Id�e re�ue : �Le Ramadan est le mois de la pi�t� et du travail. � C'est ce qu'on nous enseigne, depuis la plus tendre enfance, sur toutes les ondes et sur toutes les lucarnes. C'est une id�e re�ue en mains propres, comme un colis pr�cieux � sauvegarder jalousement. Un coup d'�il autour de vous ! Mieux encore : placezvous en face de votre miroir aux alentours de midi ! Vous y lirez le plus cinglant d�menti � la seconde partie de cette formule, un rien p�remptoire. Si, toutefois, vous avez eu � c�ur de valider le premier terme, ce dont vous me permettrez de douter. Le Ramadan, c'est en r�alit� le mois de tous les exc�s, de tous les dangers ; le mois o� tous les religieux, en mal de reconnaissance, se m�lent de tout et de rien. Avec la prolif�ration des cha�nes satellitaires religieuses ou assimil�es, la fetwa est devenue aussi courue que la datte ou la zlabia de Boufarik. Alors que le march� de la finance se d�lite, celui de la fetwa conna�t de hausses spectaculaires, au point de faire appr�hender ce krach qui ne viendra, h�las, jamais. En mati�re de fetwas, il n'y a pas de d�p�ts de bilan, en effet, ni de faillites frauduleuses et encore moins d'interdictions d'entreprendre. Lorsqu'un banquier commet une faute professionnelle, la sanction imm�diate est la disparition ou le rachat de sa banque, avec la perspective d'un saut, sans parachute, du haut d'une tour. Les auteurs de fetwas erron�es ou ridicules ne se suicident jamais. Ils sont l� pour fournir des viatiques spirituels aux futurs kamikazes. M�me s'ils �mettent des �dits qui font se tordre de rire la moiti� de la plainte et font monter la rougeur au front de l'autre moiti�, les �fetwistes� regrettent rarement leurs �dits. Et lorsqu'ils se �repentent�, selon la formule consacr�e, c'est pour mieux revenir � la charge au Ramadan suivant. Nous avons donc vu, au d�but de ce Ramadan 1429, le cheikh saoudien Al-Louhaidane, pr�sident du tribunal de grande instance du royaume, sonner la charge contre les propri�taires de cha�nes satellitaires, jug�es licencieuses. Il les a donc condamn�s � mort sans comparution, � l'exception des patrons de la cha�ne du Hezbollah Al- Manar, injoignables et ceux de la cha�ne Iqra, intouchables. Devant la lev�e de boucliers observ�e � l'int�rieur et � l'ext�rieur de l'Arabie saoudite, Salah Al-Louhaidane s'est expliqu� sans se r�tracter pour autant. Ces patrons de t�l� doivent �tre tu�s mais de fa�on l�gale, c'est � dire apr�s avoir �t� condamn�s � mort par un tribunal d�ment qualifi�. Un tribunal qui pourrait �tre pr�sid� par le grand magistrat. Le r�sultat serait le m�me mais la proc�dure aurait le m�rite de donner un sursis, et une chance de se pourvoir, au condamn�. C'est ainsi qu'un pr�sident de tribunal de grande instance con�oit le fonctionnement de la justice en monarchie wahhabite. Avec un aussi bon d�but, il fallait une suite de la m�me veine, voire une conclusion logique � une saison hors normes cart�siennes. C'est un pr�dicateur saoudien, Mohamed Al-Moundjid qui s'en est charg�, en plein milieu du Ramadan. Le th�ologien, qui a apparemment toute sa raison, a lanc�, en effet, une fetwa de mort contre Mickey Mouse. Vous savez, la c�l�bre souris de Walt Disney � laquelle d'aucuns ont fait l'affront de comparer son monde au n�tre. Al-Moundjid est parti d'un constat aussi simpliste qu'hors de propos : les souris sont consid�r�es comme des animaux r�pugnants et ha�ssables en Islam et il faut les exterminer. Ce sont des �soldats d'Ibliss� qui doivent �tre �limin�s, selon lui, et il faut donc tuer Mickey Mouse. Comme d'habitude, les propos ont eu pour r�sultat de soulever un immense �clat de rire en Occident. Inutile de vous dire la vol�e de bois vert distribu�e par l'honorable coll�ge des th�ologiens arabes auxquels il ne faut pas en remontrer en la