Le FFS tient une session extraordinaire de son Conseil national    La PCH, un "acteur incontournable" dans l'approvisionnement des hôpitaux nationaux en médicaments    Conflit dans l'Est de la RDC : l'Algérie appelle à la "retenue" et à la "désescalade"    Présidence mauritanienne de l'UA: des performances à préserver    Foot/Supercoupe d'Algérie 2024 (MCA-CRB): deux prétendants convoitent le premier titre de la saison    Cyclisme/Tour d'Algérie 2025: La 25e édition promet un spectacle grandiose à travers l'Est et le Sud du pays    Massacre de Sakiet Sidi Youcef: un autre exemple de la sauvagerie des expéditions punitives de l'armée coloniale    Chaib reçoit le Directeur général de l'AAPI    "Festival de l'image corporate": 14 films institutionnels distingués à Alger    Sonelgaz: signature d'un mémorandum d'entente avec Siemens Energy    Attaf s'entretient avec l'envoyé spécial du Président mauritanien    Coupe d'Algérie: l'ESM et l'ESS, premiers qualifiés aux quarts de finale    APN: Journée d'études jeudi prochain sur les explosions nucléaires en Algérie    L'Union des Organisations africaines contre le cancer ouverte à toutes les organisations du continent    Le ministre de la Justice préside la cérémonie d'installation du nouveau procureur général près la cour d'Alger    Le ministre de la Santé se réunit avec les membres de la Commission nationale de prévention et de lutte contre le cancer    Des pluies parfois sous forme d'averses affecteront plusieurs wilayas du Sud à partir de jeudi    Palestine occupée : Des ONG appellent l'UE à mettre fin au commerce avec les colonies sionistes    L'approche participative de Zitouni    Réunion de coordination portant suivi et évaluation des programmes de développement de la wilaya    Mise en service fin février de la ligne ferroviaire    JS Kabylie : Le contrat de Lounas Adjout résilié    Retour de l'entraîneur Abdelhakem Benslimane    Ahmed Kharchi élu président    Natacha Rey demande l'asile politique pour Piotr Tolstoï en Russie en raison de persécutions judiciaires    Brahim Merad annonce un élargissement à toutes les régions du pays    Le choix stratégique de l'Algérie    La police de Tébessa frappe à El Oued    Une bande de malfaiteurs spécialisée dans le vol des maisons neutralisée    Les décharges sauvages se multiplient à une cadence frénétique    C'est 30 ans de mensonges et de massacres au Moyen-Orient !    Le Mexique commence le déploiement de 10 000 soldats à la frontière avec les Etats-Unis    Jeunes créateurs et investisseurs à l'honneur    La Mosquée-Cathédrale de Cordoue franchit la barre des 2 millions de visiteurs en 2024    Exposition d'artistes aux besoins spécifiques    Journée d'étude à Alger sur "Les perspectives et défis des théâtres en Algérie"        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Entretien
ROLAND LAFFITE, �CRIVAIN-CHERCHEUR AU SOIR D�ALG�RIE : �Les deux tiers des noms d��toiles sont d�origine arabe !�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 12 - 08 - 2009


Entretien r�alis�
par Fatma Haouari
Le Soir d�Alg�rie : Vous avez �crit plusieurs ouvrages sur le patrimoine arabe, pourquoi un tel int�r�t ?
Roland Laffitte : Tr�s jeune, j�ai �t� touch� par les hommes et les femmes de la rive sud de la M�diterran�e. J�ai pass� une partie de mon enfance au Maroc o� j�ai trouv� une profonde familiarit� avec les sensations �prouv�es dans le Midi de la France d�o� je suis originaire.
