Dormant dans les couloirs des immeubles depuis de longues ann�es, oblig�s d�attendre qu�il n�y ait plus personne � l�int�rieur pour pouvoir se changer, partageant une unique chambre avec fr�res, s�urs et parents, les habitants de Diar-Echems ont cri� leur ras-le-bol lundi. Au lendemain des affrontements avec la police, la s�r�nit� n��tait toujours pas revenue dans le quartier. Ses habitants fulminent. Ultime recours d�cid� � l�unanimit� : couper la route au cort�ge pr�sidentiel le 1er Novembre prochain. Nawal Im�s - Alger (Le Soir) - Presque aucune trace physique des affrontements de la veille. Les services de la commune se sont fait un point d�honneur de tout nettoyer. Plus de pneus br�l�s, plus de pierres. Seul vestige de la journ�e de lundi, le vide ordure qui barre en partie l�acc�s � la cit�. Mais la col�re est perceptible. Des hommes regroup�s au bas des immeubles discutent bruyamment. Au c�ur de leurs discussions, le mal de vivre, la promiscuit�. Ils commentent les �v�nements de la veille, refusant que les enfants du quartier soient tax�s de voyous. Les affrontements de la veille auraient pu �tre �vit�s, disent-ils, car � la base, il s�agissait d�une protestation pacifique, n��taient ce les provocations des forces de l�ordre. Mais maintenant que le feu est parti, il sera difficile de calmer les ardeurs des plus jeunes. Ils sont r�volt�s par leurs conditions de vie. Parqu�s dans des F1 depuis de tr�s longues ann�es, ils ne connaissent rien de l�intimit�, de la convivialit�, de la vie de famille tout court. Difficile de vivre � huit, � dix ou � quatorze dans quelques m�tres carr�s. Au fil des ann�es, des codes se sont install�s. Pour pouvoir vivre sans heurts, ils ont invent�s un syst�me de �roulement � qui permet aux uns et aux autres d�utiliser les sanitaires, de se changer � l�abri des regards. Toute une vie � tenter de survivre, cela a fini par les �puiser, par les r�volter. De syst�me D en syst�me D, beaucoup d�entre eux ont fui les appartements exigus pour s�installer au contrebas des immeubles dans des baraques construites avec les moyens du bord. Ils vivent dans l�humidit�, oblig�s d�allumer des ampoules toute la journ�e. L�insalubrit� est leur lot quotidien. C�est parce qu�ils ont tent� de transformer le �terrain de football � en assiette pour l�implantation de nouvelles baraques que la mairie a �nergiquement r�agi. Il n�en fallait pas plus pour pousser les habitants du quartier � la r�volte. Au lendemain des �v�nements qui ont secou� le quartier, ils exigent des solutions concr�tes. Ils rejettent en bloc la proposition faite par l�APC. Le maire leur demande, en effet, de d�signer une vingtaine de personnes pour la cr�ation d�un comit�. Non ! R�pondent les habitants, la solution ne r�side pas dans le comit�. D�ailleurs, disent-ils, ce proc�d� est connu : il vise � diviser pour mieux r�gner. Ce qu�ils exigent, l�unique solution qui leur para�t acceptable et juste, c�est de quitter cette cit� devenue un enfer. Les habitants refusent, en effet, que l�APC ne prenne pas ses responsabilit�s alors qu�ils sont d�ment recens�s � son niveau. Ils sont plus de 1 500 � vouloir des logements d�cents et ne comprennent pas pourquoi � chaque fois qu�une liste de logements sociaux est �labor�e, elle ne comporte pas les noms des habitants de la cit�, pourtant prioritaires. A ceux qui leur reprochent d�avoir �difi� des baraques, ils r�pondent que ces derni�res ne sont que la cons�quence de l�exigu�t� des lieux. Certains se rappellent du jour o� ils sont arriv�s dans ce quartier. C�est le cas de ce quinquag�naire, p�re d�un jeune homme de 32 ans qui dit �tre arriv� ici en 1962. 47 ans plus tard, il vit le m�me calvaire. Pis, il se sent coupable de devoir l�imposer � sa prog�niture. La cit� gronde et rien ne semble calmer les esprits. Les plus �g�s tentent de retenir les plus t�m�raires mais ces derniers n�en d�mordent pas : ils emp�cheront le passage du cort�ge pr�sidentiel le 1er Novembre promettent-ils. Ils sont conscients des risques qu�ils encourent mais disent n�avoir plus rien � perdre : la prison, ils n�en ont pas peur, ils y sont tous les jours. Et dire qu�en les pla�ant l�, Ben-Bella pensait leur rendre service