Les prises de drogue dans les wilayas de B�char et de Tindouf ont litt�ralement explos� en l�espace d�une ann�e. Les commandements des 9e et 10e groupements de gendarmes gardes-fronti�res ont renforc� leur dispositif de lutte pour barrer la route aux narcotrafiquants. De notre envoy� sp�cial � B�char, Tarek Hafid La Hmada, cette immense bande de rocaille de plusieurs milliers de kilom�tres carr�s, est depuis plusieurs mois le th��tre d�une guerre qui oppose les gendarmes gardes-fronti�res aux trafiquants de drogue marocains. Vendredi dernier, les hommes du 9e GGF ont une nouvelle fois frapp� tr�s fort. L�embuscade tendue en pleine nuit dans la zone de Oued Ka�bet a permis de r�cup�rer plus de 4 tonnes de r�sine de cannabis. �Il devait �tre 3 heures du matin lorsque le bruit des moteurs de plusieurs v�hicules tout-terrains a d�chir� le silence de la nuit. Les 4x4, des Toyota Station, devaient rouler � plus de 130 kilom�tres � l�heure. Nous devions donc agir tr�s vite. L�ordre a �t� donn� de tirer sur le convoi. L�un des conducteurs a perdu le contr�le de son v�hicule et est all� s�ab�mer contre une butte de terre. Il a r�ussi � signaler notre pr�sence en utilisant un pistolet d�alarme. Les autres trafiquants sont arriv�s en renfort en ouvrant un feu nourri. Ils ont utilis� des kalachnikovs et un fusil-mitrailleur�, expliquait, dimanche, le capitaine du GGF qui a command� cette op�ration d�interception. �Nous avons finalement r�ussi � prendre le dessus. Les narcotrafiquants ont �t� oblig�s d�abandonner trois de leurs v�hicules et de prendre la fuite vers le territoire marocain dans un quatri�me 4x4.� En plus de l�importante quantit� de drogue et des Toyota Station, les gendarmes ont r�ussi � r�cup�rer une kalachnikov et un t�l�phone satellitaire. �L�arme et la puce du t�l�phone ont �t� envoy�es � l�Institut national de criminologie de la gendarmerie afin d��tre expertis�es.� En retournant sur les lieux trente-six heures apr�s l�op�ration, les GGF ont d�couvert des traces de sang dans le lit de l�oued. L�analyse ADN permettra de v�rifier si l�individu est connu des services de la gendarmerie. �Ces traces de sang sont la preuve concr�te qu�un ou plusieurs trafiquants ont �t� bless�s. Lorsqu�ils tombent dans une embuscade, les passeurs de drogue s�enfuient et prennent avec eux leurs bless�s et m�me leurs morts�, explique le capitaine du 10e GGF. Ce groupement a malheureusement enregistr� des pertes humaines. Deux gendarmes sont d�c�d�s en op�ration au courant du mois de mars dernier. �C�est une perte tragique pour nous. Mais leur mort a eu pour effet de renforcer la d�termination de nos hommes�, note, pour sa part, le commandant Ali Hamadouche, commandant du 10e groupement de gendarmes gardes-fronti�res de B�char. Embuscade �Nous avons face � nous des individus qui sont pr�ts � tout, ils n�h�sitent pas � utiliser leurs armes. Nous sommes donc tenus d��tre plus rapides. Notre lutte se d�roule sur un terrain tr�s difficile car nous avons plusieurs centaines de kilom�tres de fronti�res � contr�ler. Une parfaite connaissance de la Hmada est n�cessaire pour mener � bien notre mission�, insiste- t-il. Pour mieux comprendre le dispositif de lutte, le commandant n�h�site pas � nous mener dans la zone de Oglat Braber, o� ses hommes tendent une embuscade aux narcotrafiquants. Sur le flanc d�un vallon distant de quelques kilom�tres seulement de la fronti�re avec le Maroc, des gendarmes lourdement arm�s sont dissimul�s derri�re des rochers. A quelques encablures de l�, d�autres �l�ments sont camoufl�s dans la v�g�tation d�une rivi�re ass�ch�e. Leurs v�hicules sont dispos�s dans le lit de