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Dr MOURAD PREURE, EXPERT P�TROLIER INTERNATIONAL, AU SOIR D�ALG�RIE :
�Notre efficacit� �nerg�tique se d�grade sans cesse�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 21 - 01 - 2009

Expert p�trolier international, membre de clubs internationaux de prospective �nerg�tique, pr�sident de la Commission strat�gie au sein du CNC-PME, le Dr Mourad Preure a �t� strat�ge et animateur du processus de modernisation de Sonatrach dans les ann�es 1990 et conseiller charg� de la prospective, de la strat�gie et du d�veloppement technologique au sein de la Sonatrach jusqu�en 2002. Dans cet entretien qu'il nous accorde, il passe en revue la crise p�troli�re et les dangers qu'elle pr�sente, dans les prochaines ann�es sur l'�conomie nationale. Il a �galement tir� la sonnette d'alarme s'agissant de la politique �nerg�tique telle que pratiqu�e pr�sentement par notre pays.
Entretien r�alis� par Fatma Haouari
Le Soir d'Alg�rie : Les prix du p�trole se sont effondr�s subitement apr�s avoir atteint des niveaux tr�s �lev�s. Comment expliquez-vous l'�volution du march� p�trolier ?
Dr Mourad Preure : Les prix du p�trole ont connu une baisse spectaculaire le deuxi�me semestre 2008. En proportion, elle reste un record historique puisque les prix ont �t� divis�s par plus de trois en quatre mois. Nous les voyons aujourd�hui se tra�nant autour des 40 dollars le baril, ce qui les place, en termes constants, en de�� de leur niveau de 1986 o� l�industrie avait v�cu un v�ritable choc baissier. Cependant, ce que nous vivons aujourd�hui ne peut �tre qualifi� de choc baissier. Il s�agit d�une anomalie dans l��volution historique des prix et dont les effets risquent d��tre d�sastreux pour l�industrie p�troli�re. La crise financi�re qui couve depuis 2007 a atteint l��conomie r�elle et agit sur l�industrie p�troli�re de deux fa�ons : du fait que les march�s p�troliers sont interconnect�s avec les march�s financiers, les op�rateurs sur ces march�s, en mal de liquidit�s, d�bouclent leurs positions dans la pr�cipitation ; d�autre part, les sp�culateurs qui ont port� les prix � leur niveau historique de juillet 2008 anticipent une longue r�cession et une forte baisse de la demande. L��conomie r�elle ayant �t� atteinte s�v�rement par la crise financi�re (les grands pays de l�OCDE sont tous en r�cession alors que les pays �mergents revoient � la baisse leurs taux de croissance), la demande p�troli�re a fortement baiss�. Alors qu�elle a connu une croissance en moyenne de 1.6 Mbj ces derni�res ann�es, la demande a enregistr� en 2008 sa premi�re baisse depuis 1983. Pour 2009, il y a une grande incertitude et les pr�visions sont pessimistes (entre 500 000 bj pour l�Opep et 0 Mbj pour le DOE am�ricain). Vous voyez que la situation est singuli�re. Elle se r�sume ainsi : n�cessit� de prix �lev�s pour permettre les investissements n�cessaires pour satisfaire la demande future alors que les prix aujourd�hui sont pr�s de 20 dollars en moyenne en dessous du co�t marginal. Il est �vident que, de ce fait, mais aussi � cause du cr�dit crunch, les investissements p�troliers de d�veloppement sont gravement compromis. D�autre part, les p�troles non conventionnels comme les sables asphaltiques de l�Alberta, les bruts lourds de l�Or�noque, voire les biocarburants, ne peuvent plus �tre produits dans des conditions �conomiques.
Pourtant les prix ne repartent pas. Comment expliquezvous cela, et pensez-vous que l'Opep ait le pouvoir et la volont� de stabiliser le march� ?
