Le pr�sident de la R�publique arabe sahraouie d�mocratique et secr�taire g�n�ral du Front Polisario se montre plus que jamais d�termin� � atteindre l�objectif que son gouvernement s�est assign� : permettre au peuple sahraoui de faire valoir son droit � l�autod�termination. Dans cet entretien, accord� samedi dernier au si�ge de la pr�sidence de la RASD, Mohamed Abdelaziz explique les raisons du statu quo actuel dans le processus de n�gociation. Il d�nonce les man�uvres dilatoires du Maroc et le laxisme dont fait preuve l�Onu dans la gestion du conflit du Sahara Occidental. Entretien r�alis� par Tarek Hafid Le Soir : Monsieur le Pr�sident, deux �tudiants sahraouis ont �t� assassin�s la semaine derni�re � Agadir alors qu�ils participaient � une manifestation pacifique. Consid�rez-vous cet acte comme une escalade dans la politique r�pressive men�e par les autorit�s marocaines ? Mohamed Abdelaziz : Nous vivons ces derniers temps une situation de deuil suite au meurtre de deux de nos �tudiants dans la ville marocaine d�Agadir. Des jeunes fauch�s � la fleur de l��ge par les forces de r�pression pour le simple fait qu�ils soient contre la colonisation de leur pays. Cet acte vise � terroriser et effrayer les populations civiles sahraouies afin de les pousser � s��carter de l�intifadha populaire qui constitue une de nos principales formes de r�sistance. Nous estimons que cette escalade est dangereuse. Mais ces assassinats ne sont pas les premiers, puisqu�ils ont �t� pr�c�d�s par la liquidation des martyrs Lembarki et Khlifi Bouche�kh. A cela s�ajoutent les milliers de cas de tortures, d�incarc�rations et de proc�s abusifs. Face � cette situation extr�mement dangereuse, nous faisons appel � la conscience marocaine, notamment les organisations estudiantines, afin de soutenir leurs amis et voisins sahraouis. Je pense que les �tudiants marocains sont confront�s � une �preuve importante : soit ils sont solidaires des �tudiants sahraouis, soit ils soutiennent les bandes de criminels � la solde des forces de r�pression du Maroc. Nous appelons donc les �tudiants marocains � constituer un bouclier pour prot�ger leurs camarades sahraouis. D�un autre c�t�, la responsabilit� de cette situation incombe en premier lieu � l�Organisation des Nations unies. La responsabilit� de l�ONU est pleine et enti�re. Ne pensez-vous pas que cet acte puisse �tre un facteur d�clenchant pour la publication officielle du rapport sur la situation des droits humains au Sahara Occidental, �labor� en 2006 par le Haut- Commissariat aux droits de l�homme ? C�est une situation �nigmatique. Une d�l�gation du Haut-Commissariat aux droits de l�homme, instance d�pendant de l�ONU, s�est rendue au Sahara Occidental sur demande du Conseil de s�curit� et du secr�taire g�n�ral de l�ONU. Apr�s avoir rencontr� toutes les parties et constat� de visu la r�alit� sur le terrain, nous apprenons que le rapport qui a �t� �labor� doit rester secret. Nous estimons que la force principale sur laquelle le Haut-Commissariat aux droits de l�homme doit s�appuyer est l�opinion publique internationale. Mais pour �tre un alli� s�r du Haut-Commissariat aux droits de l�homme, l�opinion publique internationale doit savoir ce qui se passe exactement dans les territoires occup�s du Sahara Occidental � travers ce rapport. Sur d�cision de la France, membre permanent au Conseil de s�curit�, il a �t� impos� au secr�taire g�n�ral de l�ONU et au Haut- Commissariat aux droits de l�homme que ce rapport soit tenu secret. Nous retenons, toutefois, que l�actuel pr�sident de l�Assembl�e g�n�rale de l�ONU a adress� au Haut- Commissariat aux droits de l�homme une correspondance dans laquelle il demande � ce que ce rapport soit officiellement rendu public. Les r�cents �v�nements, dont l�assassinat des deux �tudiants sahraouis, l�ensemble des actes de r�pression subis par les populations civiles ainsi que l�emp�chement de plusieurs d�l�gations gouvernementales et parlementaires �trang�res de se rendre dans les territoires occup�s, tous ces faits plaident pour la publication de ce rapport �labor� en 2006. Cela conforte �galement le principe sans cesse r�it�r� de la cr�ation d�un organisme charg� de la d�fense des droits de l�homme dans les territoires occup�s du Sahara Occidental. Cette instance sera, soit plac�e sous la tutelle, soit travaillera en collaboration avec la Minurso. Dans une r�cente d�claration, le ministre des Affaires �trang�res marocain a indiqu� que son gouvernement �tait pr�t � poursuivre les n�gociations avec la partie sahraouie � condition �de ne pas revenir au point z�ro�. Ta�b Fassi-Fihri a en outre pr�cis� qu�il existe un consensus sur le fait que la mission du nouveau repr�sentant personnel du secr�taire g�n�ral de l�ONU pour le Sahara Occidental ne doit s�inscrire que dans le cadre de la R�solution 1318. Qu�est-ce que cette question de �point z�ro� et peut-on en savoir plus sur le �consensus� qu�il a �voqu� ? En fait, la r�solution du Conseil de s�curit� est claire : l�Organisation des Nations unies doit superviser des n�gociations directes entre les deux parties en conflit, le Front Polisario et le Maroc, dans l�objectif de parvenir � une solution politique mutuellement acceptable garantissant au peuple sahraoui le droit � l�autod�termination. Toutefois, ces n�gociations ne doivent �tre soumises � aucune condition pr�alable. La position marocaine actuelle, que l�on constate � travers la d�claration du ministre des Affaires �trang�res que vous venez d��voquer, s�oppose totalement avec la r�solution du Conseil de s�curit�. Il (le Maroc) veut imposer ses conditions. Le gouvernement marocain exige �galement, comme pr�alable � la poursuite des n�gociations, la reconnaissance de sa souverainet� sur le Sahara Occidental. A ce moment-l�, il est inutile de faire appel � l�ONU et d�engager des n�gociations ! Alors que le simple fait d��voquer l�ONU et les principes de la d�colonisation et de l�autod�termination cela signifie clairement que le Sahara Occidental n�est pas marocain. Donc, tous les arguments �voqu�s par le gouvernement marocain ne sont que de simples jeux de mots totalement inutiles. Les responsables marocains veulent se d�tourner de la l�galit� internationale, gagner du temps et an�antir tous les efforts de l�ONU. Pour ce qui est du consensus ? Effectivement, il y a un consensus entre les membres du Conseil de s�curit� de l�ONU. Dans le cadre de ce consensus, les deux parties acceptent, sur la base de la R�solution 1318, des n�gociations directes afin de parvenir � une solution mutuellement acceptable garantissant au peuple sahraoui le droit � l�autod�termination. Voil� en quoi consiste le consensus. Le fait que le nouveau repr�sentant personnel du secr�taire g�n�ral de l�ONU n�ait toujours pas pris ses fonctions, est-ce que cela a des r�percussions sur les n�gociations ? Est-ce un facteur de blocage ? C�est clair ! C�est un facteur de blocage. Le secr�taire g�n�ral de l�ONU nous a adress� une correspondance officielle au mois d�ao�t pour nous proposer la nomination de l�ambassadeur am�ricain Christopher Ross. Le Front Polisario a r�pondu dans la semaine qui suivit pour annoncer sa satisfaction suite � cette nomination et sa pleine disponibilit� � poursuivre les n�gociations. Au jour d�aujourd�hui, nous n�avons pas pris connaissance d�une r�ponse officielle de la part du Maroc qui, lui aussi, a �t� destinataire de la m�me correspondance du secr�taire g�n�ral de l�ONU. Au jour d�aujourd�hui, le gouvernement marocain bloque et retarde le processus de n�gociations. Il n�y a ni refus, ni acceptation d�un retour aux n�gociations. Lors de la rencontre avec le secr�taire g�n�ral de l�ONU, qui s�est d�roul�e le 4 novembre � New York, nous lui avons fait part de notre contrari�t� face aux blocages et aux man�uvres du Maroc pour saborder les efforts de l�ONU tout en lui r�it�rant notre disponibilit� � prendre part au