Faut croire que l�approche de l��lection pr�sidentielle d�avance gagn�e par qui vous savez aide � d�lier les langues. Automatismes, jeu des m�canismes de l�inconscient triomphant, abandon de la prudence de langage � l�or�e de la victoire ? Le fait est que les aveux pleuvent. Evidemment, comme il se doit, l�int�r�t de ces aveux est que, sans �tre des scoops, ils valident la reconnaissance formelle de faits connus de tous. Que ce soit dit par ceux qui jusque-l� se sont tus ou ont carr�ment ni�, c�est �a de pris. Le premier aveu est de Mohamed Teguia, pr�sident de la Commission nationale de surveillance (soulignez ce mot, il est capital) de l��lection pr�sidentielle. Courageux ministre de la Justice en son temps, cet homme est connu pour son ind�pendance. Th�oriquement, il est tenu de veiller � la loyaut� de la campagne et, pour les candidats, � l��quit� dans l�acc�s aux moyens publics. Il devrait m�me s�vir s�il constatait des irr�gularit�s ou des in�galit�s de traitement. Dans la r�alit�, il n�en est malheureusement pas ainsi. Mohamed Teguia conc�de l�incapacit� de la commission qu�il pr�side � stopper �les d�rives de l�administration �. Il l�admet du bout des l�vres mais �a reste assez audible pour �tre entendu. L�administration, qu�il n�arrive pas � endiguer, en principe vou�e � la neutralit�, s�est mise au service du seul Abdelaziz Bouteflika. Nul ne l�ignore, personne ne le dit. L�autre aveu est plus crucial. Le pr�sident de la Commission qui tient entre ses mains la justice et l�impartialit� du scrutin avoue implicitement qu�il joue luim�me non seulement pour le candidat Bouteflika, ce qu�on avait subodor�, mais contre les autres candidats ! Mohamed Teguia est-il choqu� que le candidat �ind�pendant� utilise l�avion pr�sidentiel pour ses d�placements de campagne ? Non ! Parce que le candidat est encore pr�sident au moment o� je vous parle et, en tant que tel, il reste �le garant des int�r�ts de l�Etat�. �Son temps est pr�cieux � et il ne va pas s�amuser � �prendre le bus ou la route�. Il est candidat comme vous, madame et messieurs. Presque comme vous. Car il continue � �tre pr�sident. Ce n�est plus, de ce fait, un candidat comme un autre. Le pire est que le pr�sident de la commission de l�impartialit� demande aux autres candidats d��tre compr�hensifs de cette partialit�. Il les inviterait � la complicit�. Mais oui, il leur demande de faire la distinction entre le pr�sident et le candidat dans l�acte du candidat � voyager comme pr�sident ! Il nous pr�vient : �Je ne vais pas lui interdire de prendre l�avion !� Le pr�sident de la commission rappelle que le pr�sident est pr�sident jusqu�au 10 avril et que, jusqu�alors, �il a des obligations� proportionnelles � son statut. A ce titre, il a le droit d�utiliser la logistique de l�Etat. L�impartial condescend � comprendre �ces agitations �, c�est-�-dire la d�nonciation par les autres candidats de l�in�galit� dans l�acc�s aux moyens publics, apr�s le 10 avril. Que la campagne �lectorale finisse le 9 avril, il est le mieux plac� pour le savoir. Le mieux plac� aussi pour veiller � ce qu�aucun candidat ne soit privil�gi� sur un autre. D�apr�s lui, s�il faut se rebiffer, c�est apr�s le match. Dur d�encaisser que des positions aussi basiquement partiales soient le fait de l�arbitre lui-m�me. D�ception que �a vienne d�un homme dont le parcours t�moigne de la r�sistance � l�esprit et aux agissements du syst�me. Dans un autre monde, de la place o� il se trouve, � la t�te d�une commission cens�e donner de la respectabilit� et de l�honorabilit� au scrutin, on aurait attendu de Mohamed Teguia un discours autre. Ne le tient-il pas, en creux, ce discours ? On l�entend, entre les lignes. L�aveu est trop gros pour n�avoir pas de deuxi�me degr�. L�arbitre se disqualifie en avouant qu�il est tout � la fois impuissant � mener le match et rang� aux c�t�s d�un joueur. L�autre aveu vient d�Abdelaziz Bouteflika luim�me. Ce dernier jurait en 1999 : �Moi pr�sident, jamais tamazight ne sera langue nationale.� Quand on prof�re des mots d�airain comme ceux-l�, il est difficile que s�ensuivent des relations sereines avec la Kabylie, comme il sied � un chef d�Etat alg�rien d�en avoir. Pas simple de recouvrer un dialogue responsable avec une r�gion r�tive � l�autoritarisme structurel quand on a dit � des citoyens : �De loin, je vous voyais des lions, vous �tes des nains.� Et puis, il s�est pass� ce qui s�est pass�. Les �v�nements de 2001 nous ont fait d�couvrir que, dans cet Etat dont les h�rauts chantent la d�mocratie incantatoire, on pouvait tirer sur des gosses sans plus d�effets. Mieux. On peut, en tant que magistrat supr�me, commanditer une enqu�te, comme ce fut le cas avec la Commission Issa�d, et rejeter bruyamment ses conclusions. Parce qu�elles �taient accablantes pour les forces de s�curit� ? Lest� de ce passif, Abdelaziz Bouteflika retourne en Kabylie. Outre les �vidences �lectoralistes selon lesquelles une Kabylie sans l�Alg�rie est autant inenvisageable que l�inverse, il fait une d�claration qui devrait �tre suivie des cons�quences pratiques : �Je ne sais pas jusqu�� l�instant, du poste o� je suis, comment et ce qui a provoqu� cette trag�die nationale qui s�est d�cupl�e.� Il parle du Printemps noir dont les plaies ne sont pas encore cicatris�es. Pour amoindrir le taux d�abstentionnisme pr�vu massif en Kabylie, il se d�douane en plaidant l�ignorance. Cependant, on peut ignorer beaucoup de choses, sauf celles qui sautent aux yeux : 125 jeunes ont �t� tu�s. Ce sont des gendarmes qui les ont tu�s. Du laxisme � l��gard des assassins ou de l�ignorance de ce qui s�est pass�, qu'est-ce qui est le plus grave ? De fait, et c�est sans doute ce qui garde sous la cendre le feu vivace, on voit bien dans l�attitude du pr�sident de la R�publique, dans ce qu�il dit, qu�il singularise la Kabylie. Apr�s �a, on veut qu�elle ne se singularise pas elle-m�me. Apr�s une d�claration comme celle-l�, on devrait mettre en place des instruments d�enqu�te ind�pendants pour d�terminer les responsabilit�s, � tout le moins rouvrir le rapport Issa�d. Une autre phrase de Bouteflika est pass�e inaper�ue alors qu�elle est charg�e de sens explosif. �Vous avez dit que l�Alg�rie est amazigh de fa�on brutale. En face, des opposants ont r�agi de fa�on brutale.� Mais ils avaient des armes, ces opposants ! Et ils s�en sont servis ! Des mots, pour passer le gu�. Rien d�autre. N�emp�che que la blessure kabyle reste ouverte. Quoi que fassent ou disent le candidat �ind�pendant� et ses relais locaux !