L�annonce de la baisse d�cid�e le 17 d�cembre � Oran s�est faite simultan�ment avec celle de la hausse des stocks am�ricains ainsi que la baisse de la demande en fioul dans ce pays. Et vous savez, le march� est beaucoup plus sensible aux mauvaises nouvelles qu�aux bonnes. Le march� est excessivement focalis� sur la destruction de demande. D�autre part, la Russie n�a pas envoy� le signal attendu en baissant significativement sa production. L�annonce de la baisse de l�Azerba�djan (300 000 bj) n�a pas suffi. Je pense aussi qu�on a exag�r� l�importance de la participation russe � la conf�rence d�Oran et nourri des attentes peu r�alistes. Mais il faut tout de m�me relativiser les choses. L�Opep repr�sente 44% de la production et plus des deux tiers des r�serves mondiales et ne se trouve plus dans la m�me situation que lors des chocs baissiers de 1986 et 1998. Elle est sortie du dilemme d�fense des prix/d�fense des parts de march�s car la production Nopec, en phase de d�clin structurel, ne constitue plus une alternative s�rieuse � la production Opep. Celle-ci a un pouvoir de n�gociation beaucoup plus fort que lors des pr�c�dents chocs baissiers. Il faut cependant que le premier des membres de l�Opep, soit l�Arabie Saoudite, prenne conscience de la n�cessit� d�une action concert�e de tous pour r�duire r�solument l�offre � court terme, sans cela nous allons au d�sastre. La situation actuelle du march� affecte s�v�rement l�organisation, m�me si les pays � r�serves longues comme l�Arabie Saoudite peuvent trouver � se r�jouir de ce que les sources alternatives au p�trole Opep soit p�nalis�es par ce niveau de prix, ce qui me semble une erreur. Il reste que la situation a atteint un tel niveau qu�une action r�solue semble possible aujourd�hui. La baisse de 1.5 Mbj d�cid�e en novembre n�avait pas suffi � orienter les prix � la hausse, c�est aussi que cette baisse n�a �t� r�alis�e par les pays de l�Opep que pour les deux tiers seulement. La grande question est la discipline des pays de l�Opep et leur respect des quotas d�cid�s. Le march� ne peut pas se suffire d��nonc�s de principe. Il faut des signaux forts. Une baisse totale de 4.2 Mbj est d�j� un pas important fait par l�organisation. Il faut cependant aller plus loin tant que l�exc�dent de stocks disponibles qui p�se sur les prix et qui est de cinq jours de consommation sans compter les stocks se trouvant en mer dans les bateaux, n�est pas r�sorb�. Ce qui suppose un effort s�rieux de discipline de l�Opep pendant au moins trois mois et pour un volume d�passant ces 4.2 Mbj d�j� d�cid�s. Peut-�tre encore un � deux millions de barils par jour. Cela suppose une �volution radicale de l�organisation alors que les capacit�s non utilis�es s�accro�tront et p�seront sur les prix. Il faut souhaiter une intervention r�solue et donc avec un effet rapide qui se traduira tr�s vite par un accroissement des recettes d�exportation de ces pays. Sinon l�indiscipline menace et avec elle le chaos. D�autre part, un autre signal fort serait l�implication des grands pays producteurs hors Opep comme la Russie et le Mexique. On peut penser que ces pays (surtout la Russie qui a de forts besoins de financement et a gravement souffert de la crise financi�re) sont m�rs eux aussi pour une action concert�e pour r�duire la production et relever les prix. Il faut cependant bien d�finir le cadre de leur partenariat avec l�Opep pour lui donner le maximum de chances de r�ussite. Un travail doit aussi �tre fait envers les compagnies p�troli�res internationales. Il faut souligner que les compagnies p�troli�res ne trouvent pas leur compte dans cette situation et convergent vers un consensus o� le niveau de prix optimum est de 60 � 80 dollars le baril. Mon sentiment est que nous sommes pr�s d�un compromis. Pour l�heure, le baril reste dans la zone des 40-50 dollars, ce qui est un niveau excessivement bas, et il n�y a aucun signe de retournement de tendance � court terme. En dessous de 40 dollars, l�offre va s�effondrer tr�s vite. Je pense malheureusement que le sentiment baissier continuera � exercer une pression sur les prix en 2009. Le march� a besoin de signaux forts de l�Opep. Et ces signaux doivent s�articuler autour d�une vision claire et coh�rente qui incitera les autres acteurs � coop�rer avec l�Opep.
Quel futur voyez-vous pour l�industrie p�troli�re ?