mati�re. Dans le groupe de ceux qui ont perdu une belle occasion de se taire, il faut citer la �Douktoura� Souad Salah, professeur de th�ologie enseign�e aux filles � Al-Azhar. Dans une d�claration rapport�e par un journal �gyptien, elle a qualifi� de �stupide� la fetwa sur Mickey Mouse. Ce qui a fait dire � l'�crivain �gyptien Adel Hoze�n que la fetwa de mort lanc�e par ladite Souad Salah contre un converti au christianisme �tait tout aussi �stupide�. Quant � notre ami Sammy Al-Buha�ri qui vit aux Etats-Unis et qui sait ce que �Bled-Mickey� veut dire, il a d�cid� de traiter le sujet par la d�rision. �Je d�teste toutes les souris du monde, dit-il, � l'exception de quatre d'entre elles : la souris de l'ordinateur, la souris Jerry, le rat Mickey Mouse et le rat mexicain Speedy Gonzal�s. Aussi, je soutiens la fetwa de cheikh Mohamed Al-Moundjid qui a lanc� la chasse aux souris. Mais je ne suis pas d'accord avec ses attaques contre Jerry et Mickey Mouse. Pour tout vous dire : Al-Moundjid fait partie de cette caste de cheikhs qui s'attaquent � tout ce qui est beau. Ils ont peur du moindre sentiment de bonheur et ils sont plong�s dans l'affliction � la simple vue de gens heureux.� Des id�es re�ues, on en � engrang�es � profusion dans nos bo�tes postales, je pense surtout � celles qui nous sont parvenues en contre-remboursement et que nous payons encore. Tenez : cette id�e de l�Oumma islamique qui transcende tout, de la parent� religieuse qui fait de vous un fratricide, voire un parricide. Depuis des d�cennies, des g�n�rations enti�res ont �t� mobilis�es pour la cause de la �Communaut� des croyants�, choisie comme mod�le pour l'humanit�. Au nom de l'Oumma, nous avons bris� les liens du sang et du sol et nous avons d�finitivement tourn� nos regards vers la pointe la plus effil�e, et la plus aiguis�e, du croissant. Les partisans de l'Alg�rie avant tout ont �t� vite submerg�s par les tenants du tout religieux, une fois la parenth�se Boudiaf h�tivement referm�e. Assur�ment, l'Iran et l'Arabie saoudite offraient plus de s�ductions que Boudiaf aux adeptes du culte des opportunit�s. L'un �tait une puissance nucl�aire et l'autre poss�dait l'arme absolue : les lieux saints de l'Islam. On ne peut que prier, et dans la bonne direction, lorsque la providence a mis tous les atouts de ce c�t�-l�. Jusqu'ici tout semblait fonctionner normalement � la grande satisfaction de nos d�mocrates en gandoura blanche. Les chemins de la r�demption �taient d�sormais aplanis, dam�s et pouvaient mener jusqu'au tombeau de Khomeyni. Seulement, ceux qui pensent et agissent � notre place, sans se faire prier, ont d�cid� de changer les choses. Karadhaoui a d�terr� une nouvelle fois la hache de guerre contre ce qu'il appelle l'expansionnisme chiite. Selon lui, l'Egypte est d�j� investie par les l�gions iraniennes ainsi que la Jordanie et le Maroc � l'ouest. Il y a du vrai dans ce que dit Karadhaoui mais pourquoi soulever cette question, pr�cis�ment en ce moment, alors que l'Alg�rie est engag�e dans une nouvelle idylle avec l'Iran. En quoi le chiisme, � l'iranienne, serait-il plus nocif que le sunnisme d'observance wahhabite ? Autre id�e re�ue toute fra�che et par courrier anonyme : le troisi�me mandat et ceux qui s'ensuivront ne sont l� que pour permettre au pr�sident, � vie ou au long cours, de postuler au prix Nobel. Dans l'imm�diat, le projet semble compromis puisque l'Egyptien Moubarak para�t bien plac� pour �tre Nobel au b�n�fice de l'�ge. Mais tout vient � point � qui sait attendre. Et dire que pendant des ann�es, on nous a rebattu les oreilles avec ce �Nobel�, soumis au diktat am�ricano-sioniste. Qu'est-ce qui a chang� pour que des nationalistes arabes, mortellement patriotes, courent � perdre haleine pour que leurs chefs obtiennent cette distinction ? Une id�e � recevoir ?