Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] L�entreprise priv�e alg�rienne est, on le sait, une entreprise familiale (on dit aussi une entreprise patrimoniale). Beaucoup d��conomistes voient ici les raisons de la non-progression du secteur �conomique priv� national. Pourtant, il faut savoir que les grandes entreprises fran�aises Peugeot, Bouygues, Pinaud.. sont des entreprises familiales. Mieux, une enqu�te r�alis�e en 2007/2008 par un bureau d��tude am�ricain r�v�le que 50 % du PIB europ�en est le fait d�entreprises familiales et qu�aux USA les entreprises familiales sont les plus nombreuses. Deux questions viennent � l�esprit : 1) Mais qu�est-ce donc qu�une entreprise familiale ? 2) Pourquoi le caract�re familial des entreprises alg�riennes en fait-il des entraves � leur d�veloppement ? A - La d�finition universellement admise de l�entreprise familiale retient trois crit�res : 1/ le contr�le du capital par la famille ; 2) la participation active de la famille dans l��quipe dirigeante ; 3) le lien �troit existant entre la famille et l�entreprise. La Stockholm Schools of Economics pour sa part, donne le primat � trois crit�res sur tous les autres : 1) Au moins trois membres de la famille sont actifs dans l�entreprise. 2) L�entreprise est sous contr�le familial depuis trois g�n�rations au moins. 3) les membres de la famille qui poss�dent actuellement l�entreprise ont l�intention d�en c�der le contr�le � la g�n�ration suivante. Cette approche de la Stockholm Schools of Economics peut parfaitement s�appliquer � l�entreprise familiale alg�rienne qui, encore une fois, compose le secteur �conomique priv� national. L�entreprise familiale, diff�rente de l�entreprise �manag�riale�, est � l�interface de la famille et de l�entreprise qui fonctionnent selon des modes diff�rents. La famille fonctionne sur un mod�le affectif et �motionnel. De plus, les membres de la famille sont �valu�s pour ce qu�ils sont et non pour ce qu�ils font. L�entreprise fonctionne selon une logique �conomique orient�e vers le profit. Son objectif est la recherche de la performance. Les salari�s, y compris les dirigeants, sont �valu�s pour ce qu�ils font et non pour ce qu�ils sont. Ainsi, deux univers s�affrontent dans l�entreprise familiale : celui de la famille o� r�gne l�affectivit� et celui de l�entreprise o� est suppos�e r�gner la rationalit�. La cohabitation entre ces deux univers est source de conflit. Les entreprises familiales subissent donc d�autres contraintes que celle de la seule rentabilit�. Pour sortir des conflits d�int�r�ts et de la confusion entre la gouvernance de la famille et la gouvernance de l�entreprise, il faut, bien s�r, s�parer les deux : � la gouvernance de la famille, un conseil de famille � qui revient la t�che de d�battre des orientations qui seront soutenues par cette derni�re : contr�le de la soci�t�, valeurs familiales. Les questions � d�battre au sein du conseil de famille seront du type : 1- Faut-il diversifier l�activit� ? En retirer des liquidit�s ? 2- Quel doit �tre le r�le de la famille au sein du conseil d'administration ? Dans le management ? 3- Quelles sont les r�gles de succession ? 4- Quelles sont les attentes vis-�-vis de l�entreprise en termes de dividendes, d�emploi... 5- Quelles sont les valeurs de la famille. La gouvernance de l�entreprise doit �tre confi�e � un conseil d�administration qui est le lieu de promotion de l�int�r�t de l�entreprise et non celui de la gestion des conflits entre branches de la famille. Les entreprises familiales qui ont prosp�r�, r�ussi et sont devenues des champions ont mis en place un cheminement de transparence, de professionnalisation, de responsabilit�. Elles ont mis en place des structures pour une bonne gouvernance : 1/ Un conseil informel qui brise la solitude du dirigeant tout en pr�servant la susceptibilit� d�un conseil de famille hostile � l�entr�e de corps �tranger. Les membres de ce conseil informel peuvent �tre consid�r�s comme des consultants. Il s�agit d�une sorte de think-thank compos� de pairs, industriels, avocats, financiers. C�est l� une premi�re variante de gouvernance d�entreprise familiale. 2/ L�autre option est de constituer �au-dessus � de l�entreprise, c�est-�-dire en dehors d�elle, un regroupement d�actionnaires familiaux. On assure de la sorte, via une ou deux r�unions annuelles, le maintien d�un lien, d�une culture familiale et d�une fiert� de l�entreprise. Le management de l�entreprise reste, bien s�r, le fait de la direction de l'entreprise et du conseil d�administration de celle-ci. Pour r�sumer, on peut souligner que dans l�entreprise familiale cohabitent trois sous-syst�mes : la famille, le management, la propri�t�, chacun de ces sous-syst�mes n�cessite ses propres m�canismes de gouvernance : a) le conseil de famille pour la gouvernance familiale ; b) le conseil d�administration pour le management ; c) l�assembl�e des actionnaires pour la propri�t�. Il faut �viter que la pr�sidence du conseil de famille soit assur�e par la m�me personne que la pr�sidence du conseil d�administration. Il faut que l�entreprise puisse fonctionner dans la s�r�nit� B - L�entreprise familiale alg�rienne : Dans le secteur priv� alg�rien, l�entreprise familiale reste caract�ris�e par une confusion entre le conseil de famille et le conseil d�administration qui seul est habilit� � d�finir la strat�gie et les orientations et en contr�ler l�application. Il n�y a pas, dans l�entreprise familiale alg�rienne, d�actionnaires externes, ni d�administrateurs ind�pendants. Il n�y a pas non plus de directeurs et managers autonomes. Le conseil d�administration est constitu� principalement de membres de la famille. Les cadres managers ne sont pas motiv�s car il n�y a pas ou peu de d�l�gation de pouvoirs, une faible transparence dans la gestion des ressources humaines, un risque de marginalisation des cadres non issus de la famille. Ces �anomalies� font peser un risque sur la continuit� de l�activit� et la p�rennit� de l�entreprise. Dans l�entreprise familiale alg�rienne, il y a, dans la quasi-totalit� des cas, confusion entre actionnaires, directeurs, administrateurs. De ce fait, la gouvernance, c�est-�-dire le syst�me de direction et de contr�le de l�entreprise, est difficile � mettre en place (car il n�y a pas s�paration entre actionnaires, directeurs et cadres-managers). Cette absence de gouvernance dans les entreprises familiales alg�riennes, c�es-�-dire cette absence de syst�me par lequel on peut s�assurer et v�rifier que l�entreprise est bien g�r�e et est performante, freine la cr�ation de valeur et la comp�titivit� de celle-ci. L��laboration r�cente d�un code de gouvernance de la PME et sa mise � la disposition des entreprises priv�es alg�riennes comble incontestablement un grand retard et pourra aider l�entreprise familiale, c�est-�-dire le secteur �conomique priv�, � jouer son r�le moteur dans la croissance.