J�ai aim� l�architecture arabe et musulmane : ma premi�re exp�rience de la belle architecture fut l�Alhambra de Grenade ! J�ai notamment pris un tr�s grand plaisir � effectuer un parcours photographique de la maison arabe dans des villes comme Bagdad, Damas, Tunis, Alger, et particip�, avec mon �pouse Na�ma Lefkir-Laffitte, � la r�alisation du film Ceux de La Casbah, coproduit � Alger. De fa�on naturelle, je me suis mis � aimer la langue arabe, dont l��cole m�avait d�j� donn� le go�t avant m�me le latin. C�est pourquoi j�ai �t� choqu� d�s l�enfance par l�injustice coloniale qui niait un univers que j�aimais. Passionn� d�histoire, j�ai �tudi� celle du Monde arabe et musulman comme celle de l�Europe, celle des mondes anciens de la M�diterran�e ou celle de la Chine. J�ai pu toucher du doigt la profonde familiarit� entre la culture arabe et musulmane et la culture europ�enne, tout comme la r�elle singularit� de l�une et de l�autre, chacune pouvant apporter � l�autre un regard original et enrichissant. Je pourrais dire, � la suite de Jacques Berque, que les cultures des deux rives de la M�diterran�e sont dans un rapport d�int�riorit� r�ciproque. Le regard d�valorisant port� en Europe sur le patrimoine arabe me para�t non seulement regrettable, mais aussi particuli�rement stupide et dangereux. L�essentiel de mes activit�s s�effectue aujourd�hui dans le cadre de la Selefa (Soci�t� d��tudes lexicographiques et �tymologiques fran�aises et arabes), pr�sid�e par mon ami Paul Balta, le journaliste et �crivain bien connu en Alg�rie. Elles consistent en un travail de recherche d�bouchant sur une activit� de partage : conf�rences, articles, actions �ducatives, etc. Les champs abord�s � ce jour ont �t� les pr�noms arabes et musulmans en France, les mots arabes dans le fran�ais populaire, notamment la langue des jeunes qui a donn� lieu � la publication d�un livre. J�ai �galement �crit, sur la nomenclature c�leste, un ouvrage intitul� Des noms arabes pour les �toiles.
Justement, � propos de nomenclature c�leste, la Selefa dont vous �tes membre fondateur fait un travail de r�colte � travers un projet de recherche intitul� � L�imaginaire du ciel �toil� dans le Monde arabe�. Pouvez-vous nous en parler ?
Aujourd�hui existe � l��chelle internationale une curiosit� pour les repr�sentations du ciel et l�imaginaire c�leste. On assiste � un effort pour pr�senter au grand public ces tr�sors de l�esprit humain. Le merveilleux que rec�le l�imaginaire c�leste est d�j� passionnant en lui-m�me : qui n�est pas touch� par la mythologie astrale des Grecs ? Mais il peut aussi constituer un bon levier pour l�initiation � l�astronomie. D�ailleurs, les professionnels engag�s dans cette t�che, qui font d�j� un large appel � l�imaginaire grec, commencent � se passionner pour les l�gendes du ciel chez les Chinois, les Egyptiens anciens ou les Am�rindiens. Or nous observons l� un paradoxe radical : tandis que deux tiers des noms d��toiles dans les catalogues et les atlas c�lestes internationaux sont d�origine arabe, le riche patrimoine immat�riel o� s�originent ces noms est pratiquement m�connu. Et cela est vrai, non seulement � l��chelle internationale, mais dans les pays arabes et musulmans eux-m�mes� La raison de cette terrible d�ficience est que ce riche patrimoine attend encore d��tre r�colt�. Il faut le faire dans la litt�rature classique, bien s�r.
Mais aussi dans la culture populaire et la m�moire orale : celle des marins, des paysans et des B�douins qui pratiquent les �toiles pour se rep�rer dans le temps ou l�espace, et qui sont h�las en train de dispara�tre, tout comme celle des citadins car les �toiles et leurs l�gendes sont partie prenante des traditions urbaines o� elles s�expriment dans des dictons, des contes ou des chansons. Seul un effort consid�rable permettra de corriger la lacune criante existant aujourd�hui dans la connaissance de notre h�ritage arabe dans le ciel �toil�. Ce projet est un volet d�un projet plus vaste : �Le ciel, patrimoine commun�, qui vise � faire conna�tre les diff�rentes strates de la formation de notre vo�te c�leste, et tout particuli�rement la strate arabe et la m�sopotamienne, celle-ci �galement largement m�connue alors qu�elle a fourni la moiti� de nos constellations grecques classiques. Il s�agit d�offrir au public une collection comprenant non seulement les l�gendes li�es aux figures c�lestes mais aussi une iconographie de qualit� : songez par exemple qu�� l�heure de l�image reine gr�ce � la t�l�vision et � internet, aucune figure m�sopotamienne n�est diffus�e et qu�aucune figure arabe n�est disponible. Cela est d� au fait que les astronomes de langue arabe ont repris avec un go�t ind�niable les images grecques en y pla�ant leurs propres �toiles mais n�ont couch� sur aucun support les images des figures n�es de l�imaginaire arabe, qu�il s�agisse d�al-Thuray�, d�al- Jawz�, de Suhayl et des deux Shir�, de Nash et ses Filles, ou d�autres encore, toutes aussi populaires. Livrer aux diff�rents peuples de la plan�te les tr�sors de cet imaginaire serait un bon moyen de revaloriser sans tapage une image des Arabes aujourd�hui passablement d�grad�e�
On croit savoir que vous avez eu des contacts en Alg�rie pour d�velopper ce projet, peut-on conna�tre l��tat de son avancement ?
