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CHRONIQUE D�UN TERRIEN
La grande harba (XV) Par Ma�mar FARAH [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 10 - 09 - 2009

Le 23 mars 2009, 35 millions d�Alg�riens prennent la mer par tous les moyens. Le gouvernement d�cide de les remplacer par des Chinois disciplin�s et travailleurs. Les Alg�riens s��tablissent en Sardaigne qu�ils baptisent Sard�lie. Mon journal de Sidi Cagliari, capitale du nouveau pays, m�envoie en Alg�rie pour enqu�ter sur un ph�nom�ne curieux : le retour des premiers harraga, signal�s du c�t� de T�n�s. Apr�s bien des p�rip�ties, je me retrouve en compagnie d�une jeune femme, d�un �mir terroriste et d�un pied-noir, dans les for�ts de Kabylie�
La nuit est calme. Enfin, comme elle peut l��tre sur les hauteurs de Yakouren : il y a juste quelques coups de feu � Tahnachet, l�attaque de la maison foresti�re de Taba n�Rbia, un attentat contre la caserne des gardes rouges de Tamliht et une embuscade � Amdhik Nat A�ssi. Entre deux rafales, j�entends les chiens du poste avanc� de la gendarmerie aboyer et �a me rappelle Giscard, un berger allemand s�duisant et fid�le, mon beau chien que j�ai laiss� en Sard�lie� Un jour, un chr�tien de l��le m�a dit �tre choqu� par ce nom qui est g�n�ralement r�serv� aux �tres humains. Je lui r�pondis que mon r�ve a toujours �t� de poss�der un chien et de l�appeler Giscard. Pourquoi ? Parce que je n�ai jamais gob� que l�ancien pr�sident de la R�publique fran�aise nomme le sien Jugurtha ! Enfin, me dis-je en regardant le pied-noir qui ronflait comme une marmotte, peut-�tre que j�en fais trop ! Les pr�sidents ont leur rang et je ne sais m�me pas si une telle chose (donner le pr�nom d�un pr�sident � son chien) est tol�r�e par la loi. Mais je m�en fiche ! Jugurtha n�est pas, non plus, un nom de dogue ! Au point o� j�en suis, un d�lit de plus ne me ferait pas plus mal. Je suis en fuite, recherch� d�abord pour �harga�, au m�me titre que les 35 millions d�Alg�riens, soup�onn�s de HSI (Harga en sens inverse) et, plus grave, de connivence avec le terrorisme. Je le regarde justement cet �mir serrant tr�s fort une mahchoucha d�nich�e je ne sais o�. Quant � la belle au bois dormant � c�est le cas de le dire , elle est l�, �tendue � m�me l�herbe, le visage poli par les rayons de la pleine lune. Je la couvre de ma veste car les nuits sont fra�ches � cette altitude. Je viens de remarquer qu�elle est d�une beaut� � couper le souffle. Et, soudain, son visage me semble familier. Cette femme n�a pas les traits d�une Chinoise et il me semble l�avoir d�j� vue. Je sais que le peuple alg�rien compte deux citoyens, hormis les membres du gouvernement, les forces de s�curit� et les �l�ments d�El-Qa�da au Maghreb. Deux personnes plus les quelques Sard�les de retour au pays ayant �chou� du c�t� de T�n�s et devant faire l�objet de mon enqu�te. Cette femme feraitelle partie de cette bande de cingl�s que l�amour du pays a fait revenir sur les rives qu�ils ont fuies quelques mois auparavant ? Est-elle venue avec les Chinois ? Ou alors, est-elle� Meriem El-Agouna, l�h�ro�ne dont le portrait ornait les murs de toutes les villes et de tous les villages ? Se peut-il que cette femme qui dort comme un ange est la candidate unique des derni�res �lections qui ont vu la participation d�un seul votant : elle, justement ! Le jour de la mort tragique de Moh l�oiseau � Bouchegouf, le peuple perdait sa moiti�. Mais heureusement qu�en donnant naissance � un b�b�, la brave Meriem r�tablissait l��quilibre : le peuple recomptait � nouveau deux personnes ! Elle changea de position et son visage s'�claira davantage. Ses traits �taient ceux d�une d�esse. Une m�che retombait sur son front �blouissant et cela ajoutait � son charme. Oui, pas de doute, c�est elle ! C�est Meriem El-Agouna ! Bon sang, ils ne vont pas me croire au canard ! J�ai pass� plusieurs jours en compagnie de Meriem El- Agouna. Je cours annoncer la nouvelle au buveur de Jack Daniel�s qui n�en crut pas ses oreilles. Son cri r�veilla le terroriste qui nous demanda ce que nous manigancions, en nous avertissant que ses fr�res n��taient pas loin et que nous devions nous tenir tranquilles. Inform� de la situation, il se frotta les mains : �Voil� une prise de taille. La candidate unique et la votante unique entre nos mains. C�est l�effondrement du syst�me.
