On peut tout imaginer dans le cadre d�une chronique qui est l�exercice le plus personnel de toutes les formes journalistiques, mais se prendre pour le pr�sident de la R�publique peut �tre interpr�t� comme le signe majeur d�une pr�tention sans limites et un glissement vers un narcissisme outrageusement insultant pour un homme qui tient plus que tout � sa modestie. Donc, pr�cisons-le pour les amis lecteurs qui pourraient nous prendre pour ce que nous ne sommes pas : il ne s�agit que d�une politique-fiction. Je n�ai ni les capacit�s, ni l�envie d�ailleurs de remplir ce r�le. Voil�, je viens d��tre �lu. Je convoque le ministre des Finances et lui demande de r�duire toutes les d�penses fastueuses impos�es par le protocole. Plus de meubles import�s � prix d�or et de garde-robe �labor�e par les stylistes de renom ; juste le strict minimum. Mon bureau sera de style berb�re. Il y a des artisans qualifi�s pour me cr�er un mobilier qui fera l�envie de mes visiteurs par sa sobri�t� et son ancrage dans les traditions mill�naires de mon peuple. Quand un roi ou un pr�sident vient en Alg�rie, je pense qu�il n�a pas � dormir dans une chambre import�e ou s�asseoir sur un fauteuil sign� par les cr�ateurs les plus prestigieux de Paris ou de Milan ! Ce serait d�une telle vulgarit�. Par contre, �tant en Alg�rie, je me ferai un plaisir de lui montrer la richesse de notre patrimoine architectural, culturel et m�me culinaire. Apr�s avoir convoqu� le ministre des Finances, je prendrai l�avion pour Mascara o� je d�poserai une gerbe de fleurs sur la st�le �rig�e � la m�moire de l��mir Abdelkader, fondateur de l�Etat moderne alg�rien. Puis, tout pr�s, j�en ferai de m�me sur la tombe du martyr Zabana, premier condamn� � mort de la guerre de Lib�ration. A Tlemcen, j�irai embrasser mes amis, ces grands patriotes qu�on met malheureusement dans le m�me sac d�un r�gionalisme souvent combattu par un r�gionalisme plus abject encore. Je dirai � Tlemcen que le temps de la vraie r�conciliation est venu et que les martyrs, dont le sang arrose chaque centim�tre de ces terres gorg�es d�h�ro�sme, pourront enfin reposer en paix : leur ville et leur r�gion seront d�sormais dans le c�ur de tous les Alg�riens. Je ferai le serment de tout entreprendre pour donner � cette partie ch�re de mon pays la place qu�elle m�rite : celle d�une seconde capitale. De l�, j�irai � Constantine pour me recueillir sur la s�pulture de l�imam Ben Badis, r�formateur et �ducateur qui a lutt� pour un islam de tol�rance et de fraternit�, un islam qui combat l�obscurantisme, l�arri�ration et s�oppose cat�goriquement aux confr�ries religieuses r�ticentes au progr�s et � la science. A c�t�, � Guelma, j�irai faire un p�lerinage � A�n-Hassania pour dire � la tribu des Boukharouba : �Merci d�avoir donn� � l�Alg�rie un homme qui a rendu leur dignit� aux khamm�s et aux bergers. Merci d�avoir permis � leurs enfants d��tre des m�decins, des ing�nieurs et des architectes qui honorent l�Alg�rie partout dans le monde !� Dans la r�gion de M�sila, je ferai une halte � la maison des Boudiaf et demanderai � la famille l�autorisation de la transformer en mus�e pour honorer la m�moire du grand combattant qu�il fut et du pr�sident honn�te et courageux qu�il a voulu �tre. A Biskra, je m�inclinerai sur la tombe du colonel Chabani, assassin� par les dictateurs en herbe, tous complices du fauchage d�un des �l�ments les plus qualifi�s de la jeune Arm�e nationale populaire. Ceux qui ont donn� l�ordre de le tuer et ceux qui ont si�g� au tribunal l�ayant condamn� et qui se sont tus, assistant passivement � la funeste fusillade, sont tous responsables devant l�Histoire ! Ayant connu son fr�re il y a quelque temps pour d�fendre, dans ces colonnes ou d�autres, la m�moire et l�honneur du martyr, je lui donnerai une franche et fraternelle accolade et pr�senterai � la famille les excuses du peuple alg�rien. De l�, je ferai un saut dans les Aur�s pour lancer un message d�espoir aux populations locales. Je grimperai sur les cimes du Ch�lia pour dire aux familles �prouv�es par la mis�re et les fausses promesses que des programmes sp�ciaux vont �tre annonc�s pour leur permettre de retrouver leur