Par Ahmed HALLI [email protected] J'ai admir� la fa�on dont les Egyptiens ont fait bloc autour de leurs joueurs de football apr�s l'�pisode du �cambriolage� de leurs chambres d'h�tel en Afrique du Sud. Le r�flexe nationaliste a jou� � fond mais il a �t�, surtout, actionn� par le ressort religieux. Est-il concevable, � musulmans engag�s, que, vertueux parmi les vertueux, des sportifs �gyptiens puissent s'agenouiller devant des dames de petite vertu ? Cela ne saurait �tre dans un milieu o� on soigne les apparences, plus rapidement et plus efficacement, que la fi�vre porcine. Les m�dias et le bon peuple �gyptiens les appellent fi�rement les �Sadjidine� (ceux qui se prosternent). Parce qu'ils se prosternent pour remercier Dieu, chaque fois qu'un des leurs marque un but et qu'ils font �cole jusque chez les n�tres. Il est vrai que ces derniers temps, avec l'Egypte, la divine providence n'a pas �t� gav�e de pri�res, les occasions de buts ayant �t� rares. Mais en Afrique du Sud, les Egyptiens ont quand m�me r�ussi � marquer autant de buts qu'ils en ont encaiss�. Ce qui n'est pas mal et, surtout, salutaire pour des joueurs prompts � enfoncer la t�te dans le gazon. Seulement, il faudrait savoir vers quelle direction se tourner : normalement c'est La Mecque, mais chercher La Mecque � partir de Pretoria �a peut faire perdre le nord. C'est donc sans souci de la �Qibla�, et dans un �lan enthousiaste, que les joueurs �gyptiens se sont prostern�s, qui vers le poteau de corner adverse, qui vers la cam�ra du monopole ART. Au soir de la victoire sur l'Italie, les joueurs �gyptiens, confiants dans leur bonne �toile, n'auraient-ils pas �t� tent�s de sacrifier � V�nus, loin des miradors islamistes ? Ce serait tellement proche de la r�alit� et tellement plus logique que je suis pr�t � r�pondre par oui. Apr�s une victoire pareille, on peut penser que l'on est en droit de se prosterner, pour changer, devant une beaut� sud-africaine, m�me r�tribu�e. Il est m�me normal, et je dirais m�me fatal, qu'apr�s l'extase et l'euphorie des buts marqu�s, on se retrouve avec la bourse vide, si j'ose dire. Bref on ne saura pas de sit�t si les joueurs �gyptiens ont �t� cambriol�s par des souris d'h�tel ou soulag�s par des p�ripat�ticiennes aux tarifs exorbitants. J'ai plut�t tendance � croire la version �Belles de nuit� mais mon opinion ne compte pas aux yeux des Egyptiens. Et surtout pas pour May Azzedine, l'actrice et fianc�e de Mohamed Zidane, le joueur vedette de l'�quipe �gyptienne. C'est le buteur et l'imam du groupe qui r�veille tout le monde pour la pri�re de l'aube, insiste la presse locale. Je n'insiste pas, et ce d'autant plus que May Azzedine nous assure que son homme est d'une chastet� � toute �preuve, ce que nous lui conc�dons volontiers. J'ai juste une pens�e confraternelle et solidaire pour ce journaliste �gyptien, Omar Adib, qui a rapport� l'histoire de la soir�e de sybarites v�cue par les joueurs. Ma religion est faite l�-dessus mais je ne me h�terais pas de conclure comme ce confr�re du quotidien national Al-Fedjr que les joueurs �gyptiens ont lev� la jambe. Que ces jeunes hommes, trop sevr�s, ont agi aussi l�g�rement que cet imam de Kol�a qui a pratiqu� un exorcisme �p�n�trant� sur une femme mari�e. On peut seulement se demander si les d�tenus qui l'ont bastonn� � son arriv�e en prison l'ont fait par morale puritaine ou par jalousie. Esp�rons qu'il n'aura pas form� trop d��exorcistes� � l'issue de sa d�tention ! C'est � une r�flexion sur la condition p�nitentiaire, sous le titre �L'Arabie saoudite, la plus grande prison de femmes�, que nous convie cette semaine l'�crivaine saoudienne Wajiha Al-Howeidar. Les d�tenus saoudiens qui n'ont pas fini de purger leurs peines ont deux possibilit�s de lib�ration anticip�e. Soit ils apprennent partiellement ou enti�rement le Coran et ils sont ensuite �largis. Ou bien, ils b�n�ficient d'une gr�ce royale, � une occasion ou � une autre, et ils peuvent alors s'en aller librement.