Par Sa�d Dahmani, historien et arch�ologue En ce nouveau mois du patrimoine qui r�appara�t � la cadence des �ahilla� (pl. de hil�l, croissant de lune), se pose le probl�me des rapports de la S�curit� (grand �S�) avec le patrimoine notamment mat�riel. Rappelons que les diff�rentes composantes du patrimoine sont des segments de la d�finition de l�identit�, et partant, de la souverainet�. Il s�en suit que toute atteinte au patrimoine est une affaire de souverainet�, qu�elle soit sous forme de vol, de destruction ou de laxisme et de n�gligence dans la recherche ou d�ignorance des charg�s du patrimoine et de sa protection. En mati�re de s�curit� physique, le probl�me semble �tre davantage pris en charge, dans la mesure o� les principaux services de s�curit� ont cr�� des structures sp�cialis�es. Mais il faut reconna�tre que concomitamment, �la restructuration� de l�Agence nationale de l�arch�ologie (ANAPMSH) a d�truit le r�seau des circonscriptions dont les chefs �taient, du fait de leur statut de sp�cialistes du patrimoine et de la responsabilit� statutaire en qualit� de repr�sentant du ministre en charge du secteur, plus efficaces dans les interventions primaires chaque fois que le patrimoine est l�objet d�atteinte. Ce qui n�est plus le cas actuellement, les directions de la culture, auxquelles ces pr�rogatives ont �t� transf�r�es, traitent ces affaires bureaucratiquement , � savoir laissent �le dossier faire son chemin�. Il est important de rappeler qu� � partir de 1962, la priorit� des priorit�s, en mati�re de s�curit� g�n�rale du patrimoine, �tait sa r�cup�ration. Cette r�cup�ration incluait les documents et archives, d�une part, et l�action d��uvrer pour une �cole de recherches � partir d�une probl�matique historique int�rieure. Le pays est immense ; il a �t� le th��tre de toutes les civilisations qu�a connues le monde m�diterran�en. Il fallait rompre avec la probl�matique arch�ologie et patrimoine renouant avec la r�surrection de l�empire latin ou autre, et s�orienter vers une recherche d�finissant d�une part l�identit� et d�autre part les relations de cette identit� avec le d�filement des civilisations depuis la pr�histoire jusqu�� nos jours. D�aucuns crieront � la fermeture, au blocage et � l�isolement. C��tait un imp�ratif pour se situer soi-m�me. A ce propos, je tiens � rappeler que cette ligne avait �t� suivie par le regrett� Sid Ahmed Baghli et par ses collaborateurs, qui avaient, �galement, donn� � l�Alg�rie sa place dans les institutions mondiales et �trang�res dans ce domaine et obtenu le respect des coll�gues �trangers. Du reste, une fois que les institutions g�rant le patrimoine dans tous ses aspects ont �t� couronn�es par la cr�ation de l�Agence nationale d�arch�ologie et de protection des sites et monuments historiques d�une part et celle des mus�es nationaux d�autre part, et d�s que les premi�res �quipes alg�riennes avaient pris en charge les recherches arch�ologiques, la coop�ration scientifique avec les universit�s alg�riennes, avec les institutions maghr�bines et avec l��tranger prit de l�extension et de l�ampleur ; cela tout en pr�servant la s�curisation de la recherche et la restauration. En 1990-1991, la vitesse de croisi�re �tait atteinte. Chasse aux sorci�res Mais � partir de 1992, s�installe une p�riode de turbulence (avec une accalmie entre 1994 et 1996), pendant laquelle une volont� programm�e s��tait attel�e � faire �chouer tout l��difice patiemment construit depuis 1962 : une sorte de chasse aux sorci�res sous diff�rents pr�textes, des nominations inad�quates � la t�te de l�Agence, l�effacement de l�esprit de l�ordonnance 67-280 (qui est loin d��tre nourrie de l�esprit colonial !!), une restructuration qui d�sarticule sans pr�voir des articulations entre les nouvelles entit�s et donc rompt l�unit� du secteur, d�une part, et qui g�re, d�autre part, le parc arch�ologique national selon le syst�me des Epic, une v�ritable h�r�sie s�agissant d�une partie de l�identit� et de la souverainet� !!! Le r�sultat de cette gestion ? Allez visiter les sites arch�ologiques, vous verrez dans quel �tat de �ruine� ils sont r�duits, cinquante ans apr�s l�ind�pendance !!!! Mais un domaine de cette s�curit� pose probl�me, c�est celui de la recherche. Quel est le bilan de la derni�re d�cade ? Les fouilles, qui �taient concentr�es en majorit� au niveau de l�Agence nationale de l�arch�ologie et ses partenaires, le sont-elles encore aujourd�hui ? Qu�en est-il des colloques ou s�minaires ? O� en sont les publications (Bulletin de l�arch�ologie alg�rienne ; les monographies- guides des sites ? Les th�ses et les �tudes ?....) Documents arch�ologiques d�truits et viol�s Or, des recherches commenc�es �prouvent des difficult�s de poursuite ou d�ach�vement ; des projets de recherches abondent, des chercheurs alg�riens, nombreux, attendent. Ce sont des retards accumul�s dans la connaissance de l�histoire du parcours civilisationel du pays, dont un des effets est la menace sur la s�curit� du patrimoine, car des pans peuvent �chapper � l�archivage documentaire. Veut-on un exemple qui se d�roule sous nos yeux ? La construction de l�autoroute Est-Ouest !! Combien de documents arch�ologiques a-t-elle d�j� d�truit d�finitivement, et combien d�autres ont �t� viol�s ? Un exemple ? Dans la localit� de A�n Cherchar, � la limite des wilayas de Annaba et de Skikda, les travaux de l�auto-route rencontrent une n�cropole antique. Au lieu de rectifier le trac�, �on� d�place les ossements humains, en cr�ant une nouvelle n�cropole ! Sur le tron�on qui traverse le Parc national d�El-Kala, des gisements pr�historiques et des sites riches en documents relatifs � l�histoire amazigh dans l�Antiquit�, sont perdus � jamais pour la m�moire nationale. Enfin, les relations interinstitutions nationales de recherches et de promotion en arch�ologie, en mus�ologie (Centre national de recherche en arch�ologie, universit�s, associations de la soci�t� civile), et les relations entre ces derni�res et des institutions ou des associations �trang�res, baignent dans l�impr�cision, voire dans la contradiction, tant les circuits sont obscurs ,et sont parfois sous-tendus par des int�r�ts personnels. Il est vraiment incompr�hensible qu�un chercheur alg�rien, qui pr�sente toutes les garanties morales et m�me politiques faisant des recherches avec une institution scientifique �trang�re au-dessus de tout soup�on, voit bloqu�e la reconduction de la convention avec l�institution nationale, alors que, parall�lement, une universit� organisant, au jour d�aujourd�hui, un colloque avec la participation de repr�sentants du minist�re de la Culture, invite d�anciens de �l�Alg�rie fran�aise�, dont l�un serait l�auteur d�un livre sur l�espionnage et le contre-espionnage. Ces derniers seraient autoris�s � faire des prospections (par qui ? comment ?) et de mettre en ligne certains objets r�colt�s au cours de leurs p�r�grinations, alors que des chercheurs nationaux attendent longtemps pour pouvoir achever leurs recherches.