Le grand danger est que, contrairement aux apparences, cette baisse dissimule un choc haussier structurel, ce qui rend encore plus complexe l��volution erratique actuelle du march� p�trolier qui n�est plus pr�visible du tout. Et l�on sait combien les tensions entre tendances oppos�es sont porteuses de risques de d�flagration. En effet, il y a, toutes choses �gales par ailleurs, un d�ficit structurel d�offre � long terme par rapport � l��volution de la demande port�e par les pays �mergents et le secteur des transports. Alors que le peak oil est une r�alit� et que les plus grands gisements dans le monde sont en phase de d�clin, Ghawar en Arabie Saoudite, Cantarell au Mexique et Daqin en Chine, Burgan au Kowe�t, il appara�t de plus en plus que le mod�le de consommation �nerg�tique occidental n�est pas soutenable sur le plan environnemental, mais plus encore, n�est pas g�n�ralisable � la plan�te, surtout pas aux pays �mergents qui ont pourtant les moyens d�y acc�der � terme. Il devient clair que la marge d�augmentation de la production mondiale ne peut pas d�passer 20 Mbj (millions de barils par jour). Les projections faites par l�AIE pour 2030 sont r�guli�rement revues � la baisse. Le dernier World Energy Outlook les estime � 107 Mbj. Les investissements pr�vus pour atteindre cet objectif sont de 350 milliards de dollars par an d�ici 2030, soit au total 8 400 milliards de dollars, alors que le secteur de l��nergie dans son ensemble n�cessitera lui 26 000 milliards de dollars d�investissement. Le consensus des experts pense que nous sommes entr�s dans une p�riode de prix �lev�s, qui ne cesseront d�augmenter � mesure que les r�serves s��puisent et n�cessitent plus de technologie et de capitaux. Mais les perspectives �conomiques mondiales ne pr�tent pas � l�optimisme. Une r�cession dans les principaux pays OCDE, la perte de deux points de croissance pour les pays qui tiraient la croissance mondiale (Chine, Inde). Depuis les 5% de croissance l�an, les cinq derni�res ann�es, nous passons � 2.5% en 2008 et vraisemblablement � pr�s de 1% pour 2009. Dans le meilleur des cas, la r�cession durera toute l�ann�e 2009, dans le pire, elle s��tendra jusqu�au premier semestre 2010. La demande p�troli�re ne peut que s�affaiblir et avec elle les prix. Combien durera la r�cession d�pendra de l�accord qui s��tablira entre grandes puissances sur les m�canismes de r�gulation de la sph�re financi�re, c'est-�-dire en fait sur un leadership mondial. Mais aussi, on tend � le n�gliger en ces temps de tourmente boursi�re, la n�cessaire r�gulation des march�s p�troliers, qui ont d�velopp� des instruments de couverture contre le risque et de sp�culation d�une trop grande complexit�, et se sont eux aussi d�connect�s avec l��conomie r�elle. En l�esp�ce, cela peut �tre dangereux car l�industrie p�troli�re est une industrie de long terme et qui a besoin de visibilit�. Nous le voyons bien aujourd�hui o� l��conomie mondiale est sur une poudri�re. L�AIE, par la voix de son chief economist, M. Birol, s�inqui�te de l�impact des prix actuels sur l�investissement pour r�pondre � une demande structurellement orient�e � la hausse. Je pense que la demande repartira en 2010, peut-�tre m�me le dernier trimestre 2009. Je crains que nous ne connaissions en 2010 � 2011 un violent choc p�trolier d� au double effet d�une demande dynamique (double effet de l�accroissement des besoins des pays �mergents qui subissent moins la crise actuelle. Du fait de l�importance de leur march� int�rieur des biens et services, et d�autre part, le rel�chement des �conomies d��nergie dans les pays OCDE du fait des prix bas) et d�une offre qui ne sera pas au rendez-vous pour les raisons que l�on a �voqu�es plus haut. L��quilibre � long terme s��tablirait avec un prix du baril qui fluctuerait autour d�un pivot de 80 dollars (constants). Il faut qu�un consensus s��tablisse sur des m�canismes du march� plus transparents et une r�gulation qui permette l�atteinte d�un tel objectif. La singularit� de la situation pr�sente est que la crise financi�re masque une crise p�troli�re structurelle et qui est, elle, une crise haussi�re. Voil� pourquoi la situation peut �tre explosive si on n�y prend pas garde ! Un ensemble de facteurs vont jouer les prochains mois, d�abord le facteur climatique, un hiver froid rendrait bien des services aux producteurs, le niveau des stocks, le facteur g�opolitique qu�il ne faut pas ignorer, car la d�pression et l�effondrement des recettes p�troli�res font le lit des crises politiques comme chacun le sait et enfin la discipline de l�Opep pour absorber les cinq jours de stocks qui sont en plus aujourd�hui et p�sent sur les prix. Mais surtout l��volution de l��conomie r�elle sera d�terminante. Sym�triquement, les investisseurs reviendraient en masse vers les actifs p�troliers d�s lors que la reprise sera confirm�e et pourraient avoir un effet de levier sur les prix. L�effet rebond sera plus violent si les acteurs per�oivent une reprise plus rapide que pr�vu. L�ambiance morose aujourd�hui n�est pas repr�sentative des tendances � l��uvre. Dans tous les cas, la qualit� des anticipations des acteurs sera d�terminante et prendra fortement en compte les comportements de l�Opep. D�s le troisi�me trimestre 2009, nous pourrions entrer dans une zone de volatilit� �lev�e qui peut annoncer un nouveau choc haussier en pr�paration. L��conomie mondiale et dans son sillage l�industrie p�troli�re et le march� vont ainsi g�n�rer des �volutions chaotiques � l�avenir. Nous allons conna�tre r�guli�rement des situations semblables � celle-ci dans le futur avec trois caract�ristiques : instabilit�, forte volatilit� et impr�visibilit�. Elles vont se renouveler cycliquement.