processus de n�gociations. Aussi avons-nous demand� au secr�taire g�n�ral de mettre un terme d�finitif aux troubles que provoque le gouvernement marocain en tournant en d�rision l�ONU et la l�galit� internationale dans son ensemble. Il est impossible que nous acceptions �ternellement cette situation. Nous estimons que notre message, qui est le message de tous les Sahraouis, au secr�taire g�n�ral de l�Onu a �t� pris en consid�ration. Il nous a affirm� qu�il est fermement d�cid� � appliquer les r�solutions du Conseil de s�curit� devant permettre au peuple sahraoui de faire valoir son droit � l�autod�termination. Le Front Polisario a-t-il d�cid� d�un d�lai, d�une date limite, au-del� duquel il arr�terait les n�gociations ? Cette question a �t� longuement �tudi�e lors du 12e congr�s ordinaire du Front Polisario qui s�est tenu en d�cembre 2007. Le congr�s avait d�cid� qu�il faudrait mettre terme d�finitivement aux man�uvres du Maroc au moment opportun et dans la forme que nous jugerons la plus propice. Le congr�s a d�cid� que l��ventualit� d�un retour � la lutte arm�e se pose de fa�on concr�te. Quand et comment ? La d�cision reviendra au Front Polisario. Pour ce qui est des d�lais, le Conseil de s�curit� a d�cid� de reconduire la mission de la Minurso au mois d�avril prochain. Nous esp�rons que d�ici l�, la situation se sera �claircie. Si nous devons aller vers la paix, qu�on le fasse ouvertement en permettant au peuple sahraoui de faire valoir son droit � l�autod�termination, ou alors la situation reste en l��tat � cause du Maroc, ce qui obligera l�ONU � prendre ses responsabilit�s. De son c�t�, le peuple sahraoui est pr�t � prendre ses responsabilit�s en retournant � la lutte arm�e. La direction du Front Polisario est d�cid�e � trancher, non pas dans les plus brefs d�lais mais dans les d�lais qu�elle jugera opportun� C�est ce qui a �t� d�cid� par le 12e congr�s. De passage r�cemment � Alger, un expert am�ricain en strat�gie internationale a d�clar� que les Etats-Unis d�Am�rique sont pro-marocains. Selon lui, le lobby marocain � Washington est plus actif que le lobby alg�rien. Ne pensez-vous pas qu�il serait plus juste de parler de lobby sahraoui dans ce cas pr�cis et non pas de lobby alg�rien ? Existe-t-il au sein de votre gouvernement des initiatives allant dans ce sens, notamment avec l�arriv�e de la nouvelle administration am�ricaine ? Je pense qu�il est un peu simpliste de dire que les Etats-Unis d�Am�rique sont globalement pro-marocains. La situation n�est pas telle qu�elle a �t� pr�sent�e. Pour ce qui est de la position des Etats-Unis, nous retenons que ce pays a pris la d�cision claire et officielle d��carter de l�accord de libre�change avec le Maroc, les biens en provenance des territoires du Sahara Occidental. L�administration am�ricaine a impos� cette disposition sp�ciale car ni elle ni l�ONU ne reconnaissent la souverainet� du Maroc sur le Sahara Occidental. Voil� pour la position des Etats-Unis. Pour notre part, nous estimons que cette position est en accord avec la l�galit� internationale. C�est une position tr�s honorable. Pour ce qui est du lobby promarocain aux Etats-Unis, celui-ci existe et est tr�s actif. C�est un lobby construit par l�argent. Les informations en notre disposition attestent que le gouvernement marocain a d�pens�, depuis le d�c�s du roi Hassan II, plus de 60 millions de dollars par an pour alimenter ses lobbies. Nous avons d�nombr� pr�s de 10 groupes de pression qui activent pour le Maroc dans le cadre du conflit du Sahara Occidental. Cela est clair. Et cela a ses effets. A mon sens, cette affaire de lutte entre lobbies proalg�rien et pro-marocain ne me para�t pas justifi�e. L�Alg�rie n�a pas de probl�me avec le Maroc. L�Alg�rie ne cherche pas � entretenir de lobbies contre le Maroc. Le conflit actuel oppose le Maroc au Sahara Occidental. Pour notre part, nous n�avons pas les moyens pour financer les lobbies. Cela n�est un secret pour personne. Et