� Seulement, aucune de ces possibilit�s de lib�ration n'est offerte � la femme saoudienne, qu'elle soit derri�re les barreaux ou en dehors. Dans les deux cas, elle n'est jamais lib�rable sauf avec la permission de son tuteur (moharim, celui qui emp�che, interdit au sens litt�ral et peut donc autoriser parfois). Si une femme saoudienne commet un crime, elle est emprisonn�e et accomplit sa peine jusqu'au bout, mais elle ne peut quitter sa cellule si son tuteur n'est pas pr�sent. C'est pour �a que de nombreuses Saoudiennes croupissent dans les prisons parce que leurs tuteurs ont refus� de les en sortir. L'Etat leur a accord� son pardon, mais le tuteur persiste � les punir encore. D'autre part, la femme r�pudi�e ne peut sortir de chez elle ou quitter sa ville ou son pays que si son tuteur l'autorise, sa libert� est entre les mains du tuteur. Comme c'est la r�gle dans toute organisation p�nitentiaire dans le monde, le d�tenu perd toutes ses pr�rogatives, notamment le droit de disposer de sa propre personne. Tout ce qui le concerne est sous la coupe du gardien et sous son autorit�, jusqu'� extinction de sa peine. C'est aussi le cas de la femme saoudienne qui ne peut prendre aucune d�cision, ne peut faire un pas sans la permission de son ge�lier, appel� aussi tuteur. Mais pour une p�riode ind�termin�e. La loi du tuteur saoudien a transform� les femmes en d�tenues, de la naissance � la mort. Elles ne peuvent sortir de leurs cellules (maisons) ou de leur grande prison (le pays) qu'avec une autorisation sign�e par la direction p�nitentiaire. Les Saoudiennes sont les plus grandes victimes au monde des d�nis de droits et de dignit�, mais elles continuent � supporter en silence toutes les formes d'injustice et d'oppression. Elles r�fr�nent leurs col�res et se confinent dans une douleur mortif�re, les Saoudiennes sont pacifiques, dans tous les sens du terme. Mais l'Etat, jusqu'� pr�sent, ne tient aucun compte de leur bont� naturelle, de leur longue patience et de leur r�sistance calme et pacifique. C'est tout le contraire ! Les religieux que l'Etat a charg�s d'opprimer les femmes interpr�tent leur mutisme et leur silence comme un signe de leur faiblesse, une preuve de leur immaturit� mentale. C'est pour cela qu'ils ont augment� les doses d'iniquit� qu'ils leur font ingurgiter, au fil de toutes ces ann�es et de ces p�riodes. Ils ont resserr� l'�tau autour d'elles, ils les ont accul�es dans tous les espaces de vie avec des lois oppressives et des sentinelles de la moralit� qui les pourchassent partout comme des d�linquantes en puissance. Le statut sp�cial de la femme a fait de celle-ci un objet de d�foulement, recherch� par des m�les frustr�s de violence et de sexe. Avec la prudence d'usage, sur de tels sujets, Wajiha rappelle que m�me les femmes du Proph�te n'avaient pas de tuteur comme les Saoudiennes d'aujourd'hui qui ont m�me perdu des droits qu'avaient leurs grand-m�res et leurs arri�re-grands-m�res. �Bienheureuse Arabie saoudite, le royaume de l'humanit�, qui a fait de sa terre la plus grande prison de femmes du monde ! Qui a permis � chaque homme saoudien d'exercer le m�tier de ge�lier sans condition et sans retenue. Le royaume qui a fait des femmes des d�tenues � vie, alors qu'elles n'ont aucun p�ch�, aucune faute � expier�, conclut l'�crivaine saoudienne dans ce pamphlet qui lui vaudra, n'en doutons pas, de nouveaux d�sagr�ments. Si ce n'est d�j� fait � cette heure-ci ! Bien heureuse Wajiha qui a encore le courage et les ressources n�cessaires pour se r�volter et sonner la r�volte de ses compagnes de d�tention. Et si vous pensez, ch�res concitoyennes, que cela ne risque pas de vous arriver, souvenez-vous que tout commence par le geste banal de se couvrir la t�te.