Permettez que je parle d�abord des contacts avec des institutions d�autres pays qui se sont engag�s dans ce projet. Pour ce qui est des pays arabes, nous avons notamment la Facult� de lettres de l�Universit� de Sfax, en Tunisie et, en Egypte, l�Universit� A�n Chams du Caire � c�t� du PSC (Planetarium Science Center) de la Bibliotheca Alexandrina ainsi que Cultnat (National Center for Documentation of Cultural and National Heritage). Parall�lement, en France, l�UER (Universit� europ�enne de la recherche), pr�sid�e par le philosophe et �crivain Jean-Pierre Faye, int�gre en tant que laboratoire la recherche sur �l�Imaginaire du ciel �toil�. Nous travaillons aussi sur des projets communs de partage avec divers organismes fran�ais et internationaux de popularisation de l�astronomie ainsi qu�avec des maisons de production de programmes pour plan�tariums et des maisons d��dition. Pour ce qui est de l�Alg�rie, nous avons re�u de Abdelaziz Belkhadem, alors qu�il �tait chef du gouvernement, une lettre d�int�r�t et d�encouragement pour ce projet. La premi�re institution � manifester son engagement de principe dans cette �uvre a �t� le Crasc (Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle) d�Oran. Sur le plan des universit�s, nous sommes en contact avec les Facult�s des lettres et des sciences humaines � Tlemcen et � Alger o� nous avons expos� publiquement notre projet. Sur le plan minist�riel et administratif, nous sommes en rapport avec la Direction g�n�rale de la recherche scientifique et du d�veloppement, et la Direction de la coop�ration et des �changes internationaux au minist�re de l�Enseignement sup�rieur et de la recherche, ainsi qu�avec l�Andru (Agence nationale de la recherche universitaire). Et nous esp�rons que ces contacts pourront se concr�tiser prochainement�
Vous avez �crit un livre sur la guerre en Irak, l�un des pays qui a particip� � la splendeur de la civilisation arabo-musulmane. Comment �valuez-vous les d�g�ts commis contre le patrimoine culturel de ce pays ?
J�ai �crit avec Na�ma Lefkir-Laffitte en 1991 un livre intitul�, L�Irak sous le d�luge, qui brosse un tableau des destructions par la guerre et des cons�quences d�sastreuses du blocus impos� � l�Irak en les repla�ant dans l�histoire multimill�naire de ce pays. Nous avons suivi la trag�die irakienne sur plusieurs ann�es et tiss� ensemble, jour apr�s jour, lors de l�invasion quasi coloniale de 2003, une Chronique d�une guerre annonc�e. Parall�lement, j�ai replac� les motivations de cette invasion de type colonial dans l�histoire de la puissance �tatsunienne et de ses vis�es g�opolitiques par la publication d�un ouvrage intitul� Etats-Unis : la tentation de l�empire global. Les Etats-Unis ont litt�ralement d�truit dans ce pays toute vie sociale organis�e avec d�incalculables cons�quences humaines. Ind�pendamment du jugement que l�on peut porter sur la politique du Ba�th, ils voyaient une menace dans l�effort entrepris par l�Irak pour faire vivre la culture arabe classique et lui d�niaient le droit de s�enraciner lui aussi dans les strates anciennes de la civilisation, notamment la m�sopotamienne. Ces coups port�s � ce pays dans ces �pisodes tragiques sont une catastrophe pour l�existence des Arabes en tant qu�id�e dans le pr�sent et pour la culture arabe en particulier� Cela signifie qu�il faut mettre les bouch�es doubles pour affirmer le patrimoine culturel arabe dans toutes ses dimensions et par tous les moyens, notamment l��dition, dont il n��chappe � personne qu�elle est largement en dessous des exigences actuelles. J�en donne un exemple concernant l�imaginaire c�leste : les Irakiens avaient r��dit�, avant ces trag�dies, le Kit�b al-anw� d�Ibn Qutayba al-D�nawar�, qui constitue une source majeure de cet imaginaire dans la litt�rature arabe classique. En tout �tat de cause, la collecte et la r��dition de ces kut�b al-anw� reste une t�che urgente.
