Certains �tres humains se comportent comme des charognards, ils guettent, suivent et n�attendent que le moindre signe de chancellement de leur proie, pour lui foncer dessus et la d�chiqueter toute crue, Boute-broussette, (c�est un nom qui lui sied comme un gant) fait partie de cette nouvelle race de vautours. L�itin�raire professionnel de ce rapace est aussi fulgurant que basique, il d�bute sa carri�re comme simple scribouillard dans un minable petit bureau, il savait pertinemment que c��tait tout ce qu�il pouvait esp�rer avec son m�diocre parcours scolaire, mais il a eu la perspicacit� de comprendre tr�s vite, qu�en Alg�rie, y avait une autre m�thode de gravir les �chelons assez rapidement, la brosse � reluire, et tr�s vite, il est devenu un grand sp�cialiste de la chitta, il s�est rabaiss� � devenir le valet servant de tous ses sup�rieurs hi�rarchiques, il suffisait que l�un de ces messieurs ouvre la bouche pour une quelconque besogne d�valorisante, qu�il se porte volontaire pour la r�aliser, rien ne le r�pugnait, il lui arrivait m�me de faire trimer sa pauvre femme � la maison afin de monter dans l�estime de ses chefs, par exemple pr�parer de la galette ou des g�teaux secs, vu que soi-disant la femme de tel ou tel responsable ne savait pas le faire, il poussait m�me le bouchon un peu loin, en consacrant tous ses week-ends � faire des travaux de tous genres, chez certains cadres peu scrupuleux. Quand il veut prier, son tapis de pri�re �tait toujours orient� en direction de la maison du nouveau directeur et non de La Mecque Il faisait m�me des d�clarations tonitruantes comme : �Mon plus grand r�ve, c�est de marcher, un jour, c�te � c�te, avec monsieur le directeur dans les all�es de l�usine � avec le fervent souhait que ces paroles mielleuses puissent �tre rapport�es rapidement � l�int�ress�. Et comme la plupart des dirigeants de nos soci�t�s nationales sont friands de ce genre de comportement et de rabaissement � leur �gard, il a pu b�n�ficier de plusieurs avantages, deux petits stages en Europe et une formation dans un centre professionnel pour rehausser un peu son niveau, et il a �t� bombard� directeur de l�administration g�n�rale d�une usine de production. S�il a pu acc�der aussi facilement � ce titre, c�est que dans les hautes sph�res, ils ont pens� que pour appliquer la nouvelle politique de bradage des unit�s de production, il �tait l�homme providentiel et qu�il allait appliquer � la lettre leurs abominables consignes sans aucun �tat d��me. Il faut savoir que notre homme, s�il �tait obs�quieux et servile envers ses sup�rieurs, il �tait odieux et m�prisant envers ses subalternes, et le jour o� il a re�u une note de la direction g�n�rale lui faisant signifier qu�il fallait d�graisser les effectifs, il a montr� son v�ritable visage de charognard, et ce dans le but de s�attirer une nouvelle fois la sympathie des hauts cadres qu�il idol�tre. Et il a commenc� sa sale besogne destructrice, il a d�abord lanc� une fausse rumeur : l�usine allait �tre ferm�e et les ouvriers mis au ch�mage, puis, tapi dans son bureau, il attendait ses proies, d�s qu�un travailleur plus angoiss� que les autres venait lui demander conseil, il l�achevait en le terrorisant avec les arguments suivants : �Oui, l�usine va fermer, que vont devenir tes enfants, n�attends pas, fais ta demande de d�part volontaire avant qu�il ne soit trop tard, profite du pactole que tu vas toucher, avec cette somme tu pourras d�marrer une activit� commerciale et devenir ton propre patron et finie la gal�re pour toi et tes enfants � et vous l�aurez compris : tout cela n��tait que du baratin, mais n�emp�che que plusieurs pauvres malheureux l�ont cru, et ont accept� d�abdiquer et de perdre leur gagnepain et leur couverture sociale pour une poign�e de dinars avec laquelle, ils n�ont m�me pas pu tenir d�cemment une ann�e, et c�est la descente aux enfers pour la majorit� d�entre eux. Du jour au lendemain, ils se sont retrouv�s dehors sans ressources ni espoir de trouver un autre travail. J�en connais plusieurs de ces laiss�s-pour-compte qui m�ont racont� leurs d�boires. Idir ma confi� qu�il a �clat� en sanglots devant femme et enfants, le jour o� son petit dernier lui a fait cette r�flexion �Papa, pourquoi ne mange-t-on pas aussi bien qu�avant, quand tu travaillais encore � l�usine ?� Sa�d, un gai luron tir� � quatre �pingles, est devenu triste, renferm� et m�connaissable, il tra�nait, toujours seul, puisque pas d�argent, pas d�amis, les soucis et la maladie ont fini par l�emporter, qu�il repose en paix. Moussa a fini par trouver un petit boulot, chez un priv� qui l�exploite pour un salaire trois fois plus petit que celui qu�il avait auparavant ; il ne peut m�me plus se permettre d�acheter un poulet une fois par mois � ses enfants. Omar est arriv� au point de non-retour : pour attirer l�attention des autorit�s sur sa d�tresse, il a squatt� la cour d�une mosqu�e avec femme et enfants, et ce, sous le regard m�dus� des fid�les venus pour leur pri�re du matin. Il me faudrait tout un bottin t�l�phonique pour narrer les malheurs de chacune des victimes de ce monstre. Les �v�nements que je viens de d�crire se sont pass�s il y a plus de dix ans : l�usine n�a jamais �t� ferm�e et les travailleurs qui n�ont pas �t� dup�s par les mensonges de ce charognard continuent de recevoir un salaire d�cent et subviennent correctement aux besoins de leurs familles. Je me demande si tous ces charognards qui s�vissent dans plusieurs de nos entreprises et usines se rendent compte des effets n�fastes et destructeurs qui font subir aux familles des travailleurs qu�ils jettent dehors, et ce juste, pour glaner quelques remerciements hypocrites de leur hi�rarchie. Adouane Mustapha d�El-Kseur P. S. : J'ai �crit cet article en hommage � deux de mes amis qui, malheureusement, aujourd'hui, ne sont plus l� pour le lire, ils �taient eux aussi les victimes de ce charognard dont je n'ai pas cit� le vrai nom, mais j'esp�re de tout c�ur qu'il se reconna�tra et qu'il mesurera enfin l'�tendue des d�g�ts qu'il a pu causer dans plusieurs familles.