l�oued et recouverts de branchages. �Les gendarmes sont divis�s en groupes. Ce dispositif s��tend sur plusieurs kilom�tres et nous permet de contr�ler plusieurs points de passage utilis�s par les narcotrafiquants. Nos hommes peuvent rester en embuscade plusieurs jours, quelles que soient la nature du terrain et les conditions m�t�orologiques. L�objectif principal consiste � occuper le terrain. � De la cigarette au cannabis Le m�me type de dispositif est mis en place en permanence par le 10e groupement de GGF, dont la base se situe � Hassi-Khabi, dans la wilaya de Tindouf. En fait, les deux groupements sont charg�s de la surveillance du principal territoire de passage des narcotrafiquants. Il semble, toutefois, que les convoyeurs de drogue marocaine n�ont d�cid� que r�cemment de passer par cette zone d�sertique. Il suffit de faire une simple r�trospective des activit�s des deux groupements. En 2007, le 10e GGF a lutt� essentiellement contre le trafic de cigarettes. Plus de 22 000 cartouches ont �t� saisies. Ce n�est qu�au courant de l�ann�e 2008 qu�est apparu au grand jour le ph�nom�ne du trafic de drogue. �Nous sommes pass�s de z�ro gramme � plus de vingt-cinq tonnes de r�sine de cannabis alors que les prises de cigarettes ont chut� sensiblement pour atteindre les 4 887 cartouches. Au cours des quatre premiers mois de l�ann�e en cours, nous avons d�j� atteint les 9,8 tonnes de drogue contre z�ro saisie de cartouches de cigarettes. L��tude de ces chiffres semble attester que les contrebandiers ont choisi le trafic de drogue contre celui du tabac. Cela peut �galement s�expliquer par l�augmentation du prix de la cartouche de cigarettes qui est pass� de 250 DA � 700 dinars actuellement. Ce produit n�est donc plus aussi rentable que par le pass�, d�o� la transition vers le trafic de drogue qui est bien plus lucratif�, souligne le capitaine Kamel Deberassou, chef de l��tatmajor du 10e groupement des GGF. Les chiffres du 9e groupement confirment cette donne. Des 36 et 30 kilogrammes de kif saisis en 2007 et 2008, les GGF de B�char ont pris 7,5 tonnes depuis le d�but de cette ann�e. A eux deux, ces groupements totalisent l�essentiel des prises de drogue en Alg�rie. Le bilan g�n�ral est, sans jeu de mots, hallucinant : pr�s de 50 tonnes de r�sine de cannabis auxquelles s�ajoutent plusieurs dizaines de Toyota Station, des motos tout-terrains, des armes de guerre, des grenades et des t�l�phones satellitaires. Des dizaines de narcotrafiquants de diverses nationalit�s ont �t� arr�t�s. De Kem-Kem au Caire Au-del� du danger que repr�sente ce trafic, l�ensemble des officiers de la gendarmerie rencontr�s � B�char ont insist� sur le caract�re transnational des r�seaux qui ont choisi de passer par le Sud-Ouest alg�rien. �Cette drogue est cultiv�e au Maroc dans la r�gion de Kem-Kem qui d�pend du d�partement d�Errachidia. La r�sine de cannabis n�est pas destin�e � �tre mise sur le march� alg�rien. Elle passe par l�Alg�rie et la Mauritanie puis traverse les pays du Sahel pour finir au Moyen- Orient�, indique le commandant Ali Hamadouche. Le chanvre indien de Kem- Kem est achemin� sur des milliers de kilom�tres pour finir dans les narguil�s au Caire ou � Ammane. Il s�av�re que l�Alg�rie lutte seule contre ce r�seau transnational de drogue. Les autorit�s du Maroc � pays producteur et exportateur de cannabis � ne sont toujours pas d�cid�es � lutter contre ce ph�nom�ne. Elles sont plus pr�occup�es � monter de toutes pi�ces des op�rations m�diatiques destin�es aux pays de l�Union europ�enne. La �prise�, la semaine derni�re, de 32 tonnes de kif dans le port de Casablanca en est une preuve concr�te.