Dans quelle mesure la Selefa peut contribuer � la collecte du patrimoine arabe et comment se fait la collecte ?
Selefa, qui assume le r�le de ma�tre d��uvre du Projet dans sa phase pr�paratoire, fonctionne aussi comme une des �quipes de recherche du r�seau en cours de constitution. Elle travaille pour cela, comme je l�ai dit pr�c�demment, dans le cadre de l�UER (Universit� europ�enne de recherche) et participe par ses propres circuits � la mise en forme de l�imaginaire c�leste m�sopotamien ainsi qu�� la collecte des textes arabes classiques. Elle a en m�me temps fourni la premi�re �bauche d�un site internet d�di� � ce projet intitul� Uranos (voir www.uranos. fr), qui met � la disposition du r�seau une s�lection de la documentation existante et les contributions des uns et des autres. Le site �tant trilingue : anglais/arabe/fran�ais, elle �uvre enfin � la formation du noyau d�une �quipe de traducteurs, ce qui suppose l��laboration d�une terminologie scientifique adapt�e.
Des projets en cours ?
Nous sommes en train de mettre en place, dans le cadre de l�UER et en rapport avec des institutions universitaires de plusieurs pays arabes, un programme de travail sur la lexicographie arabe. Il concerne la datation, l��tude d�usage et de contexte, et l��tymologie des mots arabes, ceci en nous limitant, dans un premier temps, aux mots arabes pass�s dans les langues europ�ennes. Un des volets de cette recherche concerne la terminologie arabe en mati�re de philosophie et de sciences, astronomie et math�matiques pour commencer, replac�e dans la cha�ne linguistique grec et persan/syriaque et arabe/latin m�di�val/langues contemporaines d�Europe. Un autre projet en cours est un glossaire de pr�noms arabes et musulmans port�s en France, avec leurs variantes turques, africaines, etc., noms dont il s�agit de donner l��tymologie et qui doivent �tre replac�s dans leur contexte religieux, civilisationnel et historique autant que culturel contemporain. Il y a bien d�autres choses, mais cela nous m�nerait trop loin� Pour ce qui concerne �Le ciel, patrimoine commun�, nous sommes en train d��laborer avec l�APLF (Association des plan�tariums de langue fran�aise), un projet commun de film montrant en quoi l�imaginaire des figures c�lestes dans les diff�rentes cultures aide � l�initiation des jeunes et des scolaires � l�astronomie. Nous montons, par ailleurs, en collaboration avec l�Observatorium de Nice, une s�rie de fiches astronomiques du mois sur support vid�o destin� � des lieux publics, fiches dans lesquelles, � c�t� des donn�es astronomiques, la partie imaginaire c�leste, et l�arabe en particulier, aurait toute sa place.
Un dernier mot pour conclure ?
J�aimerais, si vous le permettez, faire un v�u. Je serais personnellement touch� que l�Alg�rie prenne une place importante dans le projet de Recherche sur � L�imaginaire du ciel �toil� dans le Monde arabe�. Entre autres raisons, l�Alg�rie est un pays extr�mement riche du point du vue du patrimoine populaire concernant notre projet : que l�on pense � la prodigieuse diversit� des traditions locales de l�Oranais � Souk Ahras, du Sahel au Touat et � Djanet ou � Tamanrasset, lesquelles d�clinent toute une gamme d�apports arabes et berb�res. Mais aussi par ce que l�Alg�rie dispose des capacit�s humaines et mat�rielles pour jouer un r�le d�entra�nement dans un tel projet.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.