m�me si nous avions de l�argent, nous ne le ferions pas ! Nous nous basons uniquement sur la l�galit� internationale. Nous sommes riches par le droit et pauvres par le droit (aghnya bil hak oua foukara bil hak). Malgr� toutes les sommes colossales d�pens�es par le Maroc pour faire pression sur les administrations et les personnes, la prestigieuse fondation Robert Kennedy a rendu hommage � la militante sahraouie Aminatou Ha�dar. Cela atteste qu�il n�y a pas aux Etats-Unis d�unanimit� en faveur du Maroc. Des voix aussi nombreuses qu�influentes sont pour le droit � l�autod�termination du peuple sahraoui. Par contre, il est vrai que nous sommes confront�s � un grave probl�me de communication. Les grands m�dias n�abordent pas la question sahraouie. L�opinion publique n�est donc pas suffisamment inform�e de la r�alit� de la situation. Si les citoyens am�ricains �taient au courant de la d�tresse des r�fugi�s sahraouis et de la politique r�pressive impos�e par les autorit�s marocaines dans les territoires occup�s cela serait, sans conteste, en notre faveur. Une ann�e a pass� depuis la tenue du congr�s du Front Polisario. Est-ce que les premiers objectifs trac�s par le Front ont �t� atteints ? Le congr�s trace des programmes pour une dur�e de trois ans. L��valuation objective de ces programmes ne peut donc avoir lieu avant ce d�lai. Nous n�avons pas de richesses dans notre pays, nous n�avons pas de moyens, nous avons la volont� de notre peuple pour arracher sa libert� et l�ind�pendance de sa terre. Notre d�termination est notre principale richesse. Nous sommes sur la bonne voie. Combien de temps nous reste-t-il avant d�atteindre notre objectif ? Nous ne pouvons pas encore faire d��valuation. Nous sommes confront�s � des probl�mes tr�s importants en mati�re d�approvisionnement des populations r�fugi�es. Les fournisseurs tentent de faire pression sur nous avec un kilo de farine, une bo�te de m�dicament ou une simple bouteille d�eau. Il faut comprendre que nous ne sommes pas allong�s sur une literie de soie. Nous sommes confront�s � des conditions des plus difficiles. Nous subissons l�innommable de la part du royaume du Maroc, un Etat soutenu par la France et les pays du Golfe. Mais nous sommes confiants en la d�termination de notre peuple et en sa volont� � atteindre les objectifs que nous nous sommes assign�s. Monsieur le Pr�sident, le 16e Festival international de la culture et des arts populaires sahraouis s�est d�roul� cette semaine dans le camp de r�fugi�s d�Aoucerd. Quelles sont les dispositions mises en �uvre par votre gouvernement pour prot�ger la culture et l�identit� du peuple sahraoui? Notre action consiste � mettre en place les conditions favorables pour permettre aux chercheurs, aux �tudiants et � l�ensemble des personnes int�ress�es par la culture de travailler ensemble. Nous devons cr�er une dynamique. Le festival de la culture est une occasion pour que toutes ces personnes se rencontrent en pr�sence de la population. Cela permet aussi de dire au monde que nous avons notre propre identit�, notre culture, et qu�elles sont totalement diff�rentes de celles du Maroc. Le Sahraoui a sa fa�on de vivre, de penser, de manger, de voir les choses. Le baise-main n�est pas dans ses traditions, il est fonci�rement d�mocrate, rebelle sans �tre arrogant, hospitalier. Parmi les participants � ce festival, nombreux ont relev� le parti-pris de l�Unesco en faveur du Maroc. Existe-t-il des blocages entre le gouvernement sahraoui et cette organisation d�pendant des Nations unies ? Il existe des contacts et quelques relations entre des institutions et des ONG sahraouies et l�Unesco. Ce sont en r�alit� des relations tr�s r�centes. Je ne voudrais pas avoir de jugement s�v�re � l�encontre de l�Unesco, mais je tiens � l�inviter � montrer un plus grand int�r�t, � se rapprocher et � ouvrir les yeux vers la communaut� sahraouie qui a sa culture, son identit� et qui a marqu� l�histoire de son empreinte.