N'est-il pas urgent de s'orienter vers des secteurs �conomiques plus viables que celui des hydrocarbures ?
Il faut d�connecter au plus vite la croissance �conomique nationale du secteur des hydrocarbures, au risque de voir notre �conomie �voluer dans l�avenir comme un bateau ivre, connaissant des p�riodes successives de prosp�rit� qui accentueront le ph�nom�ne de dutsch disease. Ainsi que des situations de d�pression qui se traduiront in�vitablement par une d�t�rioration des �quilibres macro-�conomiques et, de fa�on in�luctable, � la r�cession et au retour � l�endettement externe avec, � la cl�, ne l�oublions pas, l��puisement de nos r�serves qui ne sont, selon le BP Statistical Review, que de 16.8 ans. Comme nous l�avons vu, les perspectives de l��conomie mondiale en 2009 sont tr�s al�atoires. A partir du moment o� nous sortons du paradigme d�un march� sacro-saint, capable de s�autor�guler par lui-m�me, se pose la question de la r�gulation et donc celle, extr�mement sensible, de la gouvernance mondiale, c'est-�-dire du leadership. D�s lors qu�un consensus sera trouv� entre grandes puissances, sur cette question, la crise se d�bloquera tr�s rapidement. La Russie veut jouer un r�le dans cette reconfiguration en cours des rapports de force �conomiques et politiques mondiaux. Je pense que cette arri�re-pens�e marque aussi son rapprochement avec l�Opep. Mais il ne faut pas �tre na�f. Aucune puissance marquante dans le monde, et en premier lieu les Etats-Unis, n�acceptera que la Russie int�gre l�Opep. Le risque sera fort qu�elle f�d�re les radicaux de cette organisation et la fasse �clater du m�me coup. En outre, la Russie � l�Opep portera la production de l�organisation � 55% du total mondial. L�Opep n�est politiquement acceptable que parce qu�elle est domin�e par des pays proches des Etats-Unis, il faut bien le dire. Vue comme cela, vous imaginez bien que m�me l�Opep du gaz, dont on parle tant, a une forte odeur de soufre et ne peut pas voir le jour au moins pour cette raison car elle modifie significativement les grands �quilibres g�opolitiques de la sc�ne �nerg�tique mondiale. On s�aper�oit avec la Russie que le gaz naturel est un important vecteur de puissance ! Peut-�tre faut-il s�en inspirer.
Qu�en est-il des placements alg�riens � l��tranger ? D�autre part, on invoque la prudence s�agissant de la cr�ation d�un fonds souverain, est-ce une raison valable pour rester en dehors du jeu �conomique mondial ? N�est-ce pas antinomique avec le concept de la mondialisation dont on a accept� les r�gles ?
