eaux us�es d�vers�es par les nouvelles villas construites en amont du bidonville martyr. La revue Sawtal- oumma rebondit sur les d�clarations l�nifiantes de Salim Al- Aoua en lui r�pondant indirectement : �Ne vous en prenez pas, � tort, � la pr�destination et � la volont� divine. Ceux qui ont accueilli les officiels �gyptiens � coups de pierres savent bien que la fatalit� n'a rien � voir. Moubarak et ses ministres qui n'ont pas daign� venir savent qu'ils sont responsables de tout �a. Le pire, c'est qu'ils continuent � disserter avec arrogance sur leurs pseudor�alisations. � �Et si nous devons encourir la col�re divine, ajoute le journal, c'est parce que nous avons laiss� le r�gime de Moubarak perdurer. Nous nous sommes laiss� humilier, gruger, pi�tiner sans demander des comptes. Nous avons permis qu'on nous vole, qu'on nous spolie et nous avons tol�r� de mourir sans en �prouver du chagrin. Nous avons eu peur d'�tre r�prim�s et nous avons eu la mort. Nous avons eu peur des sacrifices et nous nous sommes retrouv�s sacrifi�s. Chaque ann�e, il meurt autant d'Egyptiens que ceux qui sont tomb�s dans les guerres. Ces derniers sont des �martyrs�, reconnus de tous, mais ceux qui meurent dans les catastrophes sont simplement des �victimes�. Ils meurent sans dignit�, sans cause, sans reconnaissance et sans m�rite. Ils meurent en silence car ils ont v�cu en silence. Ils ont ferm� la bouche et refus� de dire la v�rit�. Ils ont accept� l'humiliation et ils ont attendu la d�livrance, alors que l'�p�e du tyran �tait l�, brandie au-dessus de leurs t�tes. Le tyran, porte-malheur, est l� � r�gner, � corrompre et � �gorger. Oui, nous resterons dans cet �tat, d'une mort � l'autre, jusqu'� ce que les feux de l'enfer nous d�livrent�, conclut le journal. Moubarak est trop vieux pour solliciter un nouveau mandat mais son fils se pr�pare � la succession, dit-on. Tout ceci n'a �videmment rien � voir avec cette actualit� nationale qui nous pr�occupe.