La maxime kabyle �anarz ouala anknou� (nous nous briserons mais nous ne plierons pas) s�adapte � merveille au village de Djerrah. �Chez nous, il n�y avait pas place � �haut les mains�. Nous ne levions pas les bras. Nous allions jusqu�au bout�, nous confiait Ma�llem Rabah, 76 ans, qui a v�cu la guerre de Lib�ration � Djerrah. Les a�eux de ce village �taient de ceux qui avaient r�pondu massivement � l�appel d�El-Mokrani. Pour ces paysans accabl�s par la duret� de la montagne, mais humbles et dignes, �tre moudjahid au sein de l�ALN, cela coulait de source. �D�s l��ge de 14 ans, on devenait moudjahid. Ce ne pouvait �tre autrement. La question des armes ne se posait pas�, dira de son cot� Da Sa�d Oubehri, 87 ans, second survivant sauv� d�une grotte gaz�e par l�arm�e fran�aise, o� se trouvaient des dizaines de personnes. Rencontr�e dans son modeste chalet pour sinistr�s qu�elle occupe � A�t-Amrane, Bouchiouane Mina, veuve Haddadou Rabah, 76 ans, � qui l�ALN avait confiait la t�che de soigner les deux seuls rescap�s retir�s des sinistres grottes, dira, d�s les premiers instants de notre rencontre : �Il faut que les jeunes sachent que l�Alg�rie ne nous a pas �t� offerte. Il faudrait que les jeunes sachent que leurs a�eux ont terriblement souffert.� Et d�ajouter : �Je suis hant�e par les comptes. Je passe mon temps � compter et recompter jusqu�� susciter l�inqui�tude de mes enfants et de mes petits-enfants. J�arrive immanquablement au nombre de 140. 140 chouhada sont recens�s dans notre douar.� De son c�t�, Da Rabah Oubehri nous cite, � titre d�exemple, le sacrifice consenti par 7 familles d�une seule dechra, avec 25 chouhada. Pour preuve, il �num�re quelques noms de ces familles : Ma�llem et Chaouch avec 5 chouhada chacune, Behri avec 4 chouhada... En d�pit de moult ratissages, d�ex�cutions, de tortures, de bombardements et d�attaques au napalm et au gaz, les villageois de l�ex-douar Amal persistaient � s�accrocher � leur montagne. Leur pr�sence �tait vitale aux combattants de l�ALN. Pour ce faire, ils avaient adopt� un mode de vie en fonction de la situation. �La nuit, nous moissonnions et nous reconstruisions rapidement tout ce que l�arm�e fran�aise d�truisait, le jour, nous disparaissions dans la nature�, avouera Da Rabah. Dans cette organisation sociale, la femme de Djerrah avait un r�le essentiel pour aider les moudjahiddine. Elle pr�parait � manger, acheminait des messages, surveillait le mouvement des troupes fran�aises, effectuait des sauvetages, soignait les malades et les bless�s� Et quand il n�y avait plus d�hommes, elle s�occupait des enterrements. Constatant que la r�pression n�avait pu briser ces montagnards, l�arm�e avait d�cr�t�, en 1957, l��vacuation du douar Amal, sous peine d�ex�cution sommaire de tout r�calcitrant. Cet ensemble de dechras devenait une zone interdite. Les habitations ont �t� bombard�es et d�truites. Ne dit-on pas que l�histoire est un �ternel recommencement ? Paradoxalement, c�est en 1997, 40 ans apr�s les exactions de l�arm�e fran�aise, que les hordes du GIA d�barquaient dans les dechras, compl�tement marginalis�es , mais o� les citoyens r�sistants avaient repris go�t � la vie sur la terre qui les a vu na�tre et pour laquelle ils avaient vers� leur sang. Les islamistes arm�s ont sem� destruction et d�solation. Des citoyens ont �t� l�chement assassin�s, d�autres rackett�s et des maisons d�truites. Bien des gens ont tent� de r�sister et continuent de le faire. C�est finalement les autorit�s qui ont donn� l�ordre d��vacuation. Les maisons ont �t�, une autre fois, soumises � des destructions. Le village est actuellement abandonn� et laiss� aux terroristes du GSPC. Et les islamistes se livrent � un autre g�nocide. Ils se sont attaqu�s � un symbole de la r�sistance contre l�occupation coloniale, aux germes de la citoyennet� dans notre pays et de la libert�. Les laisser marcher sur ces montagnes, c�est souiller la m�moire de g�ants comme Ali Khodja.