Emergy, un nouveau cabinet spécialisé en prospectives, études stratégiques et énergétiques dirigé par le Dr Mourad Preure, expert pétrolier international, spécialiste et professeur de stratégie, “à la tête de la stratégie de Sonatrach durant les années 1990”, a organisé mercredi dernier un dîner débat. Cette rencontre placée sous le thème “L'entreprise à l'épreuve du changement. Quels challenges, quels défis dans le contexte actuel de crise ? L'importance de l'intelligence économique” a été co-animée par le Dr Mourad Preure et le Dr Jean-Louis Levet, natif de Sétif, économiste spécialiste de l'industrie, un expert reconnu et une référence dans le domaine de l'intelligence économique. Dans une communication intitulée “Mondialisation, crise financière, crise pétrolière et accroissement de l'incertitude et de la complexité”, M. Preure a ouvert les pistes de réflexion sur les marges de manœuvre des entreprises face à une économie mondiale soumise à de fortes turbulences actuellement. Une crise sévère pour combien de temps ? se demande l'orateur. L'auteur de la communication rappelle que la crise financière a eu un impact négatif sur les pays du Sud, notamment les pays producteurs de pétrole, à travers la baisse des prix du brut, l'inflation importée, l'assèchement des crédits et un frein aux investissements directs étrangers. La crise de la dette européenne, aujourd'hui, crée un climat d'incertitude. Un fort potentiel de diffusion de la crise vers les pays du Sud méditerranéen est en particulier appréhendé. “La crise de la dette souveraine en Europe pose, de manière pressante, la question de sortie de crise. L'Europe, indique-t-il, enregistre 7 000 milliards d'euros de dette souveraine ! On appréhende le risque de contagion”. Pour Mourad Preure, le marché intérieur, comme solution entre les mains des pays émergents, constitue un enjeu de croissance dans un contexte de crise. Le spécialiste en stratégie plaide, dans cette conjoncture, pour le patriotisme économique. L'urgence pour l'Algérie est de sortir d'une économie frappée par le syndrome hollandais, c'est-à-dire un dynamisme inhibé par la rente pétrolière. Précisément, il s'agit de mettre en œuvre la stratégie industrielle. Une urgence. L'état doit favoriser l'émergence de champions nationaux entraînant université et petites et moyennes entreprises. “Quant aux scénarios probables pour le futur, la crise crée des opportunités de partenariat, voire d'acquisitions d'actifs pour les entreprises algériennes en particulier. Dans ce contexte, l'entreprise doit agir avec de nouveaux paradigmes. Elle devra être apprenante pour comprendre la complexité flexible, agile et neuronale. Il s'agit de désinstaller les comportements qui freinent l'entreprise. Pour les PME, s'impose la nécessité de nouvelles organisations rendant possibles des réponses très rapides aux clients, une fluidité de l'information en interne et en externe, mais aussi de nouveaux concepts de management. L'intelligence compétitive constitue, en ce sens, une arme pour maîtriser la complexité et l'incertitude.” L'origine de la crise mondiale, la désindustrialisation des états-Unis Parmi les interventions saillantes de la rencontre, citons une idée force de la communication du Dr Jean-Louis Levet, l'origine de la crise financière mondiale. Pour le co-animateur du débat, la désindustrialisation de l'industrie américaine est à la source de la crise des subprimes. La délocalisation d'une bonne partie de l'industrie américaine en Asie a entraîné la suppression de 5 millions d'emplois, et l'émergence du secteur des services avec la création de 5 millions d'emplois. Cela a conduit à une baisse des salaires des couches moyennes inférieures et un surendettement des ménages : 40 millions d'Américains endettés. Les taux d'intérêt vont augmenter. Les emplois sont plus précaires. Ces ménages n'ont plus les moyens de rembourser les crédits. Une telle situation provoquera la crise des subprimes. Nécessité d'évaluation de l'efficacité de la dépense publique L'auteur propose, in fine, trois approches de la crise et trois réponses différentes. La plus intéressante consiste à considérer que “la crise mondiale est inédite et offre l'opportunité de changer de paradigme. Cette analyse de la crise est largement partagée par les organisations syndicales dans la plupart des pays européens et à l'échelle internationale… Il convient de saisir l'opportunité de cette crise pour faire évoluer le paradigme économique en cherchant à allier justice sociale, performance économique et écologie”. Au cours du débat, Mourad Preure a souligné que le rôle de l'état, dans ce contexte de crise, est de créer les conditions de la compétitivité pour les entreprises. L'avenir de l'entreprise algérienne est d'être présente dans la chaîne des valeurs, c'est-à-dire dans le marché mondial, à travers des prises de participations dans des sociétés occidentales intervenant dans des secteurs à forte valeur ajoutée ou des partenariats, a-t-il argué. Quant à Jean-Louis Levet, ce dernier a souligné la nécessité d'évaluer les politiques publiques, notamment les investissements publics par des structures indépendantes, en particulier les universités, en vue d'une plus grande efficacité dans la dépense publique. En ce sens, l'Algérie peut-elle, nous semble-t-il, faire l'économie d'une évaluation indépendante du programme quinquennal précédant et lancer un nouveau plan de 286 milliards de dollars sans risques de reproduire les mêmes erreurs ?