- Je comprends alors pourquoi les gendarmes sont � nos trousses. C�est elle qu�ils recherchent, dit le pied-noir
- Mais que faisait-elle dans ce tripot mal fam� du port de B�ja�a avec ce porc de ma�tre des monts Kunlun ? s�interrogea l��mir
- Elle nous racontera�� Le terroriste voulut la r�veiller tout de suite. Nous interv�nmes pour l�en emp�cher : �Laisse-la se reposer !� Une aube fra�che et lumineuse descend comme une cascade de f�licit� sur la for�t r�veill�e par les chants de milliers d�oiseaux. Meriem s�occupait du petit d�jeuner. Elle avait allum� un feu de bois et pr�par� caf� et galette. Nous avions pourtant d�cid� de garder le silence, mais l��mir ne pouvait attendre plus longtemps : �Meriem ! Nous ne t�en voulons pas�
- Mon Dieu ! Vous m�avez d�couverte ! Je suis perdue�
- Tais-toi, goinfre. Tu as fait peur � cet ange !� Le pied-noir gagnait des points. Sa galanterie finira par l�emporter. Mais il n�est pas question de la laisser � la merci de ces deux-l�. Je convoquais mon sourire num�ro 14 et, de ma voix la plus douce, lui dis : �Meriouma, je t�ai regard�e quand tu dormais. La lune �tait jalouse de toi. Beaut� pure de mon pays, fille des fi�res tribus de l�Ouarsenis, je t�admire pour ton courage, ton honn�tet� et ton sens du devoir. Tu combats l�arri�ration et l�injustice, tu l�ves ton glaive contre l�in�galit� et la barbarie. Viens avec moi, je t�offre la dignit� ch�rement pay�e par El-Kahina, Fatma n�Soumer et Djamila Bouhired. Tu es n�e pour �tre libre. Tu es l�Alg�rie. Un seul mot de toi fera revenir les 35 millions d�Alg�riens !� Le piednoir me poussa et s�adressa � la fille en ces termes : �Depuis que nous sommes partis de cette terre, vous souffrez ma fille ! Je le vois ! Si nous �tions l�, tu aurais eu tous tes droits.
- Le seul droit qu�avaient nos femmes c��tait de faire les bonniches chez vous !� Je ne pouvais me taire. L��mir s�avan�a � son tour vers Meriem et lui susurra � l�oreille : �Ne te laisse pas tenter par les richesses et les promesses d�ici bas. Avec nous, tu vivras le plein �panouissement dans la religion, tu auras tous tes droits, mais pas � la mani�re des Occidentaux o� la femme est un objet. Tu sera couverte de la t�te aux pieds et seule ton mari � moi, pardi ! � aura le droit de jouir du spectacle f�erique de ton corps. Tu seras trait�e comme mes trois autres femmes et tu auras droit � deux nuits par semaine� Avec nous, tu t��l�veras audessus des choses bassement mat�rielles pour conna�tre le paradis. Tu nous donneras la force de chasser les impies et de les combattre m�me chez eux pour la renaissance de notre grand r�ve de reconqu�te. Tu ne seras pas reine d�un pays, mais l�une des �pouses du grand calife qui r�gnera sur l�Orient et l�Occident ! - Ne l��coute pas, Meriouma.� C��tait mon tour de s�duire la fille au kimono bleu : �Je t�offre ton pays tel qu�il est, pratiquant sa religion dans la pi�t�, la fraternit� et le pardon, comme l�ont fait nos anc�tres. Je t�offre l�Alg�rie authentique, berb�re comme toi, s�ur des Arabes mais gardant jalousement son identit�, sa langue, ses us et coutumes, ouverte aux vents de la M�diterran�e qui l�on fa�onn�e au cours des si�cles et ancr�e au plus profond de l�Afrique o� battent nos pulsions et grandissent nos r�ves. Je ne suis pas le messie pour te promettre le paradis et je ne veux pas que tu sois l�otage des obscurantistes qui veulent nous faire revenir au Moyen-Age. Je ne veux pas, non plus, que tu retournes � ton statut d�esclave et les promesses du pied-noir ne sont que pr�textes fallacieux pour te capturer une nouvelle fois. Viens, ma belle, allons dire aux Sard�les que nous avons d�couvert la v�rit� � Yakouren et, de cette terre b�nie, annon�onsleur que Meriem l�Alg�rienne n�a pas �t� r�cup�r�e par le syst�me. Disons-leur qu�elle ne tombera pas sous le joug des ennemis des femmes et qu�elle ne fera pas le bonheur des nostalgiques� � Meriem avait suivi chaque mot de nos trois interventions sans montrer la moindre �motion. Elle nous regarda et dit de sa voix suave : �C�est bien beau, tout cela. J�ai mon id�e sur l�homme que je choisirai mais, pour le moment, nous avons les gendarmes � nos trousses et la for�t est infest�e par les terroristes. Sauvons nos peaux d�abord�� A suivre


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