Alors l�, question tr�s int�ressante ! Les officiels nous disent qu�ils s��l�vent � 139 milliards de dollars. Nous n�avons aucune raison de douter que toutes les pr�cautions ont �t� prises pour minimiser le risque et accro�tre le rendement des placements. Permettez-moi de partir de cette hypoth�se de d�part, consid�rant que nos cadres font g�n�ralement consciencieusement leur travail m�me si, strat�giquement, nous sommes enferm�s ici dans une logique de �confort du placemen� ou �placement de bon p�re de famille�. Est-ce possible dans le contexte tumultueux de la globalisation ? J�ajouterai cette remarque : il est anormal qu�une question aussi importante, strat�gique, ne fasse pas l�objet d�un d�bat public au sein de l�Assembl�e nationale, que des comp�tences nationales reconnues dans ce domaine n�apportent pas leur contribution � la r�flexion. Je crois qu�il y a r�ellement un probl�me de gouvernance � ce niveau et auquel il faut rem�dier. Cela est valable pour d�autres domaines, comme l�agriculture ou l��nergie. Concernant les fonds souverains, je voudrais dire que nous avons trop pris l�habitude dans ce pays de trop id�ologiser le traitement des questions �conomiques avec, pour cons�quence, d�en compliquer l�intelligence. Par le pass�, nous avons eu l�exemple de la question du r��chelonnement, comme celle de la privatisation et j�en passe. Il faut bien consid�rer que ce sont des questions �conomiques qu�il faut traiter au mieux de l�int�r�t national. Et le meilleur moyen d��viter de se tromper, c�est encore de consulter tous ceux qui ont des choses intelligentes � dire sur la question. Parmi tous ces avis, il y a peut�tre une id�e int�ressante � prendre. En l�occurrence, pour les fonds souverains, et ramener les choses � leur dimension r�elle. Ce sont des ressources financi�res que poss�de notre pays et dont il faut tirer le meilleur parti. Ces ressources doivent cr�er de la valeur au sens physique, avoir un caract�re moteur pour la croissance et non pas �tre seulement vues comme un patrimoine � pr�server. Je suis de ceux qui pensent que deux instruments doivent �tre mis en place, bien entendu dans la transparence et sous le contr�le des institutions �lues de la nation. Un fonds souverain doit �tre cr�� avec pour objectif d�investir en Alg�rie en encourageant de mani�re volontariste les activit�s � haute charge en mati�re grise. Cela n�est pas contradictoire avec la cr�ation d�emplois, quoi que l�on pense. Un second fonds souverain doit partir en chasse au niveau international pour contr�ler les �p�pites� qui sont sous�valu�es aujourd�hui du fait de la crise �conomique. Il faut partir d�une strat�gie encore une fois claire et transparente et viser � prendre le contr�le d�entreprises qui peuvent avoir des effets de synergie avec le d�veloppement scientifique et technologique national. On peut aussi prendre des positions dans des secteurs strat�giques comme l��nergie, les t�l�communications, le g�nie logiciel, etc. encore une fois en partant d�une vision globale. Des opportunit�s existent aujourd�hui qu�il serait f�cheux de rater.
L�adh�sion � l�OMC continue � alimenter la pol�mique, cette fois-ci, elle bute sur le prix du gaz. Pouvez-vous nous �clairer sur cette question, quels sont les r�els enjeux qui se cachent derri�re cette adh�sion ?
Je r�pondrai plus particuli�rement � la question pos�e � notre pays concernant le prix du gaz pour le march� domestique. A ce sujet, il est clair que la pr�sence de ressources �nerg�tiques constitue un avantage comparatif pour notre �conomie, en plus d��tre, bien entendu, une des dimensions de la souverainet� nationale. Le co�t de l��nergie doit �tre un des leviers par lesquels l�Etat stimule et r�gule le dynamisme des acteurs �conomiques dans le cadre d�une vision souveraine du d�veloppement. A ce titre, il s�agit d�un pouvoir r�galien qui ne me semble pas susceptible de compromis. De la m�me mani�re doit �tre trait� le prix du gaz et de l��nergie en g�n�ral aux m�nages. Cependant nos ressources en gaz sont r�put�es rares et donc sujettes � une allocation bas�e sur des crit�res tr�s s�v�res. La question pos�e dans les n�gociations me semble, selon les d�clarations d�officiels, insister sur le prix pratiqu� pour les projets p�trochimiques, jug�s trop bas. A ce sujet, lorsque la CREG nous informe que la demande de gaz naturel national va doubler d�ici 2017, je pense qu�un d�bat doit �tre ouvert. Je l�ai dit durant ma conf�rence en juin dernier lors des Journ�es parlementaires sur la d�fense �conomique, notre march� naturel, soit l�Europe du Sud, est convoit� par des sources qui, avec l��volution de la technologie des m�thaniers, lui deviennent accessibles, je pense au Moyen-Orient qui dispose de 73 Tm3 de r�serves, � la Russie qui dispose de 43.6 Tm3 contre 4.5 Tm3 pour notre pays. Il nous faut r�server des capacit�s pour d�fendre nos parts de march� en Europe dans un march� en voie de sa lib�ralisation. Ainsi, autoriser des investisseurs �trangers en partenariat avec des nationaux, et avec le financement de banques alg�riennes, � r�aliser des projets fortement consommateurs en gaz naturel, lequel est factur� dans tous les cas en de�� du prix � l�exportation, n�est-ce pas compromettre les volumes futurs qui nous seront n�cessaires ? Nous souhaitons de bonnes surprises de la part de l�exploration en mati�re de gaz naturel mais je ne vous cache pas mon inqui�tude. Nos ressources sont limit�es et il convient � mon avis de les pr�server pour les g�n�rations futures. Pour reprendre l�heureuse expression du professeur Chitour, �notre meilleure banque, c�est notre sous-sol�... Je pr�ne une politique conservatrice des r�serves et les faits me confortent chaque jour dans mon opinion, la politique p�troli�re nationale doit se fonder sur le patriotisme �conomique. Les hydrocarbures et l��nergie en g�n�ral sont la base de la souverainet�. De Churchill lorsqu�il a cr�� British Petroleum � partir de l�Anglo Persian Oil Company, jusqu�� de Gaule avec tout l�outil industriel et technologique qu�il a cr�� et d�velopp� depuis le p�trole jusqu�au Commissariat � l��nergie atomique, les Etats traitent l��nergie comme un domaine de souverainet� qui �chappe aux consid�rations mercantiles. Ils en arrivent m�me � faire des guerres pour cela. L�Etat alg�rien ne peut pas faire moins. Aujourd�hui, la puissance p�troli�re des pays producteurs ne repose plus seulement sur le niveau de leurs r�serves et de leurs productions mais surtout sur la performance de leurs acteurs p�troliers et gaziers nationaux. Pour reprendre une expression d�un illustre p�trolier alg�rien. Sonatrach dit �tre consid�r�e comme la prunelle de nos yeux. Tout doit �tre fait pour la renforcer et la consolider. Et le renforcement d�une compagnie p�troli�re est d�abord dans le recentrage sur ses m�tiers de base, soit d�abord et avant tout l�exploration � production. Ce qui fait la force d�une compagnie p�troli�re, ce sont ses r�serves �conomiquement exploitables. D�autre part, l�industrie du p�trole devient de plus en plus une industrie de haute technologie et les compagnies p�troli�res ne valent que par leur puissance technologique. Il faut que notre compagnie soit port�e au niveau de ses concurrents internationaux. C�est une priorit�. Il faut qu�elle conserve et d�veloppe sa mati�re grise et non l�inverse. Et dans cet immense effort, toutes les forces de la nation doivent �tre impliqu�es. Sonatrach doit �tre un moteur pour l�universit� et la recherche nationale. Elle doit aussi entra�ner derri�re elle un puissant tissu de PME innovantes. L�acc�s de ces PME au march� de Sonatrach ne doit pas se faire seulement sur la base de crit�res de moins-disant. La soustraitance dans le secteur des hydrocarbures doit faire l�objet d�une d�marche nationale. Au premier rang, des sous-traitants � encourager chez lesquels doit figurer l�ing�nierie, qui est une v�ritable m�moire de toute industrie. Pour conclure sur ce point, je voudrais dire que le monde engage sa transition �nerg�tique vers un mod�le non fossile qui sera largement concr�tis�e vers 2050. La plan�te a consomm� la moiti� de p�trole qu�elle recelait, reste la moiti� la plus difficile � produire. Des ressources alternatives se pr�parent � prendre le relais. Le p�trole sera r�serv� � terme, aux usages pour lesquels il n�existe pas de substitut, essentiellement dans les transports a�riens. L�int�r�t des pays producteurs aujourd�hui est de fournir les ressources le temps que la transition s�op�re et que les substituts s�imposent. Bien malheureusement, les pays producteurs sont les grands absents de cette transition �nerg�tique. Notre pays doit viser � �tre un agent actif et non passif de cette transition �nerg�tique, prendre appui sur ses ressources pour construire des partenariats qui ouvrent de r�elles perspectives strat�gies en la mati�re. De la m�me mani�re, il convient de mettre en �uvre une r�elle politique d��conomie des �nergies. Ce qui se passe chez nous est anormal, contrairement aux tendances mondiales, notre efficacit� �nerg�tique se d�grade sans cesse, ce qui est grave. Il faut tirer la sonnette d�alarme !


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