dignit�. Je leur dirai qu�elles sont �galement concern�es par les mesures qui seront prises dans le cadre du plan national pour la sauvegarde et la promotion de la langue nationale amazigh. J�irai en Kabylie, pays des hommes debout, pour dire aux enfants de B�ja�a, Tizi-Ouzou, Bouira que le temps de la r�conciliation est arriv�, que l�Alg�rie a besoin d�eux pour b�tir un nouveau r�ve. J�irai me recueillir sur la tombe de Lalla Fatma N�soumer et annoncerai � partir de ce lieu l�abrogation du code de la Famille et la fin de la polygamie. Je pr�senterai des excuses aux descendants de l�h�ro�ne pour le massacre t�l�visuel et l�affreuse image de la civilisation berb�re donn�e par le feuilleton tourn� en� Syrie. J�irai �galement sur la tombe de Massinissa Guermah, martyr de la lutte citoyenne, et demanderai que des rues, des �tablissements scolaires et des localit�s portent son nom. Je demanderai aux Arouch de passer me voir � Alger. Je leur pr�senterai mon plan pour r�gler d�finitivement la crise kabyle du d�but des ann�es 2000. Je leur parlerai de ma conception de la d�mocratie : c�est le syst�me qui garantit l�alternance et qui ne peut �tre que l�expression de la volont� populaire ; pas celle que l�on convoque frauduleusement pour prolonger les mandats au-del� des limites impos�es par la Constitution, mais celle qui sort de l�urne libre. Je leur dirai franchement que la langue arabe ne peut pas �tre abandonn�e comme le demandent certains extr�mistes. Je leur annoncerai un programme sp�cial pour permettre au berb�re de sortir du stade folklorique dans lequel il a �t� confin�. Son enseignement sera g�n�ralis�. Les cours d�histoire seront revus et corrig�s pour permettre aux jeunes g�n�rations de mieux s�impr�gner des r�alit�s nationales � mille lieues de ce qu�on leur raconte habituellement. Dans toutes les wilayas, il sera demand� aux responsables de la culture d�inclure des activit�s sp�cifiques en langue berb�re dans leurs programmes. Un bouquet de cha�nes num�riques parlant toutes les variantes du berb�re sera mis en place. Des canaux pour enfants, d�information, sportifs et culturels d�expression berb�re seront lanc�s. Dans les wilayas o� la majorit� de la population parle tamazight, les programmes des cha�nes locales seront dans cette langue. Enfin, les d�put�s qui le d�sirent pourront s�exprimer dans leur langue maternelle. Pour ceux qui ne comprennent pas, on utilisera dans un premier temps la traduction simultan�e en esp�rant qu�au bout de quelques ann�es, on n�aura plus besoin d�une telle absurdit� ! Il s�agira d�un premier train de mesures prises en urgence pour lancer un message d�espoir aux populations meurtries de la Kabylie et de certaines r�gions des Aur�s. Des actions en profondeur seront r�alis�es par la suite, apr�s une large consultation des principaux int�ress�s. A Alger, j�irai � La Casbah pour faire l�annonce du plan le plus ambitieux de l�Alg�rie ind�pendante et qui donnera � la citadelle d�El-Bahdja les allures d�un grande cit� d�art et d�histoire ouverte � la vie et au tourisme, une ville enti�rement restaur�e et o� les boutiques et les ateliers artisanaux, les librairies, les salles de concert, les petits th��tres, les caf�s populaires et les restaurants gastronomiques, attireront tous les nostalgiques de ce quartier mythique. Alger sera toujours Alger et m�rite un plan sp�cial pour stopper sa d�gradation et la mal-vie qui y r�gne. Tout sera mobilis� pour que notre capitale retrouve son lustre, mais pas au d�triment des familles qu�on d�loge pour faire plaisir aux amis du Golfe arabe, pas avec des tours de verre qui ne serviront qu�� enrichir les plus riches par la sp�culation immobili�re ! Alger sera plus alg�rienne que jamais, fi�re et debout en face de la mer, ouverte d�abord aux enfants de l�Alg�rie ! Et pour qu�elle puisse s��panouir sans les tracas actuels et les mille difficult�s de la vie quotidienne, je prendrai la d�cision de d�localiser la capitale politique en cr�ant une nouvelle ville sur les hauts plateaux steppiques de Djelfa. Une sorte de Washington ou Rabat qui ne g�nent en rien la croissance et la pr�pond�rance de New York ou